Paysages en rupture à Bienne
Les 5èmes Journées photographiques de Bienne se tiennent jusqu'au 30 septembre. Au coeur de la manifestation, le thème du paysage. Cliché? Oui. Mais on peut dépasser, détourner ou transgresser un cliché.
«Paysage(s), la nature des choses», c’est le titre de la thématique centrale de ces 5èmes Journées photographiques de Bienne. Une thématique qui s’inscrit dans un projet plus vaste, «Cosa mentale / paysage(s)», une réflexion sur la notion de paysage qui a été initiée à Paris et a finalement touché plusieurs autres villes: Bruxelles, Luxembourg, et Bienne.
«Il s’agit de créer des synergies, de faciliter les emprunts et les prêts. C’est l’occasion de développer des partenariats, de développer la confiance entre différentes institutions internationales, et de retrouver certains photographes dans ces différents lieux d’exposition. Mais chaque étape décline le thème du paysage selon ses désirs, avec sa propre approche», explique Stefano Stoll, l’un des directeurs de la manifestation biennoise.
Paysage, vous avez dit paysage?
Que voit-on à Bienne? Des couchers de soleil langoureux? De hautes cimes sur fond de ciel nuageux? Pas vraiment. Selon Stefano Stoll, «le paysage, c’est un des sujets les plus photographiés. Ici, l’idée est d’éviter tous les clichés qu’on peut voir dans des magazines comme ‘Animan’ ou ‘Geo’. Le but est de montrer qu’il y a beaucoup de photographes actuels qui essaient de se placer en rupture avec les traditions picturales liées au paysage».
«Il est très difficile pour nous, quand on a le sentiment d’être devant un paysage, de réaliser que c’est une construction culturelle», ajoute Emmanuel Hermange, l’un des Parisiens instigateurs du projet originel.
Alors, l’Italien Gabriele Basilico nous propose en noir et blanc les rues désertées de Milan, et d’immenses façades tristes tuant l’horizon. Le Français Bertrand Desprez s’intéresse au «ao ba», une bâche bleue qui semble hanter la société nippone, et qu’on retrouve dans une multitude de contextes.
Les Belges Felten-Massinger font défiler d’étranges images, réalisées selon le principe de la «camera obscura»: avec un temps de pause de plusieurs heures, et une impression directe sur une immense pellicule, l’image garde les traces fantomatiques de moments passés, additionnant ainsi différents présents.
Quant au Français Paul Pouvreau, intégré à l’exposition collective proposée par Emmanuel Hermange, il apporte un diptyque intitulé «La légende». Sur une image, il se met en scène devant un poster géant de forêt automnale. Sur l’autre, on voit une multitude de tubes de carton, dans son atelier, forêt métaphorique qui répond à la mystification de la forêt ‘postérisée’… Bref, le vrai paysage n’est pas celui qu’on croit.
Certaines démarches sont intéressantes, d’autres relèvent de la gentille escroquerie intellectuelle. Car finalement, et pour faire simple, ne s’agit-il pas principalement de nous démontrer qu’un paysage qui n’a pas les attributs classiques d’un paysage est aussi un paysage? Et cela, on le savait un peu.
La photo envahit la ville
A côté de leur thématique principale, les Journées photographiques de Bienne proposent également trois «coups de cœur» (le Néerlandais Paul Bogaert, le Suisse Heini Stucki, l’Américain Andrew Savulich) et deux «cartes blanches»: «Terres minées», proposée par l’ONG ‘Handicap International’ et un best of du Festival «Encontros da imagem» de Braga, au Portugal.
Pour abriter un tel déferlement d’images, ce sont une bonne partie des lieux culturels biennois qui mettent à disposition leurs espaces. Il y a le «pôle des Musées» (Centre PasquArt, Musée Neuhaus, Musée Schwab) et le «pôle de la Vieille ville» (Galerie Item, La boîte à Images, Ancienne Couronne). Entre deux, la Fondation Baula qui sert pour la première fois de centre de gravité.
Un éclatement sympathique, avec malheureusement quelques points faibles. Ainsi quand les images en provenance de Braga s’exposent à côté des objets celtiques du Musée Schwab, on ne peut pas dire que la juxtaposition soit particulièrement heureuse. La disposition générale des Journées photographiques de Bienne donne parfois un sentiment de bricolage qui nuit un peu à l’ambition de la manifestation.
Bernard Léchot
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