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Les libraires alémaniques mis sous pression

Selon une étude, la libéralisation aurait des effets contrastés en fonction du type de livres. Keystone

La Commission de la concurrence interdit le prix unique du livre en Suisse germanophone. A ses yeux, cette approche ne se justifie pas économiquement.

Libraires et éditeurs feront recours contre une décision qu’ils critiquent vertement.

La Commission de la concurrence (Comco) interdit l’accord de 1993 qui fixe le prix de revente des produits d’édition germanophones en Suisse. Après analyse, sa conclusion est sans équivoques: le prix unique du livre ne peut être justifié par des motifs d’efficacité économique.

Techniquement, l’accord interdit n’a rien de sorcier. Il s’agit d’un système de fixation de prix par lequel les libraires s’engagent à respecter les prix de vente aux clients finaux fixés par les éditeurs.

Selon la Comco, quelque 90% des livres en langue allemande vendus en Suisse sont soumis à ce système.

En 1999, la Comco avait une première fois constaté le caractère illicite dudit accord. L’association suisse des libraires et éditeurs et son homologue du marché allemand du livre avaient recouru contre cette décision.

Trois ans plus tard, le Tribunal fédéral (TF) avait partiellement admis ces recours et renvoyé l’affaire à la Comco. Son rôle: examiner l’affaire sous l’angle économique.

Entre autres choses, la commission a cherché à savoir si l’accord en question conduit à un élargissement de l’assortiment, à une diversité renforcée de produits, à une hausse des ventes. Et cela grâce à des points de vente plus nombreux et un conseil amélioré.

L’affaire n’est pas close

Malgré la décision de la Comco, l’affaire n’est pas close. Selon Patrick Ducrey (Comco), les libraires peuvent déposer un nouveau recours devant la commission de recours pour les questions de concurrence. Et le cas échéant, retourner devant le Tribunal fédéral.

Le recours par la voie politique est aussi possible. Le Conseil fédéral (gouvernement) peut être saisi de cette question et décider de prendre une décision différente pour des motifs de politique culturelle.

L’association des libraires allemands (Börsenverein des deutschen Buchhandels) annonce qu’elle recourra en effet – juridiquement – contre cette décision. Elle le fera en commun avec les libraires suisses, indique son conseiller juridique Christian Sprang.

Selon les libraires et éditeurs suisses, la décision de la Comco est «franchement décevante». Jusqu’ici, le dossier leur a coûté un million de francs. Mais ils continueront leur combat, estimant que le prix unique se justifie autant sous l’angle culturel qu’économique.

En Suisse romande (francophone), où ce type d’accord n’existe pas, 32 libraires ont disparu en deux ans, plaide notamment l’association. Dans la partie alémanique du pays, la fin de cet accord – et la baisse de prix escomptée – ferait mourir entre 30 et 40% des acteurs de la branche.

Représentant de l’association des auteurs suisses (ADS), Peter Schmid condamne lui aussi cette décision. Il estime que le livre – un bien culturel – n’a pas à être assimilé à un produit soumis aux strictes lois de la concurrence.

En Suisse romande aussi, les professionnels du livre réagissent. «Cette décision montre la nécessité et l’urgence d’une loi fédérale sur la réglementation du prix du livre», estime François Perret, de l’Association suisse des diffuseurs, éditeurs et libraires (ASDEL).

«Une telle loi existe dans d’autres pays européens, précise François Perret. Elle empêcherait une guerre des prix ou la concentration de l’offre dans les grandes surfaces».

Les effets de la libéralisation

On l’a vu, la Suisse romande n’est pas directement touchée par la décision de la Comco. Le prix de vente y est réglé par des accords entre les éditeurs, majoritairement français, et les diffuseurs suisses. Les libraires sont ensuite libres pratiquer les rabais qu’ils souhaitent.

Dans l’Union européenne, la Belgique, la Finlande, l’Irlande, la Grande-Bretagne et la Suède ont renoncé au prix fixe sur le livre. En Suède, cette libéralisation a mené à une réduction drastique du nombre de librairies alors qu’en Grande-Bretagne, elle a conduit à un «boom» de la branche.

swissinfo et les agences

Les pays européens où existent des accords sur le prix du livre: Danemark, Allemagne, France, Grèce, Italie, Hollande, Norvège, Autriche, Portugal et Espagne.
Sans accords: Belgique, Finlande, Grande-Bretagne, Irlande, Luxembourg et Suède.

– La Commission de la concurrence (Comco) interdit une nouvelle fois l’accord portant sur le prix unique du livre en Suisse alémanique.

– En Suisse romande, les libraires sont libres de pratiquer les rabais qu’ils souhaitent sur les produits d’édition.

– En Suisse italienne, il n’existe pas non plus d’accord spécifique sur les prix. Le marché y est toutefois très influencé par l’Italie et son système d’entente particulier.

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