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Quelles œuvres Berne peut recevoir de la collection Gurlitt?

Le trésor de Gurlitt viendra enrichir considérablement les collections du Musée des Beaux Arts de Berne. Keystone

La fin de la querelle juridique sur les plus de 1500 œuvres qui constituent l’héritage de Cornelius Gurlitt ouvre la voie à leur remise au Musée de Beaux ArtsLien externe de Berne. Mais quelques obstacles demeurent. Explication de la journaliste Catherine HickleyLien externe, auteur d’un livre sur la collection Gurlitt.

Jusqu’ici, le trésor est resté dans un entrepôt à Munich, caché aux yeux du public. La question est: combien d’œuvres le Musée peut-il emporter immédiatement? Et la réponse courte est: pas toutes.

Le catalogue de la collection – Otto Dix, Claude Monet, Paul Cézanne, Ernst Ludwig Kirchner, Pablo Picasso, Wassily Kandinsky – ressemble au Who’s Who de la peinture moderne. Mais son ampleur est plus large encore. Elle inclut aussi quelques grands maîtres hollandais, un tableau d’Albrecht Dürer et des sculptures sur bois japonaises.

Recherches et restitutions

Aux termes d’un accord passé entre le Musée et le gouvernement allemand, une équipe de chercheurs allemands va continuer à investiguer sur la provenance de la collection. Les œuvres dont il est prouvé qu’elles ont été volées ou dont il est «hautement probable» qu’elles l’aient été ne pourront pas entrer en Suisse. Celles qui ont été identifiées comme résultant d’un pillage effectué par les nazis seront rendues aux héritiers des collectionneurs juifs qui les possédaient.

Ceci a déjà été le cas pour deux tableaux importants de la collection. «Deux cavaliers sur la plage» de Max Liebermann a été rendu à David Toren, l’héritier de David Friedmann à qui il avait été volé. Et la «Femme assise» de Matisse a été rendue aux héritiers du marchand d’art parisien Paul Rosenberg.

De même, trois autres œuvres seront rendues aux héritiers de leurs propriétaires: un dessin de Carl Spitzweg d’un couple de musiciens, une vue de la Seine de Pissarro et un dessin d’Adolph von Menzel de l’intérieur d’une église gothique.

Après cela, restent tout de même 680 œuvres dont les chercheurs du gouvernement allemand ne peuvent pas exclure qu’elles soient le fruit d’un pillage nazi. Et ils ont recommandé que 189 d’entre elles fassent immédiatement l’objet de recherches plus poussées.

Parmi elles se trouvent des tableaux de Pierre-Auguste Renoir et Gustave Courbet; des dessins de Cézanne, Eugène Delacroix, Liebermann, Jean-Baptiste-Camille Corot, Georges Seurat et Giovanni Battista Tiepolo; des eaux fortes de Rembrandt et Picasso; des lithographies d’Edvard Munch et de Marc Chagall; et des sculptures d’Auguste Rodin et d’Edgar Degas. Le Musée devra donc attendre encore un certain temps avant de pouvoir éventuellement prétendre à ces trésors.

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Un héritage encombrant

Ce contenu a été publié sur Nombre des œuvres d’ art ont été acquises par le marchand d’art Hildebrand Gurlitt pendant la période nazie. Le ministre de la propagande du IIIe Reich, Joseph Goebbels, l’avait chargé de vendre à l’étranger les œuvres d’un art qualifié de dégénéré par la propagande nazie et saisies chez des collectionneurs juifs persécutés. Hildebrand Gurlitt avait…

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Au-dessus de tout soupçon

Berne peut cependant aussi prendre possession de 231 œuvres d’art confisquées par les nazis aux musées allemands au titre d’ «art dégénéré». Celles-ci sont considérées comme non suspectes d’avoir été pillées et les musées n’ont pas d’exigences légales sur elles.

Au lieu de cela, le Musée des Beaux Arts a promis d’être «particulièrement généreux dans sa politique de prêt» envers les musées allemands avec ces œuvres.

Des travaux sur papier de Dix, George Grosz, Beckmann, Oskar Kokoschka, Emil Nolde, Karl Schmidt-Rottluff, Otto Müller, Erich Heckel, August Macke et Kandinsky font partie de ces œuvres lavées de tout soupçon qui peuvent désormais partir pour Berne. On y trouve aussi de belles aquarelles qui n’ont rien perdu de leur éclat en étant stockées dans l’appartement de Gurlitt.

Le Musée va aussi entrer en possession d’œuvres de deux membres de la famille Gurlitt. La tante de Cornelius Gurlitt, Cornelia et son arrière-grand-père Louis Gurlitt étaient tous deux artistes, et la collection comprend 278 œuvres qui soit sont d’eux, soit ont été dédiées à la famille, et sont donc au-dessus de tout soupçon.

De nombreuses impasses

Le Musée des Beaux Arts va maintenant participer aux recherches sur la provenance des œuvres et espère que les travaux seront achevés d’ici la fin 2017. Ce qui semble optimiste au vu du temps qu’ont déjà pris les recherches jusqu’ici.

Berne a dit qu’il ne prendrait possession que d’œuvres dont il est «prouvé, ou hautement probable qu’elles n’ont pas fait l’objet d’un pillage». Mais dans bien des cas, les chercheurs risquent d’aboutir à une impasse, particulièrement pour les tirages, qui ne sont pas uniques et pour lesquels il peut être presque impossible d’identifier les propriétaires d’origine avec un quelconque degré de certitude.

Dans ces cas ambigus, Berne peut choisir de prendre les œuvres ou pas. Le Musée a promis de «prendre ces décisions soigneusement, avec respect pour les circonstances historiques».

Il y a aussi dans la collection quelques objets dont le Musée des Beaux Arts ne devrait pas vouloir du tout. 53 des 1578 pièces ont été exclues des recherches car elles provenaient de «production de masse», comme des pages de calendrier arrachées. Sans oublier une gouache, originellement attribuée à Chagall, qui a ensuite été reconnue comme un faux.

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(Traduction de l’anglais: Marc-André Miserez)

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