«Pouvoir et Liberté», déclinaison photographique

Theo Frey, «Ecole d'officiers, exercices dans le lac de Zurich», 1945. © Archives fédérales suisses, Berne

Le thème de l'Arteplage biennois contamine les 6èmes Journées photographiques de Bienne, qui se tiennent jusqu'au 29 septembre.

Pour cette édition ‘resserrée’, huit expositions sont à découvrir principalement dans les galeries de la vieille ville.

«Depuis plusieurs années, nous cherchions à trouver un lien avec la grande manifestation qui s’organisait dans notre région. Il nous a alors paru naturel d’interroger le thème de l’arteplage biennois, ‘Pouvoir et Liberté’», explique Vincent Juillerat, qui, avec Stefano Stoll, dirige ce rendez-vous photographique annuel.

Coincées entre Expo.02 et le fait que tous les musées de la ville, partenaires traditionnels, ont voulu proposer en cette année spéciale leur propre exposition, les Journées photographiques ont dû modérer leurs ambitions.

Les huit accrochages, qui rassemblent une vingtaine d’artistes, ont donc lieu exclusivement dans les galeries et les caves de la vieille ville. Et on y trouve cette année que des photographes suisses.

Nouveauté par contre: un colloque international logiquement baptisé Photo.02 (14.09), et une vente aux enchères (21.09).

Pouvoir et liberté

Les organisateurs ont eux-même joué du pouvoir et de la liberté… Liberté pour l’Ecole de photographie de Vevey, où les étudiants ont été appelés à travailler en toute indépendance sur la thématique en question.

«On a été agréablement surpris, constate Vincent Juillerat. Ils ont choisi des images qu’on n’aurait pas forcément abordées nous-mêmes, des images liées à Internet, aux webcams, aux caméras de surveillance».

Pour le reste, «nous avons effectué notre travail de commissaires d’expositions en réunissant un certain nombre d’artistes autour de ce thème», que Vincent Juillerat admet être un «thème prétexte».

Parmi eux, Arnold Odermatt, qui fut était policier à Stans. Pendant des années, il a photographié les accidents de la circulation sur lesquels il se rendait. A l’arrivée, une étrange collection de tôle froissée, où la fonction strictement utilitaire du déclic tourne à la démarche artistique.

Là, ce n’est pas tant le propos des images qui évoque la thématique «Pouvoir et liberté» que le détournement effectué par le policier… ou par le temps. «Ce qui nous intéresse, c’est de voir des individus qui se jouent du pouvoir. Comment, dans un pouvoir défini, peut-on s’exprimer librement», explique Vincent Juillerat.

Le «contrôle des images»

Plus traditionnel peut-être, mais toujours intéressant: la censure. La manifestation présente par exemple un regard historique sur le ‘contrôle des images’ en montrant plusieurs clichés censurés par les autorités helvétiques lors de la Seconde Guerre mondiale.

Des exemples? Le Général Guisan pris en photo une cigarette à la main. Pour pouvoir la publier, il fallait gommer la cigarette! Censurée également, une image du même général ne marchant pas au pas alors que les soldats, eux, défilent bien alignés.

Comme quoi il n’a pas fallu attendre les miracles de l’informatique pour retoucher des clichés: «La retouche et la manipulation à des fins politiques ont eu lieu pratiquement dès le début de la photographie», commente Vincent Juillerat.

Le photographe Theo Frey s’est également penché sur cette thématique lors de la mobilisation. Ses photographies présentent des soldats suisses adoptant des attitudes détendues, à l’encontre de l’iconographie officielle.

Dans un autre registre, le Genevois Steeve luncker, accrédité comme photographe au Festival de Cannes pour le compte de Paris Match et du joaillier Chopard, a eu la surprise de ne voir ses images – guère glamour – reprises par aucun de ses deux commanditaires…

Il n’y a pas que la politique qui ait ses codes et ses contraintes.

swissinfo/Bernard Léchot