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Les papys ont le power au Paléo

Hughes Aufray. Franchement, vous lui donneriez son âge, vous ? Keystone

David Crosby (68 ans), Stephen Stills (64 ans), Graham Nash (67 ans) et avant eux Hughes Aufray (82 ans) ont montré jeudi soir sur la Grande Scène du Paléo que la valeur se moque parfois du nombre des années.

Hughes Aufray. En 2005, il avait envoûté les 8000 spectateurs du Chapiteau. Concert presque intimiste, plein de ferveur et d’émotion. Et déjà, il ne faisait pas son âge.

Ce soir, c’est la Grande Scène, et il pleut. Quand le barde à l’impeccable crinière blanche fait son entrée, ils ne sont pas encore très nombreux à patauger dans la boue, mais la plaine va vite se remplir, au fur et à mesure que les gouttes s’espaceront.

Il attaque avec Dylan, son complice de toujours, dont il a fait découvrir la poésie aux francophones dès les années 60. Les Temps Changent, tempo enlevé, facture rock, puis La Fille du Nord, guitare sèche et harmonica. Et un peu plus tard l’inoxydable Blowing in the Wind (Dans le Souffle du Vent), avec ces mots si simples, pour poser des questions si essentielles. Et si intemporelles, hélas.

Combien de fois lèverons-nous les yeux avant d’entrevoir la lumière ?
Combien de fois aurons-nous prié Dieu
Sans même un regard pour nos frères ?
Combien de morts, d’enfants et de soldats avant de cesser le combat ?

Un ange passe, moment de grâce

Et il nous fait aussi du Hughes Aufray (Dès que le Printemps Revient, Des Jonquilles aux Derniers Lilas), de la chanson manouche (Troubadour, Gitan, Mariachi), du cajun (Jambalaya sur le Bayou), du flamenco, du blues, du bastringue avec accordéon. Toujours avec cette voix claire et un peu métallique, sur laquelle les ans ne semblent pas avoir prise.

La pluie a cessé définitivement. La plaine, désormais noire de monde, tangue de plaisir et reprend à tue-tête les refrains mille fois entendus de Stewball ou d’Hasta Luego. Et au final, ils seront bien quelques milliers (y compris les enfants) à hurler Hisse et oh, hisse et ohhh, San-ti-aano !

Cette chanson vous a gonflé quand il fallait la chanter à la veillée scoute ? Moi aussi. Mais aujourd’hui, elle a passé l’épreuve du temps. Elle est devenue une évidence. Alors pas de problème Hughes, tant que tu tiens aussi bien la vague et le flot des ans, nous irons jusqu’à San Francisco.

Un peu d’histoire

San Fransisco, eux, ils en viennent. Enfin presque, puisque CS&N s’est formé à Monterey, festival 100% hippie tenu deux ans avant Woodstock.

Au milieu d’une foule où l’on croise Jimmy Hendrix, Brian Jones, Janis Joplin, George Harrison, Paul McCartney, Keith Moon et quelques milliers d’autres «enfants fleuris». Trois musiciens déjà connus décident d’unir leurs guitares et leurs cordes vocales. David Crosby vient des Byrds, Stephen Stills de Buffalo Springfield et Graham Nash, le british de passage, est avec les Hollies.

Le premier album fait un carton et Stills se réconcilie avec son frère ennemi de Buffalo Springfield, Neil Young, qui vient renforcer le groupe le temps d’une tournée et d’un second disque. C’est la «dream team» qui jouera à Woodstock et sur l’album live Four Way Street, encore aujourd’hui un sommet en matière d’harmonies vocales rock-folk.

Puissant et lyrique

Woodstock, c’est la chanson d’ouverture ce soir au Paléo. Et dès le premier refrain, une certaine appréhension (légitime au vu de l’âge du trio et d’un passé pas toujours très «clean») s’envole: les voix sont toujours, là. Puissantes, lyriques, épanouies dans une maturité qui les rend même plus profondes.

Les guitares aussi sont là. Crosby et Nash moulinent la rythmique et Stills se prend des solos aux sonorités acides, comme on en faisait dans les concerts gratuits du Gloden Gate Park à l’été 67. Dans ces moments, la plaine semble onduler au rythme de la musique, envoûtante (Wooden Ships), sautillante (Marrakesh Express) ou plus poignante (Love the One you’re With).

Les reprises par contre ne sont guère convaincantes. Sur Ruby Tuesday (des Rolling Stones), comme sur Behind Blue Eyes (des Who), CS&N livrent certes une parfaite partition vocale, mais ils semblent avoir oublié l’orchestration.

Trop d’électricité

Puis à la longue, malgré des moments de répit comme la magnifique partie basse-piano jazzy sur Déjà Vu, ce moulinage incessant de guitares électriques finit par devenir envahissant… et réducteur, sur des titres souvent acoustiques à l’origine.

On se prend alors à noter que Stills n’est pas Hendrix, ni Page, ni Clapton, ni même Joe Walsh (des Eagles) et qu’il devrait en faire un peu moins. On se prend aussi à regretter la guitare de Neil Young, qui donnait si bien la réplique à celle de son ex-rival.

Cette impression de lourdeur va heureusement s’envoler sur le final. Chicago, l’hymne révolutionnaire («we can change the world, re-arrange the world», et tant pis si on ne l’a pas fait, ça défoule toujours), enchaîné sur For What it’s Worth (de Buffalo Springfield), que les spectateurs de Forrest Gump ne peuvent pas avoir oublié (c’est le moment où la section du lieutenant Dâân essuie pour la première fois le feu du Viêt-Cong).

Et ils terminent avec Teach your Children, peut-être le titre le plus connu du répertoire (il y a même encore quelques spectateurs qui connaissent les paroles). Pour cette belle balade country, le trio passe enfin aux guitares acoustiques. On aurait aimé les voir plus tôt, étant aussi une des marques de fabrique du groupe.

Mais là aussi, il aurait peut-être manqué le picking virtuose d’un certain Neil Young…

Marc-André Miserez, swissinfo.ch au Paléo

Jamiroquai, Gentleman & The Evolution, Diam’s, Sens Unik, Inna de Yard, Hocus Pocus, The Heavy, General Elektriks, The Narcicyst, Junior Tshaka, Aloan, Mark Kelly, Filewile, MyKungFu, Kya Bamba.

Et au Village du Monde (Afrique australe): Ben Sharpa, Lindigo, Damily.

1500 billets en vente.
Le festival est «sold out» depuis longtemps et aucun billet n’est vendu légalement sur place. Toutefois, pour essayer de casser le marché noir, Paléo met en vente chaque matin dès 9 heures 1500 billets pour le soir même. A saisir sur son site web ou dans les points de vente ticketcorner.

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