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Les mystères préhistoriques de Falera

Les ménhirs et le clocher de l'église San Remigio, rencontre des cultes païen et chrétien. swissinfo.ch

Alignement de menhirs, village préhistorique et cultes païens: un des plus importants sites de l'Age du Bronze en Suisse est à visiter près de Flims, aux Grisons.

A quelques kilomètres de la station où le parlement tient sa session d’automne, le Parc de la Muota à Falera témoigne de la fascination que le ciel exerce sur l’homme depuis le début des temps.

La visite était au programme culturel des parlementaires fédéraux, qui terminent vendredi leur session extra-muros à Flims. Ceux qui s’y seront risqués devraient s’en souvenir. Car le site vaut assurément le détour, ne serait-ce que par sa beauté.

Juste en-dessous du village de Falera, la petite colline boisée de la Muota surmonte un pâturage constellé de ménhirs. Les alignements ne sautent pas aux yeux du premier coup. Certaines pierres manquent, d’autres sont tombées. Mais en marchant de l’une à l’autre, on voit assez vite que ces mégalithes n’ont pas été disposés au hasard.

C’est qu’ici, comme dans toute l’Europe de l’Age du Bronze, on pratiquait il y a 3500 ans une forme de culte solaire.

Culte solaire et calendrier des semailles

Ces pierres dessinent les lignes des solstices. Si ce n’est plus exactement le cas aujourd’hui à cause du mouvement de l’axe de la Terre, les calculs astronomiques montrent qu’à cette époque, ces lignes, prolongées sur l’horizon, indiquaient les points de lever et de coucher du soleil aux premiers jours de l’été et de l’hiver.

En plus de ses usages religieux, cette installation avait aussi des usages directement pratiques pour ces premiers agriculteurs des Grisons. Connaître la date du début des saisons les aidait à planifier leurs semailles, leurs récoltes et les différents régimes alimentaires de leur bétail.

Sur d’autres pierres, on trouve, ici une croix indiquant très exactement les quatre points cardinaux, là un triangle parfaitement équilatéral, ou là encore un drôle de petit personnage fendu d’un immense sourire, probablement un des notables de cette communauté du fond des âges.

Un village enfoui sous les arbres

Car ce « temple solaire », comme on en a retrouvé d’autres dans la région, n’était pas un site isolé. Au sommet de la colline s’élevait un village de 150 à 200 habitants, qui, bien que détruit trois fois (par qui? par quoi?) a existé durant 14 siècles.

Fait de simples huttes, il était entouré d’un mur de pierre haut de deux mètres, dont de larges portions subsistent aujourd’hui, noyées dans l’exubérance de la forêt. Protection contre les animaux sauvages, mais certainement aussi contre le vent glacial du nord-est, qui balaye le sommet de la colline.

L’emplacement n’en est pas moins stratégiquement idéal, avec la vue panoramique qu’il offre sur la vallée en contrebas.

Ici, les archéologues ont retrouvé nombre de poteries et de bijoux, dont une très grosse aiguille de bronze, de 82 centimètres de long, surmontée d’une plaque ovale de 16 centimètres. Symbole de pouvoir d’un puissant chef ou objet de culte, ce trésor est aujourd’hui visible au Musée de Coire.

31 siècles d’observation du ciel

Mais la trouvaille qui a certainement le plus impressionné les archéologues, c’est un dessin gravé dans la pierre, montrant un soleil partiellement assombri par la lune. Selon eux, il indique que les bâtisseurs de la Muota avaient su prédire l’éclipse presque totale (97%) qui fut visible d’ici le 25 décembre de l’an 1089 avant Jésus Christ.

31 siècles plus tard, leurs successeurs n’ont pas perdu l’habitude de lever les yeux vers une voûte céleste particulièrement éclatante dans cette haute vallée encore bien préservée des lumières parasite. Falera, qui a déjà son sentier planétaire, accueille dans quelques semaines le congrès national des astronomes amateurs. Et l’année prochaine, le village devrait inaugurer son propre observatoire.

Histoire de perpétrer une très vieille tradition…

swissinfo, Marc-André Miserez à Falera

Proche de Flims et de Laax, Falera appartient à la région touristique de l’«Alpenarena», à une trentaine de kilomètres de Coire, la capitale des Grisons, surtout réputée pour les sports d’hiver.

Le village de Falera se situe à 1220 mètres d’altitude. Ses quelque 550 habitants sont majoritairement de langue romanche.

Malgré cela, la moitié environ des noms de famille de la région n’ont aucune racine latine. Pour Ignaz Cathomen, auteur de nombreuses fouilles et d’ouvrages savants sur la Muota, ils proviennent de la langue des Rhètes, peuple celtique ou étrusque, arrivé aux Grisons il y a 2500 ans et soumis par les Romains cinq siècles plus tard.

Les plus anciens vestiges du village et les ménhirs de Falera sont encore plus anciens: la datation au carbone 14 leur donne 3500 ans d’âge.

Le site se visite soit avec un plan, soit accompagné d’un guide, option nettement préférable pour en comprendre toute la richesse.

Du 18 septembre au 6 octobre, les deux chambres du parlement suisse tiennent leur session d’automne à Flims. Ce déménagement temporaire vient rendre hommage à la minorité parlant romanche, quatrième langue nationale du pays. Il correspond également à une période de travaux de rénovation du Palais fédéral, à Berne.

Le parlement a déjà tenu deux sessions extra-muros, dans les deux autres régions linguistiques minoritaires. En 1993 à Genève et en 2001 à Lugano.

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