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Pour ses 40 ans, la Francophonie «ensemble» à Paris

Quand Abdou Diouf écoute les propos de Bertrand Delanoë. swissinfo.ch

Ce 20 mars, l’Organisation internationale de la Francophonie fête ses 40 ans. En guise d’apéritif, la Mairie de Paris a fait vendredi la fête à la planète francophone. Et à donné la parole à plusieurs artistes, dont la Valaisanne Celina Ramsauer. Enthousiasmes et couleurs au rendez-vous.

En guise d’accueil, il y a les Tambours de Brazza, Les Echassiers de Namur ou encore ces étonnants «Enjôleurs» – et enjôleuses – qui viennent vous bander les yeux et vous susurrer à l’oreille le poème que le hasard vous a destiné. Effet garanti.

Le ton est donné. C’est la fête à l’Hôtel de Ville. Une fête en couleurs: au-delà des dorures et des fresques qui habillent les plafonds et les murs surchargés des vastes salles de réception, c’est un bel échantillonnage de la peau humaine, du très clair au très foncé, qui se retrouve là.

Car la Francophonie est présente sur cinq continents, et les quelque 500 invités présents, personnalités politiques et culturelles, représentants des États, gouvernements ou réseaux de la communauté francophone, sont là pour le rappeler, en présence notamment d’Abdou Diouf, ancien président du Sénégal et actuel Secrétaire général de la Francophonie.

«La Francophonie a 40 ans. Et la décolonisation a 50 ans. Aujourd’hui 19 mars, c’est le 38e anniversaire du cessez-le-feu en Algérie. J’aimerais souligner à quel point cette langue qui a été un instrument de conquête et de domination doit être une langue de l’égalité, de la fraternité, et de l’ambition du projet culturel partagé», attaque le maire socialiste de la Ville de Paris, Bertrand Delanoë, en ouverture de son allocution.

Des mots forts qui, en soulignant ce qui peut apparaître comme ambigu dans le principe même de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) – sa construction sur un passé colonial – en désamorce du même coup la critique.

«Ensemble»

Et puis Bertrand Delanoë, également Président de l’Association internationale des maires francophones (AIMF), articulera le «rêve» qu’il formule à l’égard de la «famille francophone, de toutes les couleurs, de toutes les spiritualités»: «Une communauté de valeurs, comme le disait Léopold Ségar Senghor, une manière de vivre la mondialisation avec nos histoires qui se mêlent et surtout l’histoire que nos peuples ont envie de construire ensemble».

Un propos finalement pas très différent de ce que la jeune artiste valaisanne Celina Ramsauer chantera peu après, seule en scène, avec ses mots à elle:

«Envie de vivre
Toutes nos différences
De corps et de sens
Véritables résonances,
Ensemble»


«C’est une belle invitation, et un honneur pour moi de présenter ce titre et ce concept à l’occasion des 40 ans de l’Organisation», nous dira-t-elle peu après le spectacle. Le titre, c’est donc «Ensemble» une chanson créée en 2003 qui rend hommage à la Francophonie. Et le concept, c’est la mise à disposition de cette chanson, pour que les jeunes artistes francophones «se l’approprient et l’interprètent aux rythmes de leur culture». Une démarche qui a convaincu l’OIF, puisque celle-ci a décidé en 2009 de parrainer cette chanson.

Pourquoi et comment est né chez Celina cet amour de la Francophonie? «En voyageant à l’occasion de mes spectacles, j’ai eu l’opportunité de pouvoir découvrir et connaître les autres artistes qui font partie de la Francophonie. Je suis toujours émerveillée de voir à quel point la dimension culturelle, à l’intérieur de la Francophonie, est riche. La façon de rassembler tous ces artistes était pour moi de le dire dans une chanson».

La Francophonie est multiple. Et son seul dénominateur commun est, à priori, le lien à une langue. Mais Celina en voit pourtant un autre: «Je crois qu’il y a réellement une fraternité qui existe à l’intérieur de la Francophonie. Quelque chose qui ne s’explique pas. A travers mon expérience, je constate qu’il ne nous faut pas beaucoup de temps pour nous connaître les uns les autres.»

Un outil nécessaire

Parmi les autres artistes invités, l’humoriste Boucar Diouf, Sénégalais émigré au Québec en 1991. «Je suis allé là-bas pour le climat!», nous dit-il en rigolant, avant de préciser: «Non, en fait, quand j’ai fini mes études au Sénégal, j’ai obtenu une bourse de la Francophonie pour faire un doctorat en océanographie à l’Université du Québec. C’est donc la Francophonie qui m’a envoyé dans ce pays de froid, et qui aujourd’hui m’a demandé de venir ici pour m’exprimer!»

Océanographe, professeur, conteur, humoriste (un mélange détonnant, on en a eu la preuve sur scène), Boucar Diouf rend hommage au français: «Pour nous, au Sénégal, le français a été un outil fédérateur et la langue d’accès à la connaissance». Et croit ardemment à l’impact de l’OIF. «Je pense que c’est un outil nécessaire, même s’il y a des gens qui se posent des questions sur sa pertinence», dit-il.

«Par exemple pour le Québec, c’est fondamental. On est une petite nation de six millions d’individus plongés parmi 300 millions d’anglophones. C’est réconfortant de savoir qu’on peut s’accrocher à cet ensemble plus vaste. La façon dont la Francophonie a ‘surveillé’ la question linguistique aux JO de Vancouver, par exemple, est remarquable», ajoute-t-il, dans un étonnant mélange d’accent sénégalais et québécois.

Mais attention: «La Francophonie, oui, c’est important. Mais en tant qu’institution à laquelle tout le monde peut s’identifier: la Francophonie, ce n’est pas juste la France, la Suisse romande et la Belgique. C’est l’Afrique, aussi!»

Savoir s’imposer

Invité également à se produire à l’Hôtel de Ville, le remarquable chanteur haïtien Bélo, qui lui aussi, parie sur la Francophonie. «En Haïti, c’est la culture créole qui l’emporte. Mais à mon avis, il est dans l’intérêt d’Haïti de s’affirmer en tant que pays francophone, vu sa situation, entourée de pays hispanophones (République dominicaine, Cuba) ou anglophone (la Jamaïque). Nous sommes un peu seuls!»

Lorsqu’on lui demande si l’OIF, au cours de ses 40 années d’existence, a fait assez pour Haïti, il ne se lamente pas, et renvoie plutôt la balle à son pays: «Ta place peut être là, mais si tu ne t’y assieds pas, elle va rester vide ou quelqu’un d’autre va s’y asseoir! Je crois que c’est à Haïti de savoir s’imposer en tant que pays francophone. En apportant – parce qu’on a beaucoup à offrir au monde – mais aussi en tirant avantage de ce que la Francophonie peut offrir à Haïti.»

Des mots qui appellent à la réflexion, comme ceux, encore, de Bertrand Delanoë: «Nous n’avons de choix qu’entre deux hypothèses: ou la guerre des civilisations, ou l’ambition du partage.»

Des mots sur lesquels nous aurons sans doute l’occasion de revenir au cours de cette année du quarantenaire, dont un des principaux temps forts sera le Sommet de la Francophonie, en octobre, à Montreux.

Anniversaire. L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) célèbre cette année son 40e anniversaire, fêté en particulier ce 20 mars, «Journée de la Francophonie».

Semaine. La 15ème ‘Semaine de la Francophonie’ a lieu du 20 au 28 mars 2010.

Linguistique et politique. Parmi les missions principales de cette organisation figurent la promotion de la langue française et la diversité culturelle et linguistique, mais aussi la promotion de la paix, de la démocratie et des droits de l’homme.

200 millions. Dans le monde, près de 200 millions de locuteurs parlent français.

70 Etats. L’OIF regroupe 70 États et gouvernements (dont 14 observateurs) répartis sur les cinq continents.

Montreux. Le 13e sommet de la Francophonie se tiendra du 20 au 24 octobre 2010 à Montreux, dans le canton de Vaud.

Engagement. La Suisse est membre de l’OIF depuis 1989.

Instances. Après avoir adhéré en 1996 à l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (AIF), elle participe aujourd’hui à toutes les instances de la Francophonie – Sommet, Conférence ministérielle, Conseil permanent, etc.

Opérateurs. Elle participe également aux travaux de tous les opérateurs de la Francophonie: Agence universitaire, TV5 Monde, Association internationale des maires francophones, Université Senghor d‘Alexandrie.

Financement. La Suisse est l’un des cinq principaux bailleurs de fonds avec la France, le Canada, la Communauté française de Belgique et le Québec. La contribution annuelle globale de la Suisse à l’Organisation (y compris TV5) se monte à près de 13,5 millions de francs suisses.

Accordéon. Née en Valais, Célina Ramsauer s’est prise de passion pour la musique à travers un accordéon reçu à l’âge de 4 ans…

Multiple. Autodidacte, Célina Ramsauer, devenue auteur, compositeur, interprète et accordéoniste, elle multiplie les expériences artistiques en fonction de l’endroit où elle chante… collaborations avec des artistes locaux, choeurs d’enfants, orchestres classiques etc…

Francophonie. Parmi les expériences étonnantes, son projet ‚‘Ensemble – Hommage à la Francophonie’, une composition offerte aux jeunes artistes francophones pour qu’ils se l’approprient et l’interprètent aux rythmes de leur culture.

Discographie.
– «A Vous» (1994)
– «Celina» (1999)
– «Aucune frontière»(2003)
– «Ensemble au-delà des Frontières» (2006)
– «Tout et trois fois rien» (2008).

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