Les enfants de migrants ont le droit de connaître leur langue
A l'occasion de la journée internationale de la langue maternelle, un collectif a lancé un appel pour que l'école helvétique offre aux enfants de migrants des cours portant sur leur langue et leur culture d'origine.
De son côté, l’ONU a rappelé que plus de 50% des 6700 langues parlées dans le monde sont actuellement en danger de disparition.
L’Organisation des Nations unies (ONU) a déclaré 2008 «Année internationale des langues». Et c’est jeudi qu’a eu lieu dans le monde entier la «Journée internationale de la langue maternelle».
En Suisse, le «Groupement d’intérêt langues premières» – qui réunit plusieurs organisations et personnes en provenance de la formation, la recherche et la migration – a saisi cette occasion pour lancer un appel afin que l’école helvétique intègre dans ses plans d’étude la «langue première» des enfants de migrants établis en Suisse.
Pour le collectif en effet, les enfants de familles étrangères ne doivent pas seulement apprendre l’allemand, le français ou l’italien. Lors d’une conférence de presse, ses membres ont mis en évidence le «grand potentiel» des langues premières des migrants.
Utile pour l’économie
Selon eux, «un processus d’identification réussi au sein de deux cultures différentes» est bénéfique pour l’intégration privée et professionnelle. Il joue également un rôle dans «la prévention de la violence».
Au niveau pédagogique, de bonnes connaissances dans la langue d’origine des enfants permettent à ceux-ci d’acquérir plus facilement une ou plusieurs langues nationales, souligne le «Groupement d’intérêt langues premières».
Enfin sur le long terme, le collectif mentionne l’impact «positif» pour l’économie suisse. Et Urs Loppacher, du Syndicat des Services publics, de citer une étude allemande qui met en exergue les difficultés des PME d’outre- Rhin à accéder aux marchés étrangers en raison des connaissances insuffisantes en matière de langues étrangères.
Fort de ces constats, le «Groupement d’intérêt langues premières» lance un appel au pouvoir politique, cantons et Confédération. Il milite pour que les cours de langue et culture d’origine soient véritablement intégrés dans le cadre des programmes scolaires. Son slogan: «professionnalisation» et «institutionnalisation».
«Trop souvent, ces leçons ont lieu durant la pause de midi ou le samedi», regrettent les membres du collectif. Ils demandent par ailleurs que les notes obtenues durant ces cours soient reportées dans le carnet scolaire des élèves, au même titre que les mathématiques ou l’histoire.
Des cours dans 35 langues en Suisse
Selon une enquête effectuée l’an dernier au niveau national par le Syndicat des Services publics, des cours de langue et culture d’origine sont actuellement proposés dans 35 idiomes à travers la Suisse. Les plus répandus sont l’italien, l’espagnol, le portugais, le turc et l’albanais.
La durée des cours hebdomadaires est de deux à trois leçons. Ceux-ci ne sont pas financés par les cantons mais notamment par des fonds provenant de la loterie nationale, ainsi que par les parents.
L’offre est plus riche dans les zones d’habitat urbain, souvent grâce aux initiatives d’associations de petits groupes de migrants. Rares sont les cantons qui ont donné des indications sur le nombre d’enfants et de jeunes inscrits à ces cours.
Seuls 16 d’entre eux ont élaboré des réglementations dans ce domaine. Selon le collectif, le canton de Zurich fait figure de bon élève. Un plan d’études générales, repris par 5 autres cantons, a été élaboré par le Conseil de l’instruction publique. Quelque 10’000 enfants résidant sur sol zurichois bénéficient de ce type d’enseignement.
Morts pour leur langue
Les revendications émises en Suisse trouvent écho dans les propos de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).
«Lorsque les langues s’éteignent, la diversité culturelle, richesse de l’humanité, s’amenuise. […] Dans ce contexte, il est urgent d’agir afin de promouvoir le multilinguisme (par) des politiques linguistiques régionales et nationales cohérentes», indique l’organisation.
La Journée internationale de la langue maternelle a été célébrée pour la première fois en 2000.
L’ONU a choisi le 21 février en mémoire à cinq étudiants de Dacca qui ont perdu la vie le 21 février 1952 en luttant pour que le Bangla soit nommé langue officielle dans ce qui était à l’époque le Pakistan Est, et qui est devenu le Bangladesh après la guerre de libération.
swissinfo et les agences
Selon l’ONU, plus de 50% des 6700 langues parlées dans le monde sont en danger de disparition.
96% de ces idiomes ne sont parlés que par 4% de la population mondiale.
L’organisation cite le cas de l’Australie, dont 110 des 250 langues autochtones sont en danger de disparition, et dont 18 seulement sont considérées comme «solides». Le Bunuba, une langue autochtone, n’a plus que 100 locuteurs.
Pour sa part, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) cite le cas de l’Inde, qui s’efforce de pratiquer une politique éducative multilingue. 1650 langues y sont parlées, coiffées par le hindi et l’anglais.
Autre exemple, l’Ainu – langue plusieurs fois millénaire parlée au nord de l’archipel japonais et sur les îles russes de Sakhaline et des Kouriles – a pour sa part failli disparaître avant que des efforts ne soient entrepris pour en favoriser le maintien à la fin des années 1990.
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