Les droits de l’homme en version grand public
Un film, un sujet, un débat. C’est la formule gagnante du Festival international du film sur les droits humains qui s’ouvre vendredi à Genève.
Pour sa 3ème édition, le festival espère à nouveau jouer les troubles-fête en marge de la session de la Commission des droits de l’homme de l’ONU.
C’est sans doute ce qui pouvait arriver de mieux à la Commission des droits de l’homme, un organisme onusien qui, chaque printemps, tient ses assises annuelles à Genève.
Alors que dans l’enceinte du Palais des Nations, nombre d’ambassadeurs ferraillent pour protéger leurs gouvernements autoritaires d’une mise à l’index et que d’autres ciblent des pays avec d’évidentes arrières-pensées politiques, le festival, lui, offre une tribune sans concessions aux défenseurs des droits de l’homme et à un public réellement concerné par le sujet.
«12’000 personnes ont fréquenté le festival l’année dernière et, certains soirs, nous avons dû refuser du monde faute de place», rappelle Léo Kaneman, directeur du festival.
Ce public, majoritairement jeune et international, témoigne d’un urgent besoin de comprendre, de s’engager et de débattre. Une exigence que l’on retrouve dans les documentaires présentés au festival.
Une démarche engagée
«Un nombre croissant de réalisateurs – de fictions ou de documentaires – sont concernés par le monde qui les entoure et les dynamiques qui le façonnent, observe Léo Kaneman. Nous assistons bien à un retour du politique dans la culture.»
Pour autant, il ne s’agit pas d’un bégaiement de l’Histoire et d’un retour du gauchisme dogmatique. La démarche, aujourd’hui, se veut citoyenne et humaniste. C’est en tous cas l’ambition du festival genevois.
En posant la question des droits humains, le festival – ses films et ses débats – traverse et remet en cause les politiques et les choix des Etats et des sociétés, quels qu’ils soient.
60 ans après l’atomisation d’Hiroshima et de Nagasaki, le festival organise par exemple un débat sur la responsabilité des chercheurs et l’éthique du savoir.
Une autre soirée met en lumière le sinistre quotidien des femmes d’une île au sud de l’Iran, dont la tête est enserrée d’un masque de cuir (The other side of burka). En écho, un documentaire (The other american war) montre les effets désastreux de la politique anti-avortement de l’administration Bush en Ethiopie. Washington a en effet décidé de ne plus financer les associations qui prônent le planning familial.
Les 9 jours du festival abordent également la répartition des richesses avec un documentaire suédois – Compadre – qui raconte l’histoire conflictuelle d’une amitié entre le réalisateur et une famille pauvre du Pérou, la main de fer de Pékin à l’égard des réfugiés nord-coréen (Seoul train) ou les politiques migratoires de la « Citadelle Europe», selon le titre d’un film réalisé par le Français Gilles de Maistre.
Sans oublier le terrorisme djihadiste et sa répression, les guerres sales de Tchétchénie et du Darfour, les homosexuels harcelés, les journalistes visés en Irak et ailleurs, les interventions humanitaires et leurs ambiguïtés et le conflit israélo-palestinien illustré par un documentaire de genevois Nicolas Wadimoff – L’accord – qui raconte l’histoire mouvementée de l’Initiative de Genève, et Border Project, un film réalisé par des apprentis-cinéastes israéliens.
En d’autres termes, le festival dresse un inventaire des plaies saignantes de la planète. Et il répercute par la-même nombre des questions soulevées par la 61ème session de la Commission des droits de l’homme de l’ONU.
Un mégaphone humaniste
Cette année, le festival fait même un pas de plus en organisant les premiers «Etats généraux des droits humains de Genève». «Il s’agit de retrouver la fonction première de la commission, à savoir de permettre aux personnes victimes de violations des droits humains et à leurs défenseurs de témoigner», souligne Yaël Reinharz Hazan, l’une des organisatrices du festival.
Les deux volets des droits humains définis par l’ONU sont abordés: un débat intitulé «La réforme des Nations Unies: quelles perspectives en terme de justice sociale?» a lieu le 12 mars avec pour cadre les droits économiques et sociaux stipulés par l’ONU.
Quant aux droits de la personne et leurs multiples violations, ils font l’objet d’une table ronde, le 23 mars, réunissant une cinquantaine d’ONG.
Le festival devient ainsi le forum privilégié d’une ville – Genève – qui se veut capitale des droits de l’homme. Il répond – par le débat et l’action – aux attaques de tous bords dont ils sont la cible.
swissinfo, Frédéric Burnand à Genève
Le 3ème Festival international du film sur les droits humains se tient à Genève du 11 au 19 mars à la Maison des Arts du Grütli.
12 documentaires sont en compétition et 14 films servent de base à des débats.
Des débats alimentés par des personnalités comme l’Iranienne Shirin Ebadi, prix Nobel de la paix, Louise Harbour, haut commissaire aux droits de l’homme, l’orientaliste Gilles Keppel, Jean-Christophe Rufin, d’Action contre la faim ou la Malienne Amina Traoré, figure du Forum de Porto Alegre.
– Le festival est soutenu, entre autre, par le ministère suisse des affaires étrangères, la ville et le canton de Genève, la Francophonie et la Loterie Romande.
– Le comité de parrainage est composé de 7 personnes dont Louise Harbour, la cantatrice Barbara Hendricks, l’avocat Robert Badinter, le cinéaste Ken Loach, l’écrivain Jorge Semprun et l’ancien président du Conseil d’Etat genevois Guy-Olivier Segond.
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