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On l’appellerait Toride Amor…

A 41 ans, Tori Amos semble au sommet de son art. Keystone Archive

La 39e édition du Montreux Jazz Festival a vécu ses premiers moments de grâce avec la flamboyante Tori Amos aux claviers, à la voix, au sommet.

En première partie, l’Anglais Tom McRae a fait jaillir des émotions à fleur de peau de sa voix à cran d’arrêt.

Après quatorze chansons sur la scène du Casino Barrière, Tori Amos s’est esquivée. D’un trot léger et dans l’obscurité, histoire de laisser sans qu’il s’en aperçoive le spectateur seul en son jardin, celui de la gardienne des abeilles («The Beekeeper», le plus récent de ses huit albums, sorti ce printemps).

Et si l’Américaine est revenue pour un (seul!) rappel et deux titres, c’était pour s’assurer d’avoir bien fermé le portail…

Au jardin de Tori, rien n’est convenu ni déjà vu. Durant deux petites heures, la chanteuse est seule en scène, avec un piano à queue, un autre électrique et deux orgues Hammond.

Déambulation

Mais dans ce jardin, aucune progression en crescendo, pas d’apothéose. Le visiteur est convié à déambuler de ci de là. Parfois – rarement – un trop plein de notes et d’inflexions de la voix, de temps à autre, une zone qui invite à un ennui méditatif.

La majeure partie de la visite se vit toutefois dans la jubilation, les larmes aux yeux parfois devant le flux et reflux d’une voix incroyablement mobile et solide. Tori Amos la tord, la veut frémissante, murmure, feule, elle chante et se donne, entière.

La plupart des titres sont issus de «The Beekeeper», un disque qui parle de religion, de mystique féminine, de sexualité. A 41 ans, la rouquine charismatique – hypnotique (est-ce un hasard si les rouquines venues l’applaudir semblaient particulièrement nombreuses?) – paraît au faîte de son art.

Cohen et Waits

Et en concert davantage encore qu’en studio. Les chansons pop de son dernier opus prennent en live une toute autre densité. Tori Amos tend à freiner les tempos, explorant ce qu’elles ont dans le ventre. Dans l’esprit au moins, on n’est pas loin du blues, du gospel, du jazz.

Son jardin montreusien, l’Américaine l’a planté de plantes précieuses – «Original sensuality», «Marys of the sea» – de fleurs encore en bouton mais aussi de titres plus anciens comme «Bells for her», tirée de l’album qui l’a fait connaître par le grand public en 1994 («Under the Pink») et qui contenait son fameux «Cornflake Girl».

Des plantes rares empruntées à d’autres aussi. Et cela, à la demande de spectateurs rencontrés dans la rue, explique Tori Amos. Un titre ancien de Leonard Cohen d’abord, au plein milieu du jardin. Et juste après, «Time», chef-d’oeuvre de Tom Waits («I love this guy», lance Tori Amos), qu’elle malaxe juste là où il faut.

Triste McRae

Tom McRae faisait la première partie du concert de Tori Amos vendredi. Mais lui est resté derrière le portail. Pas de verger ni de potager luxuriant.

Tristesse et mélancolie (d’amour) sont les deux constantes chez McRae. «Si j’avais une chanson heureuse, je la chanterais maintenant, note-il au tiers du concert. Mais je n’en ai pas.»

Influencé par Nick Drake, évoquant parfois Michael Stipe (REM), l’Anglais se produisait à la guitare, accompagné d’un violoncelliste. Avec sa voix haut perchée, souvent tendue, soyeuse aussi parfois, et même céleste, Tom McRae donne le frisson. Beaucoup l’ont éprouvé vendredi.

swissinfo, Pierre-François Besson à Montreux

Le Montreux Jazz Festival a lieu jusqu’au 16 juillet
Plus de 1000 artistes animent cette 39e édition
Les grands noms du festival se produisent sur trois scènes
Qui sont l’Auditorium Stravinski, le Miles Davis Hall et le Casino Barrière

– Tori Amis faisait cette année sa deuxième apparition à Montreux. La première fois, c’était en 1991, avant la gloire. Ce qu’elle n’a pas manqué de noter, remerciant au passage Claude Nobs de lui avoir donné sa chance.

– Il s’agissait aussi du deuxième passage de Tom McRae sur la riviera vaudoise. L’Anglais était venu avec son band en 2003. En duo cette fois-ci, il estime que le jour viendra où il ne sera présent qu’en affiche.

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