Pascal et Youssou se souviennent…

L’homme rouge et l’homme noir sur fond de neiges jurassiennes. (SRG-SSR/Expo.02) swissinfo.ch

Alors qu'Expo.02 poursuit sa route jusqu'au 20 octobre, le spectacle d'ouverture peut désormais se réécouter en CD, DVD ou VHS.

En marge de la publication de ces enregistrements, Youssou N’Dour et Pascal Auberson évoquent leur rencontre.

Les passions sont retombées. Le déferlement critique qui avait suivi le spectacle d’ouverture d’Expo.02 n’est plus qu’un souvenir.

Un souvenir douloureux sans doute pour le metteur en scène François Rochaix, qui méritait indéniablement son lot de critiques, mais pas l’assassinat médiatique qu’il a subi.

Souvenir douloureux peut-être aussi pour les nombreux compositeurs qui ont collaboré à cette œuvre collective, et qu’une bonne partie de la presse, swissinfo incluse, a quasiment passé sous silence, se focalisant sur le maître d’œuvre.

Le calme revenu, la redécouverte

Supports audio et vidéo permettent donc de se replonger dans ce spectacle pantagruélique, et de trier. De ne pas tout adorer en bloc, mais en tout cas de mieux constater la largeur de l’éventail musical, et la qualité de certains apports.

Ainsi les folies symphonico-jazzy de Jean-François Bovard («Les maîtres de l’univers»). Le lyrisme choral de Bertrand Roulet («Hymne à la nuit»).

De mieux apprécier également les voix, qu’on avait parfois égarées derrière la taille des personnages. Celle, tribale, de Lilith (Erika Stucki), et celle, rockeuse, de la Panthère noire (Sina).

Ou celle du fascinant Ulysse (Pascal Auberson) réinventant les langues dans «Ulysse au pays des merveilles», ou racontant sa planète sur «La Terre est un vaisseau». Sans oublier celle de Youssou N’Dour, «l’ami étranger» devenu, le temps d’une chanson, chantre du Jura.

Des souvenirs, à Lausanne comme à Dakar

Youssou N’Dour n’avait pas pu être présent en chair et en os sur scène. Alors il s’était rendu quelques temps auparavant dans les neiges de Saignelégier, où il avait rencontré Pascal Auberson.

A la fin du spectacle, c’est le film de cette rencontre (ainsi que des plans tournés au Sénégal) qu’on pouvait voir sur les écrans géants.

«Ce n’était pas qu’un rendez-vous de cinéma. J’ai beaucoup aimé cette rencontre rythmique et organique», raconte Pascal Auberson, qui, dans son studio lausannois, est justement en train de retravailler ses deux chansons labellisées Expo.02.

On se souvient d’ailleurs très bien de cette scène où les deux hommes dialoguent rythmiquement en martelant une table du «Café du Soleil».

«Cela n’était pas prévu, se souvient Auberson. Une fois qu’on a constaté qu’il était noir, qu’il venait de loin et qu’il neigeait, comme le scénar’ ne prévoyait pas grand chose d’autre, il fallait trouver quelque chose. Alors on s’est assis et on a fait ça. Il y avait tout à coup une autre dimension à notre dialogue».

Atteint par téléphone à Dakar, Youssou N’Dour se rappelle le froid jurassien, mais aussi cet instant-là: «Ce moment symbolise énormément de choses, dit-il. Que la musique n’a pas vraiment de frontières. Qu’elle peut voyager, avec sa diversité. Que la langue est importante, mais que dans le contexte de la musique, elle est reléguée au second plan».

Le combat jurassien vu par le griot

Youssou N’Dour a composé la «Chanson du Jura», qui concluait le spectacle.

«C’est un griot qui part et parcourt des kilomètres et des kilomètres. Qui découvre un pays, un village, une ville, des gens biens et naturels. Il retourne chez lui et raconte dans une chanson ce qu’il a vécu. Et souhaite retourner là-bas», résume le chanteur.

En un si bref passage, a-t-il réellement eu le temps de goûter à ce qu’est le Jura?

«On a été très bien reçu. J’ai visité des musées, et découvert l’histoire du Jura, qui est intéressante. Ce refus de se plier à certaines choses, qui démontre la différence culturelle qui peut y avoir entre les gens, même dans un seul pays».

Le fait que le canton du Jura doive son existence à la rébellion a-t-il particulièrement touché Youssou? «Je suis pour que les gens soient unis, mais dans leur diversité. L’histoire du Jura m’a plu. Aujourd’hui, c’est un canton qui rentre parfaitement dans le cadre de la Suisse».

Qui aurait dit qu’un jour un griot sénégalais devenu star planétaire serait sensible à l’histoire agitée du Jura suisse? On peut adresser moult critiques à Expo.02. Mais on ne pourra lui enlever la qualité de certaines surprises.

swissinfo/Bernard Léchot

«Spectacle d’Ouverture d’Expo.02», publié par Universal