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«Nous pouvons être fiers du cinéma suisse»

Frédéric Maire assure que Locarno sera toujours important pour lui.

Le Festival international du film de Locarno s'ouvre cette semaine. Le Romand Frédéric Maire le dirigera pour l'avant-dernière fois. Dès fin 2009, il embrassera un autre secteur du cinéma. swissinfo l'a rencontré.

De la direction artistique du festival, le Neuchâtelois passera dès novembre 2009 à la tête de la Cinémathèque suisse.

swissinfo: Est-il difficile de préserver l’italianité dans un festival comme Locarno?

Frédéric Maire: L’italianité est un concept très vaste. Ainsi, sur la Piazza Grande, nous diffuserons le film «Marcello, Marcello» dirigé par un metteur en scène suisse de lointaine origine italienne. Un film tourné en Italie et en italien: doit-on dès lors le considérer un film suisse ou italien?

Si, par italianité, nous nous référons au cinéma italien ou italophone, nous nous trouvons effectivement face à des difficultés objectives.

Locarno a ses racines dans un territoire italophone qui apprécie le cinéma italien ou italophone.

Nous sommes cependant confrontés à la forte concurrence de Venise et, dans une moindre mesure, à celle de Rome et de Turin. En fait, pour des questions de marché, les distributeurs italiens font tout ce qu’ils peuvent pour présenter leurs films à Venise car ils pensent avoir plus de visibilité en Italie. Ce n’est pas vraiment juste mais c’est ainsi.

Ceci dit, Locarno se défend bien. Vu qu’il s’agit d’un festival centré sur les découvertes, qui privilégie une certaine marginalité et la différence, hors des grands systèmes italiens comme Rai-Medusa par exemple (un important promoteur de films financé par la télévision), Locarno est devenu la plate-forme du cinéma italien indépendant, différent et réalisé avec peu de moyens.

swissinfo: Locarno accueille un grand protagoniste du cinéma italien, Nanni Moretti, à qui est dédiée la rétrospective de cette année. Un homme plutôt complexe…

F.M: Nous nous respectons mutuellement Nanni et moi. Après avoir donné son accord de principe sur la rétrospective, Moretti nous a tout de suite dit qu’il était très tatillon. Lors de notre première rencontre, il a exposé ses exigences, tout en ajoutant avoir peu de temps. En fin de compte, il nous a pourtant consacré un temps énorme.

Nanni Moretti a accepté d’être présent à Locarno, qu’il connaît déjà, parce que pour lui, le cinéma vient avant toute chose. Il sera donc ici pour parler de cinéma en tant que metteur en scène, acteur, producteur et directeur de festival. Cette rétrospective, qui peut sembler évidente à certains Italiens, mais qui ne l’est pas vraiment, proposera une vision à 360 degrés, complétée par une exposition et la présentation d’un livre.

swissinfo: A Locarno, le cinéma suisse est une réalité toujours plus prégnante. Quel regard portez-vous sur la production helvétique actuelle?

F.M: Un regard plutôt positif. Le nouveau film de Lionel Baier sera en compétition. Il s’agit selon moi d’un des plus grands auteurs du nouveau cinéma suisse. Un cinéma suisse qui a présenté le film d’Ursula Meier à Cannes lors de la semaine de la critique.

Il y aura une forte présence romande à Locarno et elle sera très diversifiée. Quelques grands films alémaniques sont aussi très intéressants mais ils sont encore en cours de production et ne seront pas prêts pour le festival.

On ne peut pas avoir chaque année en Suisse de gros succès commerciaux et de grandes œuvres d’auteurs. Aussi longtemps que nous n’aurons pas une industrie cinématographique plus solide et disposant de plus d’argent, il y aura toujours des hauts et des bas.

swissinfo: Depuis trois ans, le festival dédie une journée entière au cinéma suisse. Trois ans, c’est peu pour un bilan. Mais y a-t-il quand même des signaux encourageants quant à l’impact d’un tel évènement?

F.M: Certainement. Cette journée est une excellente carte de visite pour le cinéma suisse et elle attire un grand public. Les spectateurs ont ainsi l’occasion de se rendre compte de la qualité de notre cinéma et d’en être fiers. Afin de promouvoir davantage encore la production, nous avons décidé de redimensionner la journée.

Cette année, nous la dédierons aussi aux acteurs, qui sont des éléments importants du cinéma helvétique et qui méritent d’être valorisés. Les acteurs suisses qui se font connaître à l’étranger sont nombreux. Ils se font si bien connaître qu’ils disparaissent ensuite des films suisses.

swissinfo: Vous avez su ramener le cinéma au centre du festival, en privilégiant le contenu sur l’apparence. A Locarno, il sera aussi question de «star system», de mondanités et de tapis rouge. Le cinéma, suisse compris, ne peut-il donc pas se passer de tout cela?

F.M: Ce sont des aspects qui peuvent parfaitement cohabiter et je crois que Locarno en est l’exemple. Nous ne déroulons pas de tapis rouge et ne faisons pas étalage de mondanité excessive, c’est vrai. Mais des stars viennent à Locarno parce qu’elles en apprécient l’atmosphère. Voyez: Anthony Hopkins présente son film en bras de chemise devant 3000 personnes avant de se balader dans Locarno en toute tranquillité. Locarno n’a pas besoin de smoking et de champagne.

swissinfo: En 2009, vous quitterez Locarno pour une nouvelle aventure professionnelle. Cette décision a-t-elle été difficile à prendre?

F.M: Je ne l’ai pas prise facilement, c’est vrai. Avant d’accepter de diriger le Festival du film, je savais parfaitement que je n’aurais pas pu le faire très longtemps. Par rapport à mes prédécesseurs, les temps ont changé. Il s’agit d’un travail dur où il faut s’engager à fond, qui exige beaucoup d’énergie. Il faut sans arrêt courir d’un coin à l’autre du globe tout en gardant l’oeil sur mille autres choses.

Lorsque la vie offre soudainement de nouvelles opportunités, l’heure de faire un choix a sonné. Tout le monde sait à quel point j’aime Locarno, j’y suis né cinématographiquement parlant, j’ai suivi ce festival pas à pas. J’ai dû décider de mon avenir: je relèverai le défi de diriger la Cinémathèque suisse. Mais je suis et je resterai lié à ce festival.

Interview swissinfo, Françoise Gehring, Locarno
(Traduction et adaptation de l’italien, Gemma d’Urso)

Le directeur artistique du Festival international du film de Locarno a été nommé à la tête de la Cinémathèque suisse. Frédéric Maire dirigera le Festival jusqu’en 2009 et prendra sa nouvelle fonction le 1er novembre 2009.

La Cinémathèque suisse abrite 70’000 films, deux millions de photographies et 100’000 affiches. Sise à Lausanne (canton de Vaud), elle figure parmi les institutions cinématographiques les plus importantes au monde.

Journaliste et critique de cinéma, le Neuchâtelois Frédéric Maire, fondateur de la «Lanterne Magique», est directeur du Festival de Locarno depuis 2005. Sa succession est ouverte.

La 61e édition du Festival international du film de Locarno aura lieu du 6 au 16 août prochain.

Dix-sept films dont neuf premières mondiales seront projetés sur l’écran géant de la Piazza Grande.

La compétition internationale compte 17 réalisations provenant de 16 pays. Le programme propose 12 œuvres en première vision mondiale et cinq en première internationale. Six films sont des premières œuvres.

Le concours Cinéastes du présent compte 12 premières mondiales et cinq premières internationales sur les 17 films confirmés dont cinq sont des premières réalisations.

Pour la production suisse, 40 films seront projetés à Locarno.

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