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Prince éteint la lumière du 43e Montreux Jazz Festival

De l'utilité du parapluie pour masquer l'arrivée de Celui qui ne veut être vu. Keystone

Le 43e Montreux Jazz Festival, c'est fini. Une édition «exceptionnelle», selon les organisateurs, qui s'achève sur un double concert exclusif donné par le Seigneur de Minneapolis, Prince en personne.

«Photos Forbidden». C’est l’ordre clair et net que les photographes travaillant au Montreux Jazz Festival ont reçu en ce 18 juillet.

Il est vrai que certaines religions – et pas des moindres – interdisent toute représentation de Dieu. Prince Rogers Nelson aurait-il la mégalomanie métaphysique?

Prince, qui avait donné son premier concert à Montreux en 2007, a longtemps été le grand point d’interrogation de cette 43e édition. Viendra, viendra pas?

Sur le Net, les rumeurs sont allées bon train jusqu’au moment de la confirmation officielle, le jour de l’ouverture du festival, il y a deux semaines: c’est bien Prince qui conclurait le festival, samedi, avec deux spectacles, l’un à 19h00, l’autre en fin de soirée: «2 shows, 1 Nite».

Selon Claude Nobs, les contacts ont eu lieu dès le mois d’avril. En guise de contrat, Prince s’est contenté d’envoyer l’affiche conçue par ses soins…

7 minutes 58 secondes

Un accord particulier qui s’accompagnait d’un «cadeau» à découvrir sur le site du MJF depuis mercredi dernier: une exclusivité musicale, nouvelle interprétation de «In A Large Room With No Light», avec le groupe qui se produit à Montreux avec lui.

Les billets mis en vente pour les deux concerts du ont trouvé preneur en… 7 minutes et 58 secondes. Les fans ont déboursé 195 francs pour une place debout, 480 francs (!) pour une place assise.

Manifestement, le star system se porte bien, et la dimension «mythique» du petit funkyman de Minneapolis également. Sans oublier la réputation du Montreux Jazz Festival, qui avec ce coup-là, fait très fort.

«2 shows, 1 Nite»

A la guitare, Prince. Entouré de quatre musiciens: Renato Neto et Morris Hayes aux claviers, John Blackwell à la batterie, Rhonda Smith à la basse et aux chœurs. Le tout au service d’un show qui en aura déconcerté plus d’un. Souvent revisité jazzy, le répertoire n’inclut que le minimum de «tubes» et il faudra attendre la fin du deuxième concert pour que la pluie pourpre tombe sur Montreux.

«C’est à la fois de l’émotion, de la couleur, de la provocation. C’est sexy, sombre aussi. Un tel projet permet de survoler toutes sortes de styles. Du jazz à la fusion, jusqu’au funk le plus outrancier. On peut tout arrêter pour une ballade à vous arracher les larmes. Prince est complexe. C’est un génie, mais ça n’est pas un homme simple…», expliquait samedi la bassiste Rhonda Smith au quotidien Le Matin.

Vu de la salle, le choc est d’abord visuel: costume de torero rouge, les oreilles ornées d’un croissant de lune de brillants, les yeux lascivement maquillés, le petit Prince investit la scène à 19 h 30 pour son premier concert – seulement une demi-heure de retard.

Heureusement qu’il y a les écrans. Car même dans la relative intimité de cet Auditorium Stravinski, la spectatrice et le spectateur du milieu de la salle – pour la plupart des quinquagénaires, comme l’artiste – en ont bien besoin pour voir les œillades qu’il décroche à son public, comme s’il flirtait avec chacun.

Côté musique, il étale toute l’étendue de son savoir-faire de chanteur et de guitariste, offrant un mélange de jazz, de funk et de soul. Tantôt douce et mélancolique, la voix explose par moments dans les aigues, comme si Prince se prenait pour la Reine de la Nuit dans la Flûte enchantée de Mozart.

Manifestement, la star excentrique est en grande forme. Au niveau vocal comme au niveau des mimiques, sa palette d’expressions est phénoménale et les années n’ont rien enlevé à la sensualité de son langage corporel. Malgré le côté parfaitement réglé d’un spectacle où tout est sous contrôle, Prince semble très heureux d’être là et s’amuse beaucoup sur scène.

Le 43ème, un bilan positif

Avant même ce final, le 43ème Montreux Jazz Festival était déjà une édition «exceptionnelle», comme l’ont dit les organisateurs lors d’une conférence de presse vendredi.

La fréquentation générale a atteint 230’000 personnes et le chiffre d’affaires a dépassé de 10% celui obtenu l’an dernier, qui était déjà une année record, a expliqué Mathieu Jaton, secrétaire général du festival. Le budget billeterie (90’000 tickets) a déjà été atteint jeudi.

Ces résultats sont «la consécration» de la stratégie mise en place en 2007 pour repositionner le festival sur deux salles et mieux définir les lieux nocturnes, s’est félicité Mathieu Jaton.

Ombre au programme: l’absence de soutien de la part du canton de Vaud. Claude Nobs, le fondateur de la manifestation, le répète depuis moult années, et commence manifestement à se fâcher.

«C’est le moment qu’on nous reconnaisse», s’est-il énervé, en rappelant les efforts faits par le festival dont le deux tiers des prestations sont gratuites. Tout le monde peut venir participer à la fête et écouter de la musique, ce qui n’est pas le cas dans d’autres manifestations privées, a-t-il relevé (voir encadré). Et les organisateurs d’insister pour que le Montreux Jazz Festival bénéficie d’«une aide substantielle» l’an prochain.

Quoi qu’il en soit, le 43e est mort, vive le 44e: il aura lieu du 2 au 17 juillet 2010. Claude Nobs a d’ores et déjà soulevé un petit coin du voile: Quincy Jones organisera une soirée avec de jeunes découvertes et des méga-stars, et un hommage à Simply Red est prévu.

Bernard Léchot, Susanne Schanda, swissinfo.ch et les agences

Minneapolis. Prince Rogers Nelson est né en 1958 à Minneapolis, Minnesota.

Résilles. Il s’intéresse à la musique dès l’âge de 13 ans et monte rapidement son premier groupe. Son premier album paraît alors qu’il a vingt ans. Il y joue tous les instruments. Au-delà de sa musique, Prince va quelque peu surprendre grâce à ses provocations, dont son goût pour les bas résilles.

Red Corvette. Ses ventes décollent grâce à ‘Little Red Corvette’, extrait de l’album ‘1999’, sorti en 1982.

Purple Rain. En 1984, ‘Purple Rain’, enregistré avec le groupe The Revolution, lui apporte une renommée internationale. Il peut désormais se positionner en temps qu’alternative et rival à Michael Jackson.

No name. En 1992, après de multiples conflits avec sa maison de disques, il change de nom et devient ‘Love Symbol’. Les opus qui suivent obtiennent un succès relatif.

Triple album. Parmi ses productions récentes, ‘Planet Earth’ en 2007 et trois nouveaux albums en 2009, «Lotusflow3r», «MPLSound» et «Elixir», voué à sa protégée Bria Valente.

En tirant le bilan de ce 43ème festival, le créateur de la manifestation, Claude Nobs, a attaqué le canton de Vaud.

Si le Valais donne 100’000 francs au MJF, Vaud (où se trouve Montreux) ne propose qu’une garantie de déficit de 10’000 francs!

Claude Nobs a d’aillleurs déploré l’absence de personnalités du gouvernement cantonal au festival, ironisant sur le voyage actuel en Californie de la conseillère d’Etat Anne-Catherine Lyon, en charge notamment de la culture. «Peut-être ramènera-t-elle des artistes pour le festival», a-t-il lancé.

Seule Jacqueline de Quattro, ministre de la sécurité et de l’environnement, trouve grâce à ses yeux. C’est «l’exception» qui s’active pour le festival, selon Claude Nobs.

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