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Poussepin, place à la fête…

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Le Centre culturel suisse de Paris fête ses vingt ans cette semaine, avec un «spectacle-fête» jouant de la dérision et du décalage.

Dans les vénérables murs de l’hôtel Poussepin, on suit le chemin d’une improbable Solange von Salis et la mise en vitrine d’artistes helvétiques, dont Jean-Luc Bideau!

«20 ans, c’est à la fois rien et beaucoup… Mais c’est un bel anniversaire. Surtout, on peut déjà faire une sorte de chronique de ce que la Suisse culturelle a pu apporter à Paris, et je crois qu’elle a apporté quelque chose», constatait jeudi l’écrivain et journaliste Jean-Pierre Moulin, présent parmi les invités de la première soirée anniversaire organisée par le Centre culturel suisse à Paris.

Flashback… Le 14 octobre 1985, le Centre culturel suisse de Paris (CCSP) ouvrait ses portes dans le quartier du Marais. Ses portes, c’est-à-dire les portes de «Poussepin», un hôtel particulier construit au 17ème siècle.

L’affaire ne s’était pas réalisée sans mal. Un centre culturel à l’étranger, financé pour la première fois par la Confédération, était-ce bien nécessaire? Et si oui, pourquoi en France? Enfin, 650.000 francs suisses pour le rez-de-chaussée de l’hôtel Poussepin et le hangar attenant, n’était-ce pas trop cher?

Face aux réticences des politiques, le magazine L’Hebdo et son rédacteur en chef d’alors, Jacques Pilet, lancèrent une campagne de souscription qui rapporta plus d’un tiers de la somme nécessaire à l’acquisition du lieu.

Depuis, le Centre suisse culturel de Paris a fait sa place dans la capitale française, affirmant son caractère, ou plutôt ses caractères, au fil des directeurs qui l’ont conduit. Et le dernier en date, le Fribourgeois Michel Ritter, a un goût prononcé pour l’art contemporain et les «performances» qui étonnent ou agacent…

Neige artificielle et miroirs déformants

Ce jeudi soir, l’hôtel Poussepin faisait la fête. Comme il la fera également vendredi et samedi. «Chaque soirée est conçue comme un spectacle-fête durant lequel des interventions d’artistes sont prévues», dit mystérieusement l’annonce de l’événement.

L’accueil est à la hauteur de l’événement. Arrivée par la Cour d’honneur, séance photo obligatoire pour tous les invités (qui repartiront avec un tirage), traversée d’une deuxième cour sous une magnifique averse de neige artificielle, arrivée dans un hall où des hôtesses hiératiques, de rouge vêtue, ainsi que d’étranges Supermen, toisent les invités.

La surprise continue avec un spectacle décalé où le comédien Hans-Peter Litscher évoque le parcours d’une hypothétique Solange von Salis, dont la trajectoire aurait croisé la route des frères Giacometti, de Meret Oppenheim, d’un garde suisse au Vatican, d’Ella Maillart, de Thomas Hirschhorn et de Harald Szeemann, pour ne citer qu’eux. Une façon d’aborder avec humour ou dérision, c’est selon, la diaspora culturelle helvétique.

Le public sera ensuite appelé dans une autre salle, flanquée de quatre vitrines. Petit choc: dans celles-ci, immobiles, trônent le comédien Jean-Luc Bideau, le photographe Michael von Graffenried, et les ‘performers’ Massimo Furlan et Victorine Müller, dument étiquetés.

«Quatre artistes in vitro», «pour leur rendre hommage, car ils nous aident à comprendre le monde qui nous entoure», expliquera Michel Ritter. Quatre artistes qui seront autres chaque soir, et sont censés évoquer tous les artistes qui ont défilé au CCSP.

Michel Ritter prendra alors la parole, suivi d’un représentant de Pro Helvetia, la fondation fédérale dont dépend le Centre. «Nous n’espérons pas que le Centre culturel suisse à Paris se tranquillise trop, puisque son rôle n’est pas d’endormir, mais de déranger. Ce n’est qu’après la secousse, la remise en question, que peut se faire un repositionnement identitaire», dira celui-ci, lors du seul moment «sérieux» de la soirée.

En effet, juste après, c’est une fausse publicitaire qui prendra la parole, sympathique parodie du jargon marketing, pour évoquer le monde de l’art contemporain et ses potentialités économiques… Puis viendra le buffet.

Cérémonie atypique signée Klaus Hersche pour la mise en scène et Olivier Suter pour la scénographie, respectivement ancien et nouveau directeur du Festival du Belluard, à Fribourg. Une histoire de famille.

Les limites de l’humour

Parmi les invités présents figure Nicolas Gyger, l’un des membres de l’équipe fondatrice du Centre. Nicolas Gyger, sourire aux lèvres, mais qui émet un constat sans appel: «J’ai l’impression que le peuple suisse est le seul peuple qui a un complexe du succès. Quand on réussit quelque chose, il faut tout de suite tourner la chose en dérision…»

«La fête est plutôt sympa, décontractée. Il y a ce regard grinçant qui est nécessaire, mais qui est toujours un peu dévalorisant. On a un vrai complexe, et ça me frappe», ajoute-t-il.

Analyse différente, mais conclusion semblable du côté de Jean-Pierre Moulin, à propos de la programmation actuelle du CCSP: «C’est le problème de la postmodernité. La postmodernité, cela amuse les gens qui ont quarante, ou trente, ou vingt ans. Moi, je suis plutôt moderne… C’est-à-dire que je crois qu’il y a aussi matière à débattre, et que l’ironie, même nécessaire, ne doit pas devenir le système absolu. Si l’on n’est que dans la dérision, l’exaltation du scepticisme, on aboutit à l’indifférence».

Hier comme aujourd’hui, aujourd’hui comme demain, la démarche de Michel Ritter – il nous le rappelait avant que la fête commence – est «la recherche d’écritures nouvelles, d’artistes qui posent les questions les plus pertinentes possibles, qui nous font réfléchir, qui nous remettent en question».

La pertinence d’un propos est affaire de point de vue… Nous y reviendrons.

swissinfo, Bernard Léchot à Paris

Le CCS Paris fête ses 20 ans en trois soirées, les 15,16 et 17 décembre à 20h. Chaque soirée est conçue comme un spectacle-fête intégrant des interventions d’artistes.
Centre culturel suisse de Paris, 32-38 rue des Francs-Bourgeois, Paris 3ème.

– C’est en 1985 que Pro Helvetia, fondation suisse pour la culture, a implanté à Paris son premier centre culturel à l’étranger.

– Le Centre culturel suisse (CCS) est situé à la rue des Francs-Bourgeois, au cœur du quartier du Marais, dans un ancien hôtel particulier, l’Hôtel Poussepin, édifié à partir de 1602.

– Il est constitué d’une bibliothèque-point d’information, d’une salle de spectacle, et de plusieurs salles d’exposition.

– Le CCS a connu plusieurs vagues ces dernières années. D’abord, en 2003, un front de contestation musclé à l’encontre du nouveau directeur, Michel Ritter.

– Ensuite, un choc politique suite au travail de l’artiste Thomas Hirschhorn proposé au CCS en 2004. Un événement qui, sur décision parlementaire, a eu pour conséquence une coupe de 1 million de francs dans le budget 2005 de Pro Helvetia…

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