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Vaincre la honte pour devenir slameur

Laurin Buser avec un groupe de jeunes lors d'un atelier sur le slam organisé par le Festival littéraire de Soleure. swissinfo.ch

Ils composent leurs propres textes et s’affrontent sur scène lors de concours. Le slam devient de plus en plus populaire en Suisse. Reportage au cœur d’un atelier avec le célèbre artiste suisse Laurin Buser.

«Quel âge avez-vous?», demande Laurin Buser à la vingtaine de jeunes rassemblés dans le froid de la cave voûtée de l’ancien hôpital de Soleure. La classe prend part à un atelier organisé en marge des Journées littéraires de Soleure. La majorité des élèves est âgée de 15 ans.

«J’avais aussi 15 ans, lorsque j’ai commencé à slamer», dit Laurin Buser, aujourd’hui âgé de 20 ans. Le jeune homme porte des chaussures de sport, des jeans noirs et un bonnet. Il ne se distingue ainsi pas beaucoup des étudiants.

Le Slam est une forme d’expression développée aux Etats-Unis à la fin des années 80 à l’initiative du poète américain Marc Kelly Smith (Chicago, 1950). Entrepreneur dans le bâtiment, il s’était découvert une passion pour la poésie mais il trouvait les lectures publiques ennuyeuses. Il était d’avis qu’il fallait interpréter, jouer les textes. Avec un groupe d’autres écrivains, il décida alors d’organiser un événement littéraire à Chicago, qui a marqué la naissance du slam.

Pourtant, Laurin Buser est un slameur professionnel. Il a remporté le championnat des moins de 20 ans et participe presque chaque année aux divers concours qui se déroulent en allemand. Il se produit plusieurs fois par mois et peut désormais vivre de son art, en partie grâce aux ateliers qu’il organise.

Avec une bonne dose de confiance en lui, il emmène les jeunes pendant deux heures à travers le monde du slam. Mais de quoi s’agit-il? Les étudiants en ont presque tous une vague idée mais n’en connaissent pas la définition exacte. Selon Laurin Buser, le slam compte quatre aspects fondamentaux: les textes doivent être écrits par les artistes eux-mêmes, ces derniers doivent être vêtus comme dans la vie de tous les jours (pas de mascarade), le slam est une compétition, et finalement, le temps de performance est limité à trois ou six minutes.

Le slam fonctionne sans musique, car la musique émane des mots. Celui qui utilise un instrument ou chante au cours de la performance est automatiquement disqualifié, explique Laurin Buser. Il ajoute encore un petit détail qui déclenche l’hilarité des jeunes: «Le gagnant reçoit une bouteille de Whisky.»

La pire poésie du monde

Laurin Buser commence la partie pratique de l’atelier avec un exercice pour délier les langues. En se penchant en avant avec les mains en direction du sol, les jeunes doivent redresser lentement le buste et élever la voix en disant: «Ooohm». «Tous ensemble!», s’exclame Laurin Buser. «Lorsque tout le monde participe, c’est moins gênant.»

La honte est le thème autour duquel s’articule l’atelier. Ainsi, la première tâche que doivent accomplir les jeunes est d’écrire le pire poème du monde, et ce n’est pas un exercice facile. Les filles regardent discrètement sur les feuilles de leurs voisines. Les garçons discutent à voix basse. Mais qu’est-ce qu’une mauvaise poésie? Chez les filles, elle ressemble à cela:

«Les pantalons sont tout ce que j’aime.

Pourquoi?

Aucune idée.

Je porte tous les jours un pantalon neuf.»

Le devoir suivant consiste à réciter le poème de la pire façon possible. Laurin Buser distribue les rôles: «Tu invites le public à participer, même s’il n’a aucune envie de le faire», dit-il à une jeune fille. «Tu parles trop doucement», dit-il à un autre élève. Un garçon demande au slameur professionnel de réciter une poésie, comme s’il était absolument convaincu de ses compétences. 

Vaincre la honte

L’expérience pourrait être douloureuse. Les jeunes se prennent toutefois au jeu, sans messes basses, ricanements ou moqueries. Laurin Buser parvient à inciter les jeunes à s’humilier intentionnellement sur scène, grâce à son humour et son air détendu. Un exploit remarquable si l’on considère qu’à la puberté, les adolescents essaient d’éviter tout ce qui est honteux.

Laurin Buser ne se laisse pas faire pendant l’atelier. Malgré l’insistance de la classe qui aimerait le voir en action, l’artiste fait le précieux. Pour se tirer d’affaire, il rappelle que la classe assistera à son spectacle officiel le lendemain.

En guise de compensation, il leur montre la vidéo d’une expérience: lors d’un concours, il avait essayé de récolter le moins de points possibles, en parlant dans sa barbe, en oubliant intentionnellement une partie de son texte et en toussant. La caméra cible l’embarras du public. L’artiste joue volontiers avec tout ce qui peut être désagréable.

Ainsi à la fin de l’atelier, les étudiants ont certes apprivoisé le slam. Mais ils ont aussi appris une leçon de vie: celui qui peut supporter l’embarras ne doit pas craindre la honte.

Contenu externe
Cours métrage « L’expérience Bologne », de Laurin Buser

38e journées littéraires de Soleure (6 au 8 mai 2016)

Depuis 1978, la ville de Soleure accueille un festival littéraire annuel qui rassemble des écrivains, des éditeurs et des journalistes des quatre régions linguistiques. Pendant trois jours, le public peut assister à des conférences, des débats, des expositions et des ateliers. 

 

(Traduction de l’allemand: Katy Romy)

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