Nicolas Bouvier, Ceylan et les tropiques
L'écrivain genevois est le personnage central de «22, Hospital Street», un documentaire à l'affiche des salles romandes, réalisé par Christoph Kühn.
Le cinéaste alémanique s’inspire ici du « Poisson-Scorpion », célèbre récit de Bouvier dans lequel l’auteur raconte son voyage au Ceylan en 1955.
C’est un récit qui vous colle à la peau comme la chaleur moite de Ceylan, île «aux mille sourires» qui tira des larmes amères à Nicolas Bouvier. L’écrivain genevois la fit flotter dans sa tête vingt ans durant.
Vingt ans avant d’opérer une catharsis en écrivant «Le Poisson-Scorpion», récit d’un voyage aussi féerique que cauchemardesque qu’il fit donc dans cette île où il débarqua en 1955.
«Le Poisson-Scorpion», rédigé dans une langue scintillante comme un joyau, riche et magnifique, est comme une matrice qui contiendrait la douleur, la redoutable drôlerie et la lucidité orgueilleuse de Bouvier, grand pionnier des routes.
22, Hospital Street
«On ne voyage pas, écrit l’auteur, pour se garnir d’exotisme et d’anecdotes comme un sapin de Noël, mais pour que la route vous plume, vous rince, vous essore.»
Et l’on sort essoré de ce «Poisson-Scorpion» dont s’est inspiré le cinéaste alémanique Christoph Kühn pour réaliser «Nicolas Bouvier, 22 Hospital Street». Un film qui mêle documentaire et fiction dans une atmosphère tropicale où la mousson et le soleil vous rincent et vous assèchent tour à tour.
22, Hospital Street est l’adresse de guest-house sis à Galle, ville du sud de Ceylan où séjourna Nicolas Bouvier en compagnie de son ami le photographe et peintre suisse Thierry Vernet.
Des Balkans à l’Inde, par l’Iran
Les deux hommes avaient quitté ensemble Genève, à bord d’une Toppolino, avaient traversé les Balkans puis l’Iran et s’étaient arrêtés aux confins de L’Inde.
Ce périple-là, Bouvier l’a raconté dans «L’Usage du monde». Plus tard, l’écrivain poursuivra sa route seul et rejoindra Thierry Vernet à Ceylan où le peintre l’avait devancé et où il l’attendait avec sa fiancée Floristella.
Dans le film, cette dernière apporte sur l’aventure cinghalaise un témoignage émouvant. A plus de 80 ans, Floristella Vernet garde une grâce absolue qui allège par moments la torpeur inquiétante du film. Et qui contraste avec la silhouette chamanique de l’aubergiste du guest-house, retrouvé 50 ans plus tard.
La voix de Bideau
Hiératique, le témoignage de l’aubergiste émaille le film et accentue le côté magie noire de ce documentaire, fidèle en cela à l’esprit de Bouvier. Le récit de l’écrivain, sa perception métaphysique de l’exotisme, son autodiagnostic d’une déroute qui frise la folie sont ici relayés par la voix-off de Jean-Luc Bideau.
Narrateur inspiré, le comédien épaule l’écrivain, voyageur accablé ici par un chagrin d’amour, qui, après le départ de Thierry Vernet et de sa fiancée, se retrouve seul à Ceylan.
Seul face à sa curiosité trop hardie et à ses affabulations puisées dans la fièvre de la maladie. Celle qui aggrave la fragilité d’un corps mal soigné et d’un cœur mal aimé.
swissinfo, Ghania Adamo
22, Hospital Street. Film suisse de Christoph Kühn
Inspiré du Poisson-Scorpion, récit de Nicolas Bouvier
Actuellement à l’affiche en Suisse
– Nicolas Bouvier est né à Genève le 6 mars 1929. Il commence à bourlinguer dès son adolescence en Europe du Nord et en Italie.
– Dès 1953, ses voyages l’emmènent vers l’Orient et l’Extrême-Orient. Puis, dès les années 80, vers l’Ouest et l’Amérique du Nord.
– Ses voyages vont inspirer de nombreux récits, ouvrages d’iconographie et expositions photo.
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.