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Metin Arditi, éclectique à tous crins

«Ce qui compte, c'est rester dans la logique de la lucidité», constate Metin Arditi.

Ingénieur, homme d'affaires, mécène, essayiste, romancier et président de l'Orchestre de la Suisse romande, Metin Arditi publie chez Actes Sud «La Fille des Louganis».

Un roman dense où volonté et destin s’affrontent comme dans une tragédie grecque.

Il ne se complaît pas dans la pose encombrante du touche-à-touche génial. Pourtant, les tâches qu’il accomplit auraient pu l’y autoriser.

Ingénieur atomique, homme d’affaires, romancier essayiste et président de l’Orchestre de la Suisse romande, Metin Arditi a la boulimie créatrice. D’où lui vient-elle? Dame Nature? «Oh que non!», s’empresse-t-il de répondre dans un rire.

Alors, on préfère lui dire que ce sont sans doute les dieux de l’Olympe qui l’animent de leur souffle. Ce serait en tout cas plus plausible. Après tout, Metin Arditi ne vit-il pas tout près d’eux? Il passe un bout de son temps en Grèce. Il y est en ce moment, à Spetses précisément, une petite île proche du Pirée.

C’est là que nous avons joint l’auteur par téléphone. C’est là aussi que se déroule, en partie, l’action de son dernier roman «La Fille des Louganis», publié chez Actes Sud.

Une quête éperdue

Spetses donc, un jour de février 1952. Les frères Louganis, Spiros et Nikos, pêcheurs de leur état, disparaissent en mer à la suite d’une explosion. Cette mort n’est pas un accident, mais un crime doublé d’un suicide.

Spiros et Nikos laissent deux enfants: Pavlina et Aris. Ces deux-là se croient cousins. Mais en réalité ils sont frère et sœur. Ne pas voir néanmoins dans cette trame policière un thriller. Surtout pas. Car «La Fille des Louganis» est une quête éperdue d’un univers sans tache et une histoire d’intégration à la vie, mais ô combien douloureuse!

Comme dans les romans précédents de Metin Arditi («L’Imprévisible», «La Pension Marguerite», «Dernière lettre à Théo»…), s’exerce ici la force implacable du destin.

Ce destin «qu’il ne faut pas trop bousculer parce qu’il est fier», comme le dit joliment l’auteur. Avant de préciser: «Si on sait attendre et être patient, on peut dialoguer avec lui et l’amadouer».

Pavlina, la fille des Louganis, fait penser aux héroïnes des tragédies grecques. Sur elle pèse la malédiction d’une famille malaimée des dieux. C’est une Antigone des temps modernes, piégée par ses passions, prise entre son destin et la volonté de s’en défaire.

En héritage, Pavlina a reçu une faute – commise jadis par sa mère – qu’elle passera sa vie à payer. A son corps défendant, elle apprend à habiter le monde, à composer, comme on dit aujourd’hui, pour survivre.

Un roman ancré à Spetses

Metin Arditi affirme avoir très longtemps observé les habitants de Spetses. Dans son roman, il a mis beaucoup d’eux. «Ce sont des gens farouches, dit-il, indépendants et forts comme mes personnages. Forts parce que nus. Chez eux, il n’y a pas de falbala, pas de sac Vuiton qui traîne».

Forcément, ces personnages sont attachants. D’autant que l’auteur les dote d’une capacité à sourire inébranlable. Il y a dans son roman une luminosité méridionale qui lui vient de ses origines.

Turc de naissance, Grec par alliance, Italien par enchantement, Metin Arditi est un amoureux de la vie. Ce Genevois d’adoption confie avoir une grande soif de vérité. Diplômé de l’Ecole Polytechnique fédérale de Lausanne (où il a enseigné aussi), cet homme à la veine également scientifique avoue mener son travail de romancier comme jadis ses recherches.

«Ce qui compte, lâche-t-il, c’est rester dans la logique de la lucidité».

Alors, quand on lui demande pourquoi son roman ne garde pas jusqu’au bout le rythme nerveux et haletant du début, pourquoi il s’épaissit par moments en entrant dans des considérations mélodramatiques, il répond: «Parce que mon écriture suit le mouvement de la vie qui tantôt avance, fougueuse, et tantôt ralentit».

swissinfo, Ghania Adamo

«La Fille des Louganis» de Metin Arditi, Editions Actes Sud, 192 pages.

Né en 1945 à Ankara, Metin Arditi vit à Genève où il est arrivé à l’âge de 7 ans. Ingénieur en génie atomique, il a enseigné à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne.

Il est le président fondateur de la Fondation Arditi qui, depuis 1988, accorde des prix et bourses aux gradués de l’université de Genève et de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne. Il est également président de l’Orchestre de la Suisse romande.

Il est l’auteur de plusieurs récits et essais, publiés aux éditions Zoé et chez Actes Sud. Son premier roman «Mon Cher Jean… de la cigale à la fracture sociale» date de 1998.

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