Les étoiles de la danse naissent à Lausanne
Cette semaine, le 37e Prix de Lausanne a sélectionné les futures étoiles de la danse classique. Venu du monde entier, les lauréats obtiennent une bourse pour les plus prestigieuses écoles et compagnies de danses. Reportage.
«C’est la chance de ma vie», lance Patron Rimbaud. Ce candidat de 17 ans venu de Grenoble fait partie des 74 apprentis danseurs et danseuses sélectionnés cette année par le Prix de Lausanne sur près de 200 candidatures, soit le chiffre le plus élevé atteint par ce concours depuis sa première édition en 1973.
Patron Rimbaud espère que sa participation au Prix de Lausanne lui ouvrira les portes d’une prestigieuse école de danse ou d’une grande compagnie – il rêve du Royal Ballet de Londres – alors qu’en France il n’y a plus guère que l’Opéra de Paris comme haut-lieu de la danse classique.
Comme l’explique Sarah Guillermin, coordinatrice artistique, le Prix de Lausanne fait partie des plus importants concours de danse classique dans le monde. «Notre particularité est d’offrir la possibilité d’entrer dans de très grandes écoles et d’y suivre une année de cours à l’aide d’une bourse», ajoute-t-elle.
De fait, les meilleures compagnies et écoles de danse de la planète sont partenaires du Prix de Lausanne, que ce soit la Royal Ballet School de Londres, la School of American Ballet de New York ou le Béjart Ballet de Lausanne.
Un espace de rencontre
«Plus qu’un concours, c’est une plateforme et un stage qui permettent à l’ensemble des participants – pas seulement les lauréats – de rencontrer les représentants de ces écoles ou de grandes compagnies. Durant la semaine que dure le Prix, les jeunes danseurs (de 15 à 18 ans) peuvent faire du réseautage et passer des auditions en marge du concours lui-même», poursuit Sarah Guillermin.
Patron Rimbaud ajoute: «Toute la semaine, nous avons des cours de danse classique et contemporaine. Un jury nous attribue chaque jour une note, avant de délibérer à la fin de la semaine pour sélectionner les 20 candidats de la finale ce dimanche.»
Au final, le concours lausannois va attribuer sept bourses. «Mais les autres candidats peuvent brandir leur titre de finaliste ou de participant au concours. Ce qui ouvre déjà de nombreuses portes», assure cette danseuse de formation.
Le respect des candidats
Résultat: beaucoup de danseurs et danseuses étoiles du monde entier sont passés par le Prix de Lausanne. Ses organisateurs choisissent sur dossier (un DVD) des jeunes qui ont du potentiel, non des fruits mûrs. Un objectif qui ne sacrifie pas les candidats sur l’autel de la performance.
«D’autres concours dans le monde permettent aux grandes compagnies d’y faire leur marché, pointe Sarah Guillermin. Ce que nous voulons éviter. Nous refusons que les jeunes danseurs soient considérés comme du bétail. Par la présence de médecins spécialisés, nous veillons à leur intégrité physique. Nous encadrons également leurs rencontres avec les compagnies.»
Un art exigeant
A voir les candidats s’échauffer dans les coulisses du théâtre de Beaulieu, on mesure vite que la danse classique est un art exigeant, comme le montre le parcours de Patron Rimbaud.
Le jeune Grenoblois s’est lancé dans la danse à 11 ans. «Ma sœur prenait des cours de danse dans un conservatoire privé. A force de la voir danser, j’y ais pris goût. C’est ensuite devenu une passion qui m’a conduit à l’opéra de Paris.»
Pour faire de la danse son métier et sa vie, Patron Rimbaud a quitté le giron familial très tôt. «J’ai donc appris à me gérer et vivre tout seul. Je fais très attention à mon corps qui est mon instrument. J’ai également appris à gérer la douleur, suite à des blessures et à l’impossibilité d’interrompre mon parcours de danseur», témoigne-t-il.
Comme les autres participants du Prix de Lausanne, Patron Rimbaud rêve de devenir danseur étoile, soit le niveau le plus élevé de la danse classique, un titre officiel attribué par une compagnie.
Transmettre une émotion
«Pour ce faire, il faut conjuguer expression artistique et maîtrise technique. Et ce en s’imprégnant de la musique. Quand je me mets à danser, je suis dans la musique et je ne pense à plus rien d’autre. C’est comme si je n’étais plus moi-même», décrit le jeune danseur.
En poussant son corps aux limites de l’équilibre, en l’affranchissant – le temps d’un saut – de l’attraction terrestre (une quête du paradis perdu?) le danseur égale les athlètes de haut niveau. Encore faut-il se glisser dans la peau de l’artiste.
«Les cours nous permettent d’accomplir les figures de la danse classique de manière à ne plus avoir à y penser. Nous pouvons ainsi nous concentrer sur la dimension artistique et l’interprétation de notre rôle. Chaque pas de danse a une signification.»
Pour concourir, Patron Rimbaud a choisi une variation de Giselle (le sommet du ballet romantique composé en 1841 par l’Opéra de Paris), soit un prince qui joue sa vie pour retrouver sa belle.
«Il faut donner l’impression au public que je vais danser jusqu’à la mort, raconte le jeune danseur. Et ce sans le support d’un décor et du personnage de Giselle. Il faut donc se mettre dans la musique et le ballet pour faire ressentir ce désespoir au public.»
Attirer les Suisses
Reste à savoir pourquoi si peu de Suisses participent au concours. Il n’y en a même aucun cette année. «Par sa taille, la Suisse offre un petit réservoir de danseurs, explique Sarah Guillermin. Mais elle peut encore développer son système de formation à la danse.»
Raison pour laquelle la Fondation Leenaards a demandé au Prix de Lausanne d’organiser un concours pour la Suisse romande. Sa première édition aura lieu ce printemps. Avis aux amateurs.
swissinfo, Frédéric Burnand à Lausanne
Hannah O’Neill
Nouvelle Zélande
Zhaoqian Peng
Chine
Miki Mizutani
Japon
Edo Wijnen
Belgique
Moreira Telmo
Portugal
Rina Nemoto
Japon
Sebastian Concha
Chili
Beaulieu. Le 37e concours international pour jeunes danseurs s’est tenu au théâtre de Beaulieu à Lausanne du 27 janvier au 1er février.
Histoire. Crée par Elvire et Philippe Braunschweig, le 1er Prix de Lausanne s’est tenu en 1973.
Evolution. Depuis lors, ce concours a développé des partenariats avec près de 60 écoles et compagnies de ballet du monde entier.
International. Près de 4000 candidats venus de 70 pays ont participé au concours lausannois.
Bourse. Plus de 300 lauréats ont obtenu une bourse ou un prix à l’origine de leur carrière internationale.
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.