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Le rôle positif de la colonisation? «Incongru»!

Charles-Henri Favrod, qui a arpenté «les colonies». swissinfo.ch

Journaliste et écrivain, Charles-Henri Favrod a écrit «Le temps des colonies» en réaction à une loi vantant la présence française outre-mer.

La semaine dernière, les députés ont refusé d’abroger cette loi, votée le 23 février 2005, qui impose aux programmes scolaires d’évoquer «le rôle positif» de la colonisation.

Alors journaliste à la «Gazette de Lausanne», Charles-Henri Favrod, né en 1927 à Montreux, a découvert l’Afrique au début des années 50.

Ami d’Ahmed Ben Bella, l’ancien président algérien, il a facilité les préparatifs des accords d’Evian qui ont abouti à l’indépendance de l’Algérie en 1962.

swissinfo : Votre livre débute sur une photo d’un marché aux esclaves. Peut-on qualifier «Le temps des colonies» de pamphlet anticolonialiste?

Charles-Henri Favrod: Je ne fais pas le procès de la colonisation. Mais comment ne pas rappeler ses méfaits par respect pour l’histoire? J’ai connu le travail forcé, j’ai vu des routes, des voies ferrées, qui ne répondaient qu’à des intérêts économiques, pas à ceux des populations. Elles n’étaient pas reliées entre elles!

Je ne nie pas pour autant que la colonisation ait aussi pu apporter quelques bienfaits. Beaucoup de petits colons n’avaient rien à se reprocher.

swissinfo: Comment interprétez-vous cette loi française, votée en 2005, revenant sur le rôle positif de la présence française, notamment en Afrique du Nord?

C.-H. F.: La sortie du livre «Le temps des colonies» est une réaction à cette loi votée en février dernier par les députés français mettant l’accent sur le rôle positif de la France dans ses ex-colonies.

Cette loi est totalement incongrue. C’est comme si l’histoire célébrait la conquête de l’Ouest aux Etats-Unis en omettant d’évoquer le sort des malheureux indiens. Mon livre a reçu des échos favorables, en Suisse comme en France.

swissinfo: L’attitude française ne compromet-elle pas la signature d’un traité d’amitié franco-algérien initialement prévu fin 2005?

C.-H.F. : Si, et c’est dommage, parce que les Algériens ne sont absolument pas anti-français, malgré la guerre d’indépendance.

J’ai pu m’en rendre compte cette année, à l’occasion de quatre déplacements dans ce pays. Il arrive même à certains Algériens de parler de la «métropole» pour désigner la France!

Mais cette loi scandalise la population. La signature de ce traité est de toute façon compromise pour le moment.

swissinfo: Comment expliquez-vous que le million de Français qui vivaient en Algérie avant l’indépendance n’y soit pas restés?

C.-H.F.: On n’a jamais fait le compte du nombre de massacres commis par l’OAS et les partisans de l’Algérie française pour la seule année 1961. Cette armée secrète s’en prenait aux femmes de ménage, aux instituteurs, aux petits cireurs de chaussures…

Je crois que sans cela, au moins la moitié des Français serait restée dans ce pays. Ahmed Ben Bella, le premier président algérien (1962-1965), que j’ai connu dès 1953 au Caire, en était persuadé. Il y avait aussi 20.000 Suisses en Algérie, ils sont tous partis.

swissinfo: Que vous inspire aujourd’hui l’Algérie?

C.-H.F.: Ce pays me préoccupe. Grâce à ses ressources naturelles, le pétrole et le gaz, l’Algérie ne devrait pas connaître de grands problèmes économiques.

Malheureusement ce n’est pas le cas. Les jeunes Algériens n’ont qu’une obsession: partir, partir.

Seul point positif, les généraux ont été peu à peu écartés du pouvoir.

Interview swissinfo, Ian Hamel

Mars 2004: Projet de loi sur le rôle positif de la présence française outre-mer
Février 2005: Promulgation de la loi
Octobre 2005: Publication du «Temps des colonies»
Novembre 2005: Les députés refusent d’abroger la loi

– Charles-Henri Favrod est né en 1927 à Montreux. Etudes de Lettres à l’Université de Lausanne.

– Journaliste, il arpente les continents et publie notamment «Une certaine Asie», «Le Poids de l’Afrique», «Le Défi du désert, suivi de Retour au Yémen». Il collabore à la presse et à la télévision françaises.

– Il est l’un des intermédiaires officieux entre la France et le FLN algérien à l’aube des Accords d’Evian (1961).

– Il fonde en 1985 à Lausanne le prestigieux Musée de l’Elysée, dédié à la photographie. Depuis, il a été le maître d’œuvre de deux nouveaux musées de la photographie, l’un à Florence, l’autre à Trieste.

– «Le temps des colonies», par Charles-Henri Favrod, est publié aux Editions Favre.

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