Les Rroms selon Yves Leresche
Le Musée de l'Elysée, à Lausanne, accueille une triple exposition autour des images d'Yves Leresche, Jean-Claude Wicky et Zalmaï.
Entre esthétique et éthique, des artistes qui ont préféré l’immersion au simple reportage. Gros-plan sur Yves Leresche.
Cet automne, le Musée de l’Elysée proposait «photo.romande.elysee», une exposition consacrée à la photographie romande.
On pouvait notamment y découvrir les travaux de quatre jeunes créateurs (Catherine Gfeller, Olivier Cristinat, Anna Kanai et Gérard Pétremand) ayant opté pour une démarche plastique et résolument conceptuelle. «Photo d’art», comme on dit.
Comme en écho, mais un écho inversé, leur succèdent Yves Leresche, Jean-Claude Wicky et Zalmaï, à découvrir jusqu’au 26 janvier. Des photographes romands – ou liés à la Romandie dans le cas de Zalmaï – qui, eux, s’inscrivent dans la tradition du «grand reportage».
Le temps de vivre
Tous ont opté pour le noir-blanc, riche de mystère et de dramatisation. Tous ont opté pour des thématiques humaines, et l’envie de raconter une expérience personnelle et forte: les Rroms pour Leresche, les mineurs de Bolivie pour Wicky, l’âpreté du quotidien chez les plus démunis pour Zalmaï.
Tous, enfin, ont choisi de prendre leur temps. Leur travail se compte ni en jours ni en mois, mais bien en années. Années de rencontres, de dialogues, d’immersion pour aller au plus près de la chair et de l’âme.
C’est en 1990 qu’Yves Leresche a saisi ses premiers clichés des «Rroms», Tsiganes de Roumanie. Puis, dès 1994, il est retourné là-bas quatre fois par année, plusieurs semaines à chaque fois. Rroms avec deux R, pour indiquer un son roulé.
«J’ai rencontré des gens difficiles d’accès au début, mais très généreux. Et qui m’ont apporté beaucoup de choses. Je leur devais donc bien de continuer mon travail avec eux», constate Yves Leresche.
Photographe ou chaudronnier?
«Par rapport à un journaliste qui construirait un reportage, moi, je me laisse aller: j’arrive chez eux et je suis le mouvement. Le fait d’être vraiment dans leur mouvement me fait donc découvrir des choses auxquelles je n’aurais même pas pensé», souligne le photographe.
Mais à propos, eux, les Rroms, comprennent-ils la démarche de ce jeune Suisse qui les suit depuis plus de dix ans? «Ils savent très bien que je fais des expositions, par exemple. Mais dans leur tête, ce n’est pas très clair. Déjà, ils ne comprennent pas ce qu’est le métier de photographe», répond Yves Leresche.
Et d’ajouter: «Pour eux, ce n’est pas un métier, on ne peut pas vivre avec ça. J’ai développé des photos devant eux, pour leur montrer comment ça marche. Et le grand-père m’a dit: ton travail, ce n’est pas bien… Pendant que tu fais deux photos, moi je fais deux chaudrons. Et un chaudron vaut plus cher qu’une photo!»
Garder le lien
Les Rroms d’Yves Leresche sont à voir au Musée de l’Elysée. Et dans un livre de 192 pages, publié récemment (Ed. Infolio en français, et Benteli en allemand). Est-ce à dire que l’aventure ‘Rroms’ est terminée pour Yves Leresche?
«Je travaille déjà sur d’autres sujets. Mais je retourne régulièrement chez les Rroms. Parce que j’y ai maintenant des attaches amicales, même un peu familiales: je suis parrain d’un enfant. Je vais donc peut-être moins y travailler, et plus y aller en vacances. Mais je vais garder le lien, ça c’est sûr…»
Pour l’heure, Yves Leresche travaille notamment sur la question des réfugiés sahraouis en Algérie. Une autre famille en perspective?
swissinfo/Bernard Léchot
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