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Montreux Jazz Festival, 40 ans d’affiches

Le bonhomme qui swingue dessiné par Keith Haring pour l'affiche de 1983. MJF

Milton Glaser, Jean Tinguely, Keith Haring, David Bowie... L'histoire du festival, qui commence le 30 juin, c'est aussi 40 signatures, parfois illustres, au bas de l'affiche.

Pierre Keller, directeur de l’Ecole cantonale d’art de Lausanne (ECAL) et membre du Conseil de fondation du Montreux Jazz Festival, pose son regard piquant sur cette collection.

«Un jour, j’ai dit à Claude Nobs: moi, je ne connais rien en musique – ma carrière musicale s’est terminée dans la fanfare de l’armée suisse! Toi, tu ne connais rien en art», se souvient Pierre Keller.

Le patron du Montreux Jazz Festival l’entend. Et, au début des années 80, Pierre Keller prend les choses en main. En 1982, il demande à l’artiste suisse Jean Tinguely de réaliser l’affiche.

«Je lui ai dit: Dessine-moi un festival… Et là, il nous a fait un feu d’artifices! Son affiche a eu un succès phénoménal. On a alors pu s’apercevoir que ça pouvait rapporter beaucoup d’argent.»

L’œuvre de Tinguely, retravaillée par Pierre Keller, donnera aussi naissance au logo officiel du Montreux Jazz Festival.

Le swing de Keith Haring

Un an plus tard, le directeur de l’ECAL rencontre Keith Haring – et ses graffitis – à New York. «Je lui demande un personnage qui swingue, il me fait mon premier tableau, que j’achète pour 50 dollars… Un 20X20, fantastique, que j’ai toujours.»

«Je lui propose de faire l’affiche de Montreux. Il présente trois projets. Nous les gardons les trois. Puis, on fait venir Keith Haring qui dessine des panneaux originaux dans le cadre de la ville de Montreux. C’est là qu’il peint la fameuse jeep de l’armée suisse. C’est énorme!»

Cette année-là, les T-shirts se vendent très bien, les affiches plutôt mal. Pierre Keller récupère le stock restant. Une belle affaire… Aujourd’hui, elles valent entre 8’000 et 10’000 francs pièce!

Nana noire, nana rose

Deux ans après Jean Tinguely, c’est sa compagne Niki de Saint-Phalle qui signe l’affiche de 1984. En plus de Montreux, elle doit réaliser celle du Detroit Jazz Festival.

«Pour Montreux, c’est une nana noire. Mais, à Detroit, impossible d’avoir une grosse noire, alors Niki de Saint-Phalle la peint en rose», raconte Pierre Keller.

Puis vient le 20e anniversaire du festival et l’idée d’associer Keith Haring et Andy Warhol. «J’arrive à New York le dimanche matin. On se retrouve tous les trois dans le studio de Keith Haring. On fait un peu les pitres. Et tsac! Je repars le dimanche soir avec trois projets. Très simplement.»

Bowie et Phil Collins

Par la suite, Boisrond, Combas ou encore Nicola de Maria, entre autres, viennent s’ajouter à cette liste prestigieuse.

«Tout va bien, résume le directeur de l’ECAL. Et puis, Claude reprend le dessus, avec son mauvais goût et cette envie – quelle idée! – de faire des affiches avec des musiciens…»

Celle de 1995 est signée David Bowie, une évocation du largage de la bombe d’Hiroshima. Et, en 1998, c’est Phil Collins qui illustre le festival avec son petit batteur.

Verdict sans concession de Pierre Keller: «Deux catastrophes graphiques totales! Comme quoi, on ne peut pas être bon partout. En musique et en art. Et Claude non plus… Chacun son métier et les vaches seront bien gardées, disait mon père.»

Vraiment si mauvais que ça? «C’est de l’amateurisme». Mais parfois l’amateurisme donne une certaine fraîcheur, non? «Bah! Non. La pureté, le côté infantile offrent la fraîcheur. Mais est-ce que vous pensez vraiment que David Bowie et Phil Collins sont infantiles?» Soit.

Témoins d’une époque

Au final, la collection est peut-être «inégale». Elle est également représentative de l’histoire du graphisme. Les affiches témoignent de leur époque. Epoque hippie, par exemple, pour celles créées par le Montreusien Roger Bornand en 1968 ou Milton Glaser en 1976.

Dans son ensemble, la collection raconte aussi le festival. Pour le spectateur, chaque affiche évoque un souvenir. Un concert, une rencontre, une ambiance. Pierre Keller, lui, retient surtout une «fantastique collaboration avec Claude Nobs».

«On s’amuse beaucoup. S’il n’y avait pas ces coups de cœur, ces coups de folie et ces coups de gueule, nous ne serions plus amis depuis longtemps.» Une amitié explosive en somme? «Oui, toujours avec lui!»

swissinfo, Alexandra Richard

En 1967, Claude Nobs fonde le 1er Montreux Jazz Festival avec un budget ne dépassant pas les 10’000 francs suisses (environ 17 millions en 2005).

Dix ans plus tard, le festival atteint une durée record de 23 jours.

De 1978 à 2002, plus de sept Montreux Jazz Festivals émergent à travers le monde, des Etats-Unis, au Japon, en passant par Monaco et le Brésil.

L’année 2006 marque les 40 ans du festival, qui se déroule du 30 juin au 15 juillet, et aussi les 70 ans de son créateur.

L’affiche 2006 est signée par l’artiste britannique Julian Opie.
Apparu au début des années 90, il a notamment signé la couverture d’un album du groupe Blur et créé des animations pour U2.
Pour le quarantième anniversaire du Montreux Jazz Festival, Julian Opie a dessiné trois affiches qui représentent les musiciens de Deep Purple.

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