Les adieux à la scène du grand petit Charles
Le 14 à l'Arena de Genève, le 15 à la Patinoire du Littoral de Neuchâtel, Charles Aznavour offre deux étapes de sa «dernière tournée» au public suisse. Etonnant parcours, étonnant personnage.
Charles Aznavour. L’un des derniers géants. Connu et reconnu d’est en ouest et du nord au sud. Domicilié dans une villa chic du canton de Genève depuis le début des années 70. Veston sage, fumeur – raisonnable – de cigares. Les pieds résolument sur terre, apparemment très loin des excès qu’on attribue volontiers au milieu artistique. Charles Aznavour, éditeur, homme d’affaires – les prix des places de ses spectacles en témoignent – et néanmoins une belle accumulation de talents: chanteur, auteur, compositeur, comédien. Et peintre, pour faire bonne mesure.
A la source aznavourienne, un papa baryton et une maman comédienne. Et puis un petit restaurant, qu’ils tiennent Rue de la Huchette, à Paris. Une enfance au décor simple et bohème – tiens donc – pour le petit Aznavourian, fils d’immigrés arméniens. Et très vite, le goût des planches, les petits rôles, la rencontre avec Pierre Roche, puis Edith Piaf…·
En 97, le saxophoniste Manu Dibango avait participé à la soirée organisée par le Jazz Festival de Montreux en l’honneur des 50 ans de chansons de Charles Aznavour. Son récit est éloquent: «Aznavour, je l’ai découvert musicalement dans les années 50. Et ce bonhomme m’a intéressé. A l’époque, le canon, c’était plutôt les play-boys gominés, Tino Rossi, ce genre-là. Et lui, avec sa voix éraillée, sa petite taille, il avait tout pour ne pas réussir. C’est ce qu’on appelle dans le métier une face B. Mais parfois les faces B réservent des surprises… et Aznavour c’est une super face B!»
En effet. Cette «super face B» a écrit pour Piaf, Gréco, Bécaud, Hallyday, Vartan. A été chantée par Ray Charles, Fred Astaire, Bing Crosby, Liza Minelli. Et s’est inventé un répertoire qui, derrière le classicisme de la forme, a touché des thématiques parfois sulfureuses, ignorées jusque là par la chanson: «Après l’amour», «Tu te laisses aller», «Comme ils disent»… Il fallait oser.
«Pour moi, la base de la chanson française, c’est le texte… Alors c’est du point de vue du texte que j’ai essayé d’être en avance. Musicalement, je me suis servi de ce qui existait. Car sur ce plan, la France n’a rien inventé de particulier: le Brésil, c’est la bossa nova, l’Amérique le jazz, l’Argentine le tango. Je ne pouvais pas écrire que des javas et des bourrées, cela aurait été un peu gênant. Alors je me sers de styles différents, mais uniquement pour porter le texte que j’écris», explique Aznavour.
A bientôt 76 ans, Charles Aznavour, l’artiste pragmatique, le bohème installé, fait ses adieux à la scène. On peut le regretter. Pourtant ses mots resteront. Et pour lui, les mots, c’est indubitablement l’essentiel: «Ce qui est important chez Aznavour, ce n’est pas le chanteur, c’est l’auteur. Le chanteur, on peut le critiquer, cela ne me fait pas de peine. Mais qu’on critique l’auteur, j’aime pas!»
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