Piaf, pour toujours, for ever, para siempre
Sept grandes voix pour rendre hommage à Edith Piaf dimanche soir au Montreux Jazz Festival. Emouvant toujours, inégal parfois.
Ou plutôt six voix plus une. Tant la prestation d’Ana Salazar, nouvelle diva du flamenco se démarque des reprises plus classiques qui l’ont précédée.
Il y avait eu Gainsbourg, Trenet ou Aznavour avant elle. Dimanche, Montreux et la Sacem, la Société française pour la défense des droits d’auteur, rendaient hommage à la môme Piaf.
Programme unique, présenté de bout en bout par Claude Nobs lui-même. Ce soir-là, le patron du Festival a renoncé aux chaleurs brésiliennes de l’Auditorium et aux transes hip-hop du Miles Davis Hall, histoire de souligner ce que le Casino offrait d’exceptionnel.
Soutenue par le quatuor impeccablement jazzy du pianiste français Baptiste Trotignon, la première partie voit se succéder un chanteur et cinq chanteuses de haut vol. Au service des incontournables, mais également de quelques perles moins connues du répertoire.
Gênés aux entournures
C’est Michael von der Heide qui ouvre les feux. Etonnant d’entendre l’icône de la pop alémanique reprendre «Mon Dieu» ou l’«Hymne à l’amour». La diction est impeccable, le phrasé aussi, mais le bonhomme ne semble pas très à son aise. Un peu en déficit d’émotion.
Suit Ute Lemper, avec sa voix aussi puissante que la dame est longiligne. Performance remarquable d’une diva qui n’en est pas à sa première reprise de Piaf. Mais la diva en fait presque trop. Comme si les accents du cabaret berlinois ou du musical de Broadway s’accordaient mal à la gouaille parisienne.
Parisienne pur sucre, Régine faisait ses premiers pas sur scène à l’époque où s’éteignait la grande Edith. La filiation semble donc directe. «Aidez-moi un peu, ce n’est pas mon répertoire», lance pourtant la rouquine à un public encore bien timide.
Même si le ton est juste, on sent la reine des nuits de Paname un peu gênée aux entournures. Le souffle court, Régine peine à donner à «L’homme à la moto» l’ampleur qu’il mériterait. Mais elle parvient tout de même à faire reprendre le refrain de «Milord» à une salle qui se dégèle enfin.
Un régal
Abonnée du Montreux Jazz cette année, Barbara Morrison enchaîne sur «Automn Leaves» («Les feuilles mortes»). Version 100% jazz de l’hymne signé Prévert et Kosma, comme seule sait la donner une pure «swinging mama» noire américaine. Un régal.
Un régal également, la prestation de Catherine Ringer, qui a choisi trois titres peu connus du répertoire de Piaf, dont le poignant «La fille et le chien».
Dès la première note, la rockeuse des Rita Mitsouko semble parfaitement à son aise. Comme si ces titres avaient été écrits pour elle. La tendresse des laissés-pour-compte et le chant du pavé, apparemment, elle connaît.
Pour Angélique Kidjo aussi, Piaf est une vieille connaissance, qu’elle écoutait gamine dans son Bénin natal, en rêvant «d’arriver un jour à chanter aussi bien qu’elle».
Mission largement accomplie. A la fois ample, chaude et pétrie de rythme, sa voix fait merveille sur «La foule», avant de revenir avec les cinq artistes qui l’on précédée pour «La vie en rose», point d’orgue de cette première partie.
«Un himno al amor»
Un hommage doit-il être une alignée de reprises plus ou moins fidèles aux originaux, ou au contraire une relecture personnelle de l’esprit d’une œuvre? A cette question, Ana Salazar va répondre en seconde partie de soirée. Brillamment… et en espagnol.
D’abord danseuse, puis chanteuse, cette jeune Andalouse de 25 ans, qui incarne le renouveau de la scène flamenco, est en passe de devenir une immense star dans l’Europe entière.
Son hommage à Piaf a déjà fait l’objet d’un CD lumineux, salué par une critique enthousiaste. Et ici, sur la scène du Montreux Jazz, elle en livre l’intégralité, enrichie de longues parties instrumentales.
Battements de mains, claquements de talons, volées de bois vert de la batterie et des percussions: la section rythmique constitue le cœur même de cet ensemble, qui frappe par sa cohésion, son enthousiasme et sa jeunesse.
Une pulsion vitale à laquelle répondent les sanglots de la guitare et de l’accordéon et les arpèges d’un piano martelé avec brio par un maestro qui ne doit guère être plus âgé que la señorita elle-même.
La démonstration n’est pas du goût de tout le monde. Avec une bonne dose de goujaterie, une partie du public quitte la salle, ne retrouvant probablement plus son Edith dans les vocalises arabisantes d’Ana Salazar.
Pourtant, c’est bien d’amour, de passion et de souffrance que parle cette magnifique interprète. Une chanteuse qui, selon le mot d’une critique «nous offre son émotion et sa culture pour mieux redécouvrir les nôtres».
swissinfo, Marc-André Miserez à Montreux
La 38e édition du MJF se tient du jusqu’au 17 juillet.
Chiffres 2004: un budget de 16,5 millions de francs (record helvétique!), environ 2000 musiciens présents, 250 concerts gratuits, 125 concerts et animations payants, 14 scènes au total.
En 2003, 240’000 visiteurs se sont rendus sur le site, et 86’000 billets ont été vendus.
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