Locarno sur Bombay
Fin du festival ce dimanche. L'Inde y était présente au travers d'une vaste rétrospective, «Indian Summer». Mais aussi dans d'autres sections, notamment en compétition.
Les inconditionnels du cinéma classique américain auront pu suivre à Locarno une rétrospective consacrée au cinéaste, Canadien d’origine, Allan Dwan, «l’homme aux 1000 films».
Mais c’est davantage encore «Indian Summer» qui aura retenu l’attention. Comme avait retenu l’attention le film «Lagaan», d’une durée de 3h40, qui, projeté l’année dernière sur la Piazza Grande, avait frappé les spectateurs à tel point que le «Prix du Public» lui avait été décerné.
Du kitch au réalisme
L’Inde. Deux chiffres pour dire l’importance du 7e Art dans le sous-continent: une production de 700 films par année et 14’000 salles exploitées dans le pays. Pour tenter de rendre compte de ce phénomène, Locarno a opté pour une approche ‘panoramique’, et sélectionné 32 films réalisés au cours de ces 25 dernières années.
Pour faire court, disons qu’il y avait bien sûr des échantillons de l’énorme production commerciale made in Bombay, le cinéma ‘bollywoodien’ comme on le surnomme. Un cinéma caractérisé par son goût invétéré pour les intrigues amoureuses, les costumes chatoyants, les danses folkloristes et les chansons sirupeuses.
Mais il y avait aussi à Locarno des représentants du cinéma indépendant, qui vise davantage au réalisme. Et par conséquent, qui est plus souvent tourné dans une langue régionale qu’en hindi. Un cinéma que bien souvent le public populaire indien, plus porté sur la légende que sur l’âpreté du quotidien, ignore.
Ainsi «Le piège à rats» (1982) de Adoor Gopalakrishnan, qui porte sur les difficultés individuelles liées aux mutations de l’Inde moderne. Ou «The Terrorist» (1998), de Santosh Sivan, inspiré par l’assassinat de Rajiv Gandhi, en 1991.
Absurdité ethnico-religieuse
De terrorisme, il en est également question dans «Mr. and Mrs. Iyer», d’Aparna Sen, présenté samedi dans le cadre de la compétition.
Dans les montagnes du Cachemire, une jeune femme, Meenakshi Iyer, voyage en car avec son bébé. Juste avant le départ, elle a fait la connaissance, par le biais d’un ami commun, du photographe Raja Chowdhury, qui s’est engagé à veiller sur elle.
Elle vient d’un milieu brahmanique rigoriste, encombré de dogmes religieux et d’interdits sociaux. Lui – elle ne le découvrira qu’en cours de route- est musulman. Donc, pour elle, pas très éloigné du démon.
Ce qui ne l’empêchera pas, alors qu’un commando d’hindous haineux prend en otage le car pour y débusquer d’éventuels musulmans, de faire passer le photographe pour son mari.
Bloqués par la suite dans une maisonnette, pour cause de couvre-feu, Mrs Iyer et son mari d’emprunt auront le loisir de mieux s’appréhender. Et elle, sans se renier pour autant, de réfléchir aux œillères et aux préjugés que son éducation traditionnelle lui a imposés.
Traité avec intelligence et pudeur, «Mr. & Mrs. Iyer» parle de l’acceptation de l’autre. Et stigmatise l’extrémisme religieux. Ce délire que les religions ne cautionnent pas nécessairement, mais que, par leur prétention à l’absolu, elles suscitent nécessairement.
Pour prolonger l’été locarnais…
A noter que, parallèlement aux rétrospectives, le Festival de Locarno publie deux ouvrages: «Allan Dwan – la légende de l’homme au mille visages» (Ed. Cahiers du Cinéma) et «Indian Sumer – Films, Filmmakers and Stars between Ray and Bollywood» (Ed. Olivares – Festival internazionale del film Locarno).
Et signalons encore que le «Museum für Gestaltung» de Zurich propose jusqu’au 8 décembre une exposition consacrée aux relations que l’industrie cinématographique indienne entretient avec la Suisse.
Depuis moult années, en effet, de nombreuses séquences ‘bollywoodiennes’ ont été tournées dans nos Alpes aux allures parfois de Cachemire.
swissinfo/Bernard Léchot à Locarno
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