Prime au talent, quels que soient les écrans
A Genève, le festival Cinéma Tous Ecrans met en lumière les auteurs de cinéma, qu'ils réalisent pour les salles obscures, la télévision, l'ordinateur ou le téléphone mobile. Une exigence fédère le copieux menu du festival: un point de vue original et engagé sur le monde.
Les frontières, Léo Kaneman n’aime pas. Depuis ses débuts, son festival s’est évertué à démontrer leur inanité dans le domaine du cinéma en présentant des réalisateurs de films aussi bien pour salles obscures que pour la télévision, des séries tv aussi bien que des longs métrages.
«Ce qui nous intéresse c’est la qualité du film et le talent du réalisateur», assure le Genevois qui franchit cette année une nouvelle borne, celle qui borde l’univers du multimédia et des nouveaux écrans (ordinateurs, téléphones cellulaire et autres assistants électroniques mobiles).
L’importance de cette mutation commence à être reconnue par les milieux culturels, comme en atteste ce constat des Inrockuptibles, un hebdomadaire culturel français de référence. «Aujourd’hui, l’évolution technologique a démultiplié l’univers des images en une galaxie tentaculaire dont le cinéma en salle ne constitue plus qu’une province», peut-on lire dans un récent article consacré au réalisateur Léos Carax.
«Le triomphe du numérique et de l’écran global changent les rapports au monde et aux autres. Mais l’esprit du cinéma demeure partout», assure Léo Kaneman.
Les réticences de Berne
Une conviction que ne semble pourtant pas partager l’Office fédéral de la culture (OFC). Nicolas Bideau, responsable de la section cinéma, a supprimé l’année dernière la subvention de 180’000 francs attribuée jusque là au festival genevois. Un événement au concept peu clair, selon le haut-fonctionnaire de l’OFC.
«L’OFC doit comprendre que les vielles frontières entre cinéma, télévision et nouveaux écrans n’est plus de mise, lance Léo Kaneman. Nous avons d’ailleurs invité les responsables de la section cinéma de l’OFC à venir débattre des manières de financer et de produire des films pour ces nouveaux écrans, les réalisations actuelles étant le plus souvent autoproduites et les participants non payés.»
Léo Kaneman persiste donc dans son propos et signe une 14e édition résolument «cross media», selon l’expression de Françoise Mayor, du département fiction de la Télévision suisse romande, un partenaire qui a encore renforcé sa participation à ce festival unique en Suisse.
Un foisonnement de créations
Dans le cadre du festival, l’audiovisuel public suisse (SSR SRG idée suisse) organise par exemple une soirée consacrée à son Pacte Multimédia, un concours mené avec plusieurs institutions fédérales en charge de la formation et de l’éducation.
Quant au festival, il ouvre une nouvelle section, les nouveaux écrans de la fiction, qui présente une quarantaine d’œuvre allant de sketches pour téléphones mobiles à des fictions multimédias interactives en passant par des séries produites pour le web. Un thriller d’animation basé sur un concept de l’écrivain Stephen King, Stephen King’s N, et une fiction interactive dont la trame est modulable par le spectateur, Meanwhile, figurent dans cette section, tout comme Going Postal, une adaptation pour écran mobile de la série Heroes.
«Il y a beaucoup de jeunes talents dans ces nouveaux formats. Il s’agit donc de convaincre les autres cinéastes et les producteurs de ne pas les mépriser, voire même d’utiliser ces nouveaux formats», assure Léo Kaneman, en signalant une journée entière de débats consacrée aux nouveaux écrans, le 28 octobre.
Une carte blanche est aussi offerte à Dailymotion, la plateforme web de vidéo, partenaire du festival.
Série, quand tu nous tiens
Pour autant, Cinéma Tous Ecrans n’a pas abandonné l’un des ingrédients majeurs de ses précédents numéros: les séries TV. La responsable de la programmation Jasmin Basic promet cette année «de véritables bijoux», comme un remake de Life on Mars avec Harvey Keitel, Breaking bad, la nouvelle série de Vince Gillian (X-Files) ou Yeong Hwa Gwan, une intrigue sud-coréenne centrée sur une maison close.
Un autre pilier du festival, la Compétition officielle Internationale, présente 14 longs métrages abordant le thème de la transmission et de l’affranchissement des valeurs et des cultures. Léo Kaneman relève particulièrement My Marlon and Brando (Turquie), Chega de Saudade (Brésil), Brothers (Suisse-Israël) et Before the Burial (Iran). Un choix que confirmera ou non un jury présidé par le réalisateur afro-américain Charles Burnett, dont l’œuvre engagée fait l’objet d’une rétrospective dans le cadre du festival.
Des œuvres politiques
Précurseur du réalisateur Spike Lee, ce cinéaste est une figure emblématique de l’esprit qui souffle sur le festival genevois et tout particulièrement dans la section Regards d’aujourd’hui et la Compétition internationale.
«Le regard des cinéastes sur la société et le monde où l’on vit reste prépondérant dans notre festival», relève Léo Kaneman.
Et le directeur de conclure: «Le film politique existe depuis les débuts du cinéma. Avec la globalisation, la vitesse de l’information et les nouveaux médias, les auteurs engagés peuvent toucher un public beaucoup plus large. Le potentiel des nouvelles technologies de l’information est énorme.»
swissinfo, Frédéric Burnand à Genève
Du 27 octobre au 2 novembre, Cinéma Tous Ecrans propose 5 sélections de films aux formats très variés.
Ce 14e festival propose des longs métrages, des séries internationales et des courts métrages suisses, mais inaugure aussi une section multimédia.
Il propose 24 longs métrages, 16 séries et 40 pièces multimédia et une quinzaine de courts métrages suisses.
Le magazine américain Variety a classé le festival genevois parmi les 50 meilleurs du monde.
Il a perdu cette année la subvention de l’Office fédéral de la culture mais est le seul en Suisse à bénéficier du soutien de l’Union européenne.
Cinéma Tous Ecrans présente 16 membres de la jeune garde du cinéma helvétique.
Trois films genevois en avant-premières mondiales: Big Sur de Pierre-Adrian Irlé et Valentin Rotelli, Heaven de Mohcine Besri et Max de Jean-Paul Cardinaux.
Et aussi Vincent le magnifique de Pascal Forney avec Jean-Claude Dreyfus ainsi que le dernier film d’animation de Georges Schwizgebel, Retouches.
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