Pipilotti Rist, l’enchanteuse de New York
La vidéaste suisse a investi l'atrium du Museum of Modern Art (MoMA) de New York. Pipilotti Rist y présente sa nouvelle installation dans une salle transformée en lieu de flânerie, une pause rosée au milieu des courtes et sombres journées d'hiver.
«Imprégné de fantaisie, surprenant, magnifique»: c’est ainsi que le directeur du MoMA Glenn Lowry a décrit l’œuvre «Pour Your Body Out» («Déverse ton corps»), dévoilée le 19 novembre au public. Avec son mélange de sculpture, de décoration d’intérieur et de vidéo, Pipilotti Rist a transformé l’atrium avec des «images d’une beauté à couper le souffle».
L’artiste espère que son installation devienne «un endroit où les gens échappent à l’excitation de la grande ville, se calment, se reposent. Un lieu de flânerie dans lequel les pensées affluent et où les personnes s’imprègnent des images et laissent la musique les envahir.»
A-t-elle un message pour ses visiteurs? «Je suis notamment préoccupée à la fois par la manie de propreté de beaucoup de gens et par la pollution», répond-elle.
L’installation du MoMA est autonome, mais aussi liée à son premier film de fiction, «Pepperminta», annoncé pour 2009. Il s’agit d’un conte sur les peurs inutiles dont l’humanité veut se libérer. Le matériel du film a été tourné en parallèle à celui de l’installation. Certaines scènes sont présentes dans les deux œuvres.
«L’installation est, en quelque sorte, un poème, tandis que Pepperminta raconte une histoire complète», a dévoilé Pipilotti Rist.
Sans chaussures sur les canapés
Lorsque le visiteur gravit les escaliers vers le premier étage et son atrium, il est accueilli par de douces voix perçant à travers les conversations du public. Des images colorées sont projetées sur trois grands écrans (environ 8 mètres sur 20). La musique est l’œuvre d’Anders Guggisberg.
A l’entrée, un panneau enjoint les visiteurs à retirer leurs chaussures et à s’installer confortablement sur les canapés installés en cercle pour admirer les images et les laisser produire leurs effets sur les sens.
La grande majorité du public semble beaucoup apprécier l’installation. Une minorité reste perplexe. «C’est formidable, dit un fan, c’est comme plonger dans un océan fantastique et enchanteur.»
Comme l’iris d’un oeil
Le sol est couvert d’un tapis en peluche mou et brun. Le sofa rond est turquoise avec des coussins roses. Lorsqu’on regarde l’atrium depuis les étages supérieurs, on a l’impression qu’il s’agit de l’iris d’un œil.
L’espace ne devait pas être trop éclairé pour pouvoir voir les vidéos. L’atrium a donc été tendu de rideaux couleur cyclamen sur six étages.
Projetées au ralenti, les images plongent le spectateur entre rêve et réalité: des champs de tulipes, un cochon en train de manger une pomme, une femme rousse nue – un «être humain», dit Pipilotti Rist – des déchets dans des flaques d’eau, des jambes de femmes jouant dans l’eau, des mains qui auscultent un ver de terre… le tout en format géant.
MoMA enthousiaste
L’œuvre est une commande du musée. Le MoMA avait pensé à Pipilotti Rist avant 2004 et la réouverture après les travaux de rénovation. «Elle était tout en haut de notre liste, a expliqué le directeur Glenn Lowry. Son travail répond à toutes nos attentes.»
L’installation dégage une légèreté trompeuse, alors qu’elle repose en réalité sur une technologie très complexe. De plus, Pipilotti Rist a su créer une résonance et un dialogue avec les œuvres de Van Gogh et Miro exposées plus loin.
Le commissaire d’exposition Klaus Biesenbach est, lui aussi, très heureux du résultat. Une visiteuse lui a dit que l’artiste avait réussi à redonner un air de jeune fille au MoMA. «Cette installation est sûrement une des œuvres les plus fortes de l’art contemporain de ces dernières années.»
Le musée a acheté «Pour Your Body Out» pour sa collection et UBS fait partie des principaux sponsors. Un grand honneur pour une artiste vivante.
Pipilotti Rist a monté son installation pendant un mois, avec son équipe et des collaborateurs du musée. Lors de l’inauguration, elle a tenu à les remercier tous, et tout particulièrement les surveillants, qui ont toujours fait des remarques pleines de sens, a-t-elle déclaré.
Un gardien trouve l’installation «très impressionnante». Et d’ajouter: «Pipilotti n’est pas seulement une grande artiste, c’est aussi une personne qui va vers les gens et se montre très ouverte.»
swissinfo, Rita Emch, New York
(Traduction de l’allemand: Ariane Gigon)
Née en 1962 à Grabs (Saint-Gall), vit à Zurich.
Vidéos, photographies et installations sont exposées dans le monde entier, individuellement ou collectivement, suscitant partout un grand intérêt.
1982-1986: suit les cours à la Haute école des arts appliqués de Vienne (Autriche), puis étudie la vidéo à celle de Bâle, avant de travailler comme graphiste pour des studios vidéos industriels.
Aussi connue pour avoir joué avec les «Reines Prochaines», groupe de rock alémanique auteur de plusieurs disques.
1997: invitée à la Biennale de Venise, elle y reçoit ensuite le «Premio 2000».
Nommée directrice artistique de l’exposition nationale suisse Expo.01, devenue ensuite Expo.02, avant de démissionner après 14 mois.
2005: à nouveau invitée à la Biennale de Venise, elle y présente l’installation «Homo sapiens sapiens» dans l’église baroque San Stäe.
…«contribuer à l’évolution, encourager l’esprit à avoir un regard distancé sur les changements sociaux, implorer les énergies positives, promouvoir les sens et la sensualité, réconcilier l’entendement et l’instinct, exploiter le possible ainsi qu’abolir clichés et préjugés», selon Pipilotti Rist.
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