Les excentriques du Paléo
Anaïs, Sophie Hunger, Julien Doré: trio gagnant sous le chapiteau à l'ouverture de cette 34e édition. Trois artistes que tout sépare, mais qui ont en commun une certaine manière de ne pas être «formatés».
Paléo, festival béni des cieux. Au sortir d’une semaine de pluies torrentielles, où – comme on dit dans les bulletins météo – «la limite des chutes de neige s’est abaissée» jusque très près au-dessus de nos têtes, la grand’messe nyonnaise commence et c’est la canicule.
Il fait effectivement bien chaud à 17 heures 30 sous cette toile de chapiteau qui agit comme un couvercle de marmite.
Anaïs s’éponge souvent le front. Mais il est vrai qu’elle bouge beaucoup, dans son short en jeans et son débardeur estampillé «I love Britney», qui lui donne l’allure de la fille que vous croisez en allant faire la vaisselle le matin au camping.
Elle doit le faire exprès. Car cette ancienne timide – comme elle l’avoue à la radio – aime rire de tout, et aussi d’elle-même. De son dernier passage au Paléo en 2006, on avait retenu (outre l’humour) les imitations, les changements de voix et cette incroyable virtuosité à démultiplier son chant et ses parties de guitare avec une pédale sampler.
Quelques triomphes et un deuxième album plus tard (le premier a passé les 300’000 exemplaires vendus), Anaïs n’est plus seule en scène. Elle se présente désormais avec un groupe. Et un bon.
Très soudés et très complices, les musiciens multiplient clins d’œil et pastiches, du Blues au Rn’B et du Hard au Yé-Yé, dans un esprit éminemment festif, qui met d’emblée le Paléo de bonne humeur. C’est bien parti !
La grande Sophie
Changement radical d’atmosphère avec la Zurichoise que la France nous envie déjà. Grande fille aux yeux tristes, un peu statique dans sa robe noire à pois blancs, elle impose le silence dès les premiers arpèges de guitare. On sent qu’il va se passer quelque chose de rare.
Comme habitée par la musique, Sophie Hunger ne parle que très peu au public, sourit encore plus rarement, mais elle chante. Et avec quelle puissance ! Cette voix qui par moments donne l’impression de vouloir se briser, enfle à d’autres comme une lame de fond qui pourrait tout emporter sur son passage.
Interprète d’exception, cette jeune artiste de 26 ans est aussi une «songwriter» profondément originale et que l’on dit très perfectionniste.
Ses chansons ne sont qu’à elle, avec ces atmosphères souvent crépusculaires et cette tension où les guitares rythmiques élèvent de véritables murailles de son, tandis que les parties mélodiques sont assurées par le trombone impeccable de Michael Flury, son complice depuis les débuts.
Pas de doute: la Romandie aime Sophie Hunger, qui le lui rend bien. Et avec sa notoriété naissante dans l’Hexagone, elle envisage sérieusement d’écrire des chansons dans la langue de Molière. Sur scène, elle fait déjà Le vent nous portera de Noir Désir et un titre de Léo Ferré, qu’un fan lui a fait découvrir en lui envoyant un disque.
Mais pour le final à Paléo, ce sera Like a rolling stone de Bob Dylan. Une reprise à l’image de son concert. Tellurique.
Le fou du roi
Après le feu intérieur de Sophie Hunger, l’exubérance et l’excentricité de Julien Doré. S’il ne porte plus sa petite barrette dans les cheveux, le double lauréat des Victoires de la musique 2009 a toujours sa dégaine de dandy déjanté, réussissant même à combiner cravate et chemise à jabot.
Désormais, on ne le présente plus comme le gagnant de la Nouvelle Star 2007. Même si le télécrochet de la chaîne M6 couronne des chanteurs nettement moins formatés que l’émission rivale de TF1.
Avec son premier album (130’000 exemplaires vendus selon une estimation), Julien Doré a définitivement assis sa réputation d’auteur à part entière, dont l’inventivité et l’originalité n’ont rien à envier à celles de certains de ses pairs.
Sur scène, cela se voit. Et s’entend. Bien sûr tout le monde connaît Les limites et Figures imposées, les deux singles (au demeurant excellents) que matraquent les radios. Mais ces chansons relativement légères n’expriment qu’une facette de cet artiste protéiforme.
La couleur est ici franchement rock. Déluges de guitares et avalanches de batterie s’accordent parfaitement avec la gestuelle frénétique du chanteur, quelque part entre James Brown, Michael Jackson et Mick Jagger.
Et quand il ne saute pas comme un cabri ou ne se roule pas au sol, Julien Doré est aussi un guitariste fort efficace. Un seul regret: le niveau sonore excessif, qui noie les nuances et écrase les fioritures.
Surprise: les 15 dernières minutes du concert sont pratiquement exclusivement instrumentales. Histoire de laisser totalement s’exprimer le groupe. Et pour le dernier rappel, on aura droit à la petite chanson au yukulélé. Il n’allait quand même pas la rater!
A l’heure de dire merci, on sent que l’artiste propulsé si haut si vite est encore réellement ému d’un si chaud accueil. Excentrique, déjanté, mais sincère…
Marc-André Miserez, swissinfo.ch, au Paléo
The Prodigy, Franz Ferdinand, The Young Gods play « Woodstock », The Ting Tings, Ghinzu, Pascale Picard Band, Peter von Poehl, The Black Box Revelation, Yodelice, Bonaparte, Mama Rosin, Thomas More Project, Commodor
Et au Village du Monde, consacré cette année à l’Inde:
Kiran Ahluwalia, Dhabi, Olli & the Bollywood Orchestra
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