«Nous offrons intimité et authenticité, les vraies valeurs de Montreux»
Neil Young, Van Morrison, Patti Smith et Deep Purple sont quelques-uns des grands noms qui composeront le 50e Montreux Jazz Festival. Une édition anniversaire qui se dessine comme un hommage à l’histoire de la musique avec une fenêtre ouverte sur l’avenir. Objectif? «Garder vivants la magie et l'esprit de Montreux», explique le directeur du festival Mathieu Jaton.
swissinfo.ch: C’est le 50e anniversaire. Vous étiez aussi là pour les célébrations du 30e et du 40e. Pourquoi cette édition est-elle si spéciale?
Mathieu Jaton: Il est très rare d’avoir un festival qui célèbre son 50e anniversaire. Montreux, c’est mon cœur et mes tripes. J’ai travaillé pendant 22 ans ici comme membre du personnel.
Quand j’ai entamé la conférence de presse aujourd’hui, j’étais très ému. Claude [Nobs] est décédé en 2013 et il me disait toujours: «Je me réjouis du 50e anniversaire.» Il n’est plus là aujourd’hui mais je ressens sa présence, surtout que nous avons tenu la conférence dans sa maison, où il est né, a logé des artistes et cuisiné pour eux, des personnes comme David Bowie. Il lui arrivait même de faire le DJ jusqu’à 5h du matin dans ce lieu.
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swissinfo.ch: Quels sont les points forts du programme de cette année?
M.J.: C’est une question difficile, car il y en a tellement. Neil Young a joué à Montreux en 2001, et nous avions beaucoup espéré qu’il revienne pour le 50e, c’est donc très important.
Ensuite, il y a tous les amis de Montreux, des gens comme Van Morrison, Santana, ou Deep Purple qui partage l’affiche avec Zappa plays Zappa, ce qui permet de tisser un lien avec l’histoire de la chanson Smoke on the Water sur l’incendie du Casino qui a brûlé en 1971 après un concert de Frank Zappa.
Mogwai, et PJ Harvey qui jouent avec Patti Smith, ainsi que Air représentent la jeune génération.
swissinfo.ch: Le concert d’ouverture est confié à la légende du jazz Charles Lloyd, qui a joué la première fois à Montreux en 1967…
M.J.: Nous sommes proches de lui depuis de nombreuses années. Il a été le tout premier artiste américain à jouer au festival en 1967. C’était le choix le plus logique pour ouvrir le festival.
Nous avons ainsi mis sur pied une soirée d’ouverture spéciale au Casino avec Charles Lloyd. Au cours de la même soirée, nous avons programmé Monty Alexander qui joue «the Monty Alexander Album», qu’il a joué en 1976, lors de sa première venue. C’est à cette époque qu’il a créé une programmation spéciale et enregistré cet album qui fut celui qui rencontra le plus de succès.
swissinfo.ch: Qui sera invité à la soirée spéciale de Quincy Jones?
M.J.: Quincy est vraiment l’ambassadeur du festival. Il nous a soutenu depuis plusieurs années et a coproduit le festival de 1991 à 1993 avec Claude. Quand Claude est décédé, il m’a appelé et m’a dit: «Mathieu, je suis là pour soutenir le festival comme je l’ai toujours été.»
Ainsi, il était important pour moi de l’avoir ici cette année. Il est venu avec un groupe et avec des invités qui chantent selon ses standards. Nous en avons quatre pour l’instant: Patty Austin, Al Jarreau, Grace et John Baptiste de la nouvelle génération du style New Orleans.
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swissinfo.ch: Avec Claude, vous aviez l’habitude de plaisanter en disant que vous étiez les gardiens de cet hôtel 5 étoiles, qui porte le nom de Montreux Jazz Festival. En coulisses, cette tâche représente beaucoup d’efforts. A quel point cette 50e édition a-t-elle été difficile à mettre en place?
M.J.: Il y avait beaucoup de passion mais j’ai aussi ressenti pas mal de pression, car je devais porter 50 ans d’histoire de la musique. Je ne me suis toutefois pas senti stressé. Le programme était solide et faisait le lien avec l’histoire du festival. Nous avons aussi reçu le soutien de nombreux artistes.
swissinfo.ch: Claude était une personne exigeante dans le travail, qui demandait une loyauté totale. Quel genre de chef êtes-vous?
M.J.: Je ne suis pas de la même génération que lui. Le festival était son bébé. Il était le festival. Lorsque j’ai pris les commandes, c’était très important que l’esprit de Claude et le festival continuent. J’ai une équipe de 30 personnes qui ont se sont investies avec le cœur. Mais je suis très fier de représenter les 50 prochaines années.
swissinfo.ch: Vous célébrez la remarquable histoire du festival et avec ce programme vous comptez montrer son potentiel pour les 50 prochaines années. Comment voyez-vous le futur de ce festival?
M.J.: Je suis très confiant et optimiste pour l’avenir. Au début des années 2000, lorsque l’industrie du disque et les ventes ont commencé à chuter et que les artistes ont commencé à faire des tournés avec d’énormes productions, des acteurs du monde de la musique se sont demandé ce qui allait advenir de Montreux, comme nous avons de petites salles et qu’il est difficile de faire entrer les gens à l’intérieur.
Il y a beaucoup des grands festivals à l’extérieur qui sont incroyables, comme Coachella and Lollapalooza ou encore Glastonbury avec des artistes majeurs. Mais pour moi, le rêve de Montreux, c’est ce que nous avons fait durant les trois dernières années: accueillir de grandes productions comme Muse dans une petite salle avec 4000 places. C’est ainsi que je vois l’avenir de la musique. Même si vous avez de grandes productions, vous pouvez inviter des artistes à faire de l’acoustique ou de plus petites concerts pour vous distinguer des autres. Nous avons à offrir l’intimité et l’authenticité, les vraies valeurs de Montreux.
Mon objectif pour le futur est de garder l’esprit du festival et de rassembler tous les éléments qui permettent à la magie d’éclore.
(Traduction de l’anglais: Katy Romy)
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