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Politique, culture et casse-pipes

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«Ménage: culture et politique à table», c'est le titre de la plate-forme de discussion qu'initie la fondation Pro Helvetia pour alimenter la réflexion sur ce couple tumultueux. Un événement lancé à Neuchâtel, dans les coulisses d'un «Helvetia Park» ethnographique et souriant.

Les rois avaient leurs fous et autres bouffons, qui pouvaient tout se permettre – ou presque: parfois, on faisait brutalement taire le bouffon. Tous les Etats s’enorgueillissent de leur culture. Et la subventionnent avec plus ou moins de largesse, plus ou moins de frilosité aussi.

Les artistes se réjouissent de cette manne providentielle. Tout en adorant parfois mordre la main qui la leur dispense.

On se souvient de l’affaire Thomas Hirschhorn, lui qui, depuis le Centre culturel suisse de Paris, irrita tant le parlement helvétique que celui-ci coupa férocement dans le budget de la fondation Pro Helvetia, l’institution nationale chargée d’encourager la culture suisse ici et à l’étranger.

C’est cette affaire Hirschhorn qui a donné envie à Pro Helvetia justement de mener une réflexion sur le «Je t’aime moi non plus» exacerbé de ce couple bizarre, Mr. Politique & Mrs. Culture, ou l’inverse.

Long débat

Autre élément d’actualité: la Loi sur l’encouragement de la culture, un serpent de mer qui sera discuté le 9 septembre au parlement.

«Notre démarche vise à faire avancer le débat. Mais le débat dans un sens très large. Le débat politique sur la loi se terminera bientôt, alors que notre plate-forme durera encore longtemps. Il s’agit donc de contribuer à un débat de fond, un débat général, à plusieurs niveaux: communal, cantonal, fédéral, car c’est à chacun de ces niveaux qu’il y a des discussions et des difficultés», commente Pius Knüsel, directeur de Pro Helvetia.

En quoi consiste donc cette «plate-forme»? En une exposition, «Helvetia Park», qui s’accompagnera de débats et d’interventions artistiques dans diverses villes de Suisse. Début des festivités ce samedi à Neuchâtel, car c’est au Musée d’ethnographie de cette ville, réputé pour sa dimension peu conventionnelle, que Pro Helvetia a confié le pari difficile de mettre en scène cette houleuse thématique.

«Helvetia Park»

Une fête foraine, avec onze attractions. Toutes à l’échelle 1:1. Sauf les auto-tamponneuses, qui eussent nécessité une extension du Musée ethnographique neuchâtelois, peu compatible avec cette période de crise.

Des auto-tamponneuses pour dire les télescopages entre les différentes formes culturelles. Un casse-pipes où vous, moi, eux, servons de cibles, entre marketing culturel et déferlante médiatique. Un carrousel qui évoque les rites calendaires, du traditionnel carnaval au plus moderne Paléo festival de Nyon.

Un cinéma de champ de foire, dédié au cinéma suisse, un cinéma qui ne compte que… trois fauteuils. Les cinéastes helvétiques apprécieront. Un «freakshow» comme au temps d’Elephant Man, qui évoque la notion de normalité et son corollaire, la monstruosité.

Sans oublier un train fantôme qui évoque les scandales politico-culturels que la Suisse a connus: l’affaire Hirschhorn, bien sûr, mais aussi la représentation de la Suisse à l’Eurovison de la chanson par les Estoniennes de Vanilla Ninja, ou «La retraite de Marignan» selon Hodler, dans une mise en scène bien gore.

Métaphore

«On est parti sur l’idée qu’il fallait décloisonner la question culturelle. On a souhaité utiliser une métaphore liée à une culture plus ouverte pour montrer qu’il y a de la culture partout. Cela ne veut pas dire que tout est égal, mais que tout communique et s’enrichit. On ne nivelle pas, mais on met en interaction», explique Marc-Olivier Gonseth, directeur du musée.

Effectivement, l’exposition est amusante. Décalages réussis, détournements ingénieux. Mais par rapport à la problématique de la culture et de la politique, n’est-on pas, avec cette approche conceptuelle, dans un jeu un peu abscons, comme en témoignent les panneaux explicatifs chargés d’éclaircir systématiquement le lien entre l’installation et la problématique qu’elle évoque?

«Ce n’est pas abscons, une exposition, dès le moment où vous êtes d’accord de faire un effort de rencontre avec ce qui est proposé. Il est clair que nous, nous avons travaillé près d’un an et demi dessus, on a donc une avance certaine. Mais la manière dont on met à disposition le savoir qu’on a emmagasiné, ce qu’on a envie de transmettre, est extrêmement accessible», répond Marc-Olivier Gonseth.

Roulez petits bolides!

A qui est réellement destinée cette exposition? «Nous visons deux publics, répond Pius Knüsel. Tous les décideurs et les administrateurs en matière de politique culturelle. Et le public qui peut se poser la question de savoir pourquoi sa ville, ou son canton, poursuit tel type de politique culturelle. Et il y a en fait un troisième public, les enfants et les écoles, auxquels on offre une scénographie très accessible pour une problématique qu’on évoque rarement à l’école».

«Helvetia Park» a été conçu de manière modulaire, de façon à ce que l’exposition puisse se promener dans toute la Suisse. Après Neuchâtel, elle se rendra à Saint Gall, Bellinzone, Aarau. D’autres villes – Delémont, Sion, Nyon, Berne – sont en pourparlers. Et à chaque fois, en chaque lieu, la fête foraine sera accompagnée d’un certain nombre d’événements.

A Neuchâtel, samedi 5 septembre, le château accueillera un débat intitulé «L’exception culturelle en temps de crise économique». Les jardins du Musée d’ethnographie verront pousser un faux bloc erratique.

Et on procédera à un «lancer de nains de jardin par-dessus les Alpes» en présence de Sa Majesté le Roi de Suisse Helvetus IV. Car la Suisse a un roi. Vous ne le saviez pas? Le colonel Kadhafi non plus, qui ne l’a pas encore reçu à Tripoli.

Bernard Léchot, Neuchâtel, swissinfo.ch

Loi. Au moment où la Suisse débat de sa première loi nationale d’encouragement à la culture, Pro Helvetia inaugure une plate-forme de discussion sur les rapports parfois agités de l’art
et de la politique.

Longue durée. De 2009 à 2011, son programme «Ménage – culture et politique à table» fait le point sur la question avec les cantons, villes et musées intéressés.

Fête foraine. Au cœur de ce programme, une exposition itinérante, «Helvetia Park», conçue par le Musée d’ethnographie de Neuchâtel (MEN).

Débats. Au cours des deux prochaines années, Helvetia Park s’accompagnera de débats et d’interventions artistiques dans diverses villes de Suisse.

Neuchâtel
Musée d’ethnographie du 5 septembre 2009 au 16 mai 2010

Saint Gall
Völkerkundemuseum du 18 juin 2010 au 5 septembre 2010.

Bellinzone
Castelgrande, Villa dei Cedri, du 1er octobre 2010 au 9 janvier 2011.

Aarau
Forum Schlossplatz, du 18 février 2011 au 1er mai 2011

A suivre…
D’autres lieux sont en cours de discussion.

2,5 milliards. En Suisse, les pouvoirs publics consacrent environ 2,5 milliards de francs suisses au soutien à la culture.

Cantons et communes. Les principaux acteurs de l’encouragement public à la culture sont les cantons et les villes. La contribution des villes et des communes se monte à près d’un milliard de francs (42,7%); les cantons investissent à peu près la même somme (43,2%).

Confédération. Seuls 14% environ des fonds publics affectés à l’encouragement de la culture proviennent de la Confédération.

OFC & PH. A l’intérieur du pays, deux institutions se partagent les tâches fédérales d’encouragement à la culture: l’Office fédéral de la culture (OFC) et la Fondation suisse pour la culture Pro Helvetia.

Hors frontières. A l’étranger, l’engagement du Département fédéral des Affaires étrangères en matière de diffusion de la culture s’ajoute aux activités de Pro Helvetia. Présence Suisse (PRS) intègre des éléments culturels dans ses campagnes visant à promouvoir l’image de la Suisse à l’étranger.

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