Les cités horlogères accèdent au patrimoine mondial
Exemples de symbiose entre l'urbanisme et l'industrie horlogère, les villes de La Chaux-de-Fonds et du Locle ont été inscrites samedi au patrimoine mondial. La Suisse compte donc désormais dix sites figurant sur la liste de l'Unesco.
Près d’une année après l’inscription de la ligne ferroviaire de la Bernina et du Haut lieu tectonique Sardona au Patrimoine mondial de l’Unesco, la Suisse compte un nouveau site répertorié sur la liste des biens culturels et naturels de valeur universelle.
A Séville, le comité de l’Unesco – composé de membres des 186 Etats ayant signé la Convention du patrimoine mondial – a en effet décidé que La Chaux-de-Fonds et Le Locle méritaient d’y figurer.
Considérées comme des exemples de symbiose entre l’urbanisme et l’industrie horlogère, les deux cités des montagnes neuchâteloises avaient bon espoir puisque l’ICOMOS, l’organisation consultative de l’Unesco dans les domaines du patrimoine naturel et culturel, avait émis un préavis positif en mai dernier.
Pour Didier Berberat, président de la Ville de La Chaux-de-Fonds, «c’est un grand jour. Une reconnaissance de la part de la communauté internationale», a-t-il déclaré depuis Séville. Plusieurs milliers de Chaux-de-fonniers, rassemblés sous la Tour Espacecité, ont acclamé l’annonce de l’inscription. Cette nouvelle a donné le coup d’envoi d’une grande fête organisée au centre-ville.
«L’UNESCO a honoré une ville construite sur l’ouverture aux communautés étrangères», a tenu à souligner Théo Bregnard, président du législatif de la cité horlogère. Lors d’une allocution à la Chaux-de-Fonds, il a évoqué la spécificité de cette cité «dont la richesse n’apparaît pas de prime abord».
Les marques de l’industrialisation
«En raison de leur intégrité, de leur originalité et de leur authenticité, la Chaux-de-Fonds et Le Locle constituent un témoignage exceptionnel pour toute l’époque industrielle occidentale, de la fin du 18ème siècle à de nos jours», explique Jean-Daniel Jeanneret, responsable du dossier de candidature.
«L’inscription sur la liste de l’Unesco confirme que ces deux villes sont des références au niveau international pour l’industrie horlogère. Cela contribuera à une meilleure valorisation et à une meilleure protection du patrimoine neuchâtelois», ajoute-t-il.
A première vue, le patrimoine urbain de La Chaux-de-Fonds et du Locle peut paraître insignifiant. Leurs rues tracées au cordeau peuvent sembler monotones. Mais elles possèdent en fait une valeur historique et architecturale exceptionnelle. Les rues, les bâtiments et les usines ont été construits pour répondre aux besoins d’une industrie naissante, devenue avec le temps le symbole de la région.
Un tableau impressionniste
«Pour comprendre la valeur de ces villes, il faut les regarder en curieux», souligne Jean-Daniel Jeanneret. «Ainsi, on peut découvrir leurs côtés cachés, leur architecture qui privilégie la lumière et la rationnalité de la construction.»
D’ailleurs, le caractère exceptionnel d’un site tel que défini par l’Unesco ne se confond pas avec l’idée, subjective, de beauté. «La Chaux-de-Fonds et Le Locle ne peuvent pas être comparées à des cités historiques comme Morat, Fribourg ou Berne. Ces deux villes horlogères ont des caractéristiques propres, qui témoignent de l’évolution d’une région, d’un pays, et, finalement, d’un continent, ceci sur plusieurs siècles», indique Jean-Daniel Jeanneret.
A ses yeux, il est important d’aller au-delà des apparences. «C’est un peu comme être habitué à la peinture classique et se trouver confronté soudain à un tableau impressionniste. Au début, l’expérience est déconcertante», poursuit-il.
L’empreinte de la crise horlogère
Malgré la dureté du climat, l’éloignement des principales voies de communication et le manque de matières premières, La Chaux-de-Fonds et Le Locle ont su tirer plein profit des progrès de l’industrialisation.
Surmontant les deux incendies destructeurs qui les ont ravagées au tournant du 17ème et du 18ème siècles, les deux villes en ont fait des actes fondateurs pour leur avenir architectural.
De petits villages de montagne situés à 1000 mètres d’altitude, elles sont devenues, à la fin du 19ème siècle, des «manufactures horlogères uniques», comme les a décrites Karl Marx. De fait, elles figuraient alors parmi les principaux sites exportateurs du secteur au niveau mondial.
Comparables à certaines villes des Etats-Unis en raison de leur développement urbain, elle l’étaient aussi pour leur multiculturalité. Enormément d’émigrés, en majorité italiens, sont en effet arrivés dans les montagnes neuchâteloises à la recherche d’un travail.
En 1973, La Chaux-de-Fonds et Le Locle, comme le reste de l’arc jurassien, ont toutefois été durement frappés par la crise, qui s’est traduite par des milliers de licenciements. Mais, grâce à l’aide des pouvoirs publics, les deux villes ont aujourd’hui réussi à se forger une réputation de pôles d’excellence dans les domaines de la microtechnique et de la haute technologie.
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Patrimoine mondial
L’oeuvre du Corbusier recalée
La candidature de La Chaux-de-Fonds et du Locle n’était pas la seule à intéresser la Suisse. Mais le comité de l’Unesco s’est prononcé négativement sur le dossier relatif à l’œuvre de Le Corbusier, présenté conjointement par l’Argentine, l’Allemagne, la Belgique, le Japon et la Suisse, sous l’égide de la France.
L’ICOMOS (Conseil International des Monuments et des Sites), l’organisation consultative de l’UNESCO pour les sites culturels du Patrimoine mondial, avait déjà émis des réserves quant au projet Le Corbusier: la recommandation était de ‘différer’ l’inscription. Le dossier pourrait être révisé, selon un communiqué de l’Office fédéral de la culture (OFC).
Cette candidature comprend 22 édifices qui, dans des contextes très différents, témoignent de la créativité de l’architecte franco-helvétique, d’ailleurs né à La Chaux-de-Fonds. Quatre des ces œuvres se trouvent en Suisse: les villas Jeanneret-Perret (Maison blanche) et Schwob (Villa turque) à La Chaux-de-Fonds, la «petite maison» au bord du Léman et la Maison Clarté à Genève.
Stefania Summermatter, swissinfo.ch
(Traduction de l’italien: Carole Wälti)
Le 27 octobre 2008, la Suisse a présenté sa candidature à l’un des 21 sièges du Comité du Patrimoine mondial.
Cet organe définit les politiques à adopter en matière de protection des biens naturels et culturels. Il choisit également les sites qui se voient inscrits sur la liste.
Les élections auront lieu en octobre 2009 à Paris.
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