Le Centre culturel suisse se déploie hors ses murs
Jean-Marc Diébold, le nouveau directeur de l’antenne parisienne de Pro Helvetia, entend multiplier les partenariats avec d’autres lieux de culture, à Paris et ailleurs. Sa programmation, qui donne plus d’espace au spectacle vivant, démarre le 17 janvier.
«Difficile de croire qu’on accueillera des artistes et des milliers de visiteurs dans quelques jours», confie Jean-Marc Diébold dans la salle de spectacle du Centre culturel suisse de ParisLien externe, en plein montage technique. Il a fallu faire venir une société spécialisée pour vérifier la résistance des moyens d’accroches du plafond. Début février, ils devront supporter les sangles circassiennes du spectacle de Stefan Hort, «Solution intermédiaire».
Du cirque dans l’intérieur feutré du Centre culturel suisse (CCS)? C’est du jamais vu ou presque. «De la scène circassienne helvétique, on connaît surtout le travail de la paire Martin Zimmermann et Dimitri de Perrot, mais il y a une nouvelle génération prometteuse», assure Diébold: Hort, mais aussi Julian Vogel et Josef Stiller. Et Mélissa von Vépy, dont on pourra découvrir les causeries envolées, toujours sous les toits de l’antique Hôtel Poussepin, dans le médiéval quartier du Marais.
Première avec les Delgado Fuchs
Alors, c’est la révolution au CCS? Plutôt un changement de ton, de couleurs, d’affinités. Jean-Paul Felley et Olivier Kaeser, qui ont dirigé le Centre dix ans durant, ont, à la suite de Michel Ritter (2002-2007), en ont fait un lieu très couru par les professionnels en matière d’arts visuels contemporains, de performance artistique et même d’architecture. Diébold est plus féru de spectacle vivant, lui qui fut directeur artistique du Théâtre national Le Merlan à Marseille et responsable du théâtre et de la danse à l’Institut français de Berlin.
Pour ne pas perdre le label «art contemporain» du CCS, Jean-Marc Diébold travaillera avec une experte ès arts visuels, la jeune bâloise Claire Hoffmann. Les habitués du Centre, gavés d’expos et d’installations avant-gardistes pendant une bonne décennie, ne devraient pas être trop dépaysés à l’occasion du lancement de la nouvelle programmation, les 17 et 18 janvier. Maîtres de cérémonie, Marco Delgado et Nadine Fuchs feront le lien entre l’ancien CCS et le nouveau. Performance, danse, vidéo, transdisciplinarité, humour sensuel et décalé: tout le monde devrait s’y retrouver.
C’est promis: pas plus qu’avant, on ne verra au Centre culturel suisse «La Visite de la vieille dame» jouée à l’ancienne. Et Emile Jaques-Dalcroze, Blaise Cendrars ou Arthur Honegger n’y seront interprétés, s’il le faut vraiment, qu’au deuxième degré, voire au 36e . Le Centre demeure la plateforme de la nouvelle création helvétique.
Marionnette, jazz et théâtre de texte
Dans sa valise, Jean-Marc Diébold apporte ses dadas. La marionnette par exemple, pour laquelle il entame une collaboration avec d’autres théâtres parisiens. Le jazz, féminin notamment, incarné en Suisse par Elina Duni ou Giulia Dabalà, qui seront programmées en janvier et en mai. Les auteurs dramatiques également, parmi lesquels Antoine Jaccoud, dont l’œuvre «Au revoir» sera lue par l’acteur français Mathieu Amalric au… Festival d’Avignon, cet été.
Diébold entend multiplier les partenariats avec d’autres lieux, à Paris et ailleurs. Pour que la création helvétique ne reste pas enclavée dans le Marais parisien. De toute manière, Jean-Marc Diébold n’a pas le choix. En 2021, le CCS devra fermer boutique pour deux ans, excepté la librairie et les bureaux. Le temps d’adapter le lieu aux normes de sécurité, de l’ouvrir aussi aux personnes à mobilité réduite.
Deux ans d’itinérance
On en profitera pour rafraichir les salles d’exposition, pour agrandir légèrement la salle de spectacle. Et pour quitter Paris, pour deux ans d’itinérance à travers la France. Diébold veut faire de cette période nomade un temps fort de son mandat. Le Centre culturel suisse se retrouvera ailleurs, dans la France profonde, la «vraie» dit-on.
A Nantes pourquoi pas, au «Lieu unique» dirigé par le Suisse Patrick Gyger, dont le CCS pourrait assurer la programmation durant quelques semaines. A Marseille, que Diébold connaît bien pour y avoir dirigé le Théâtre du Merlan, ou à Lyon. «Ce sera une occasion unique pour développer des liens avec d’autres lieux, pour accroître les réseaux du CCS», note son directeur, qui commence à préparer ce tour de France.
Pays où il est plutôt à l’aise, lui le Français né en Suisse, le Bourguignon, dont le père était venu en Suisse étudier à Zurich, à l’Ecole polytechnique fédérale, pour y faire une carrière d’ingénieur. Pro HelvetiaLien externe, qui finance le CCS, n’a pas fait de la nationalité suisse un critère déterminant dans le choix du nouveau directeur. Cette légère «lacune» chez Jean-Marc Diébold est largement compensée, a dû juger la fondation, par sa bonne connaissance de l’allemand et des milieux culturels alémaniques.
Par ailleurs, l’excellent journal du CCS, Le PhareLien externe ne paraîtra plus, au grand regret de ses lecteurs. «Chaque semestre, nous mettrons l’accent sur une discipline artistique et accompagnerons la programmation d’une publication», promet Jean-Marc Diébold.
Le CCS de Paris
Le Centre culturel suisse de Paris est situé au cœur du quartier du Marais, dans l’Hôtel Poussepin. Il appartient à la Fondation suisse pour la culture Pro Helvetia, dont le siège est à Zurich et qui est présidée par le Genevois Charles Beer. Avec un budget global d’environ 2 millions de francs le CCSP finance chaque année deux programmes semestriels pluridisciplinaires. Créé en 1985, il a d’abord été dirigé par Otto Ceresa (1986-1988). Walter Düggelin lui a succédé (1988-1990), puis Daniel Jeannet (1990-2002), Michel Ritter (2002-2007), la paire Jean-Paul Felley-Olivier Kaeser (2008-2018) et aujourd’hui Jean-Marc Diébold.
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