Radio Kosovo vole de ses propres ailes
Fondatrice de Radio Blue Sky, la Suissesse Thérèse Obrecht passe la main au service public kosovar. Avec le sentiment du devoir accompli.
Cette passation de pouvoir aura lieu le 1er janvier. Initiée par la Fondation Hirondelle, soutenue et financée par les Nations Unies et la Suisse, Radio Blue Sky a commencé ses émissions en octobre 99, sous la direction de Thérèse Obrecht.
L’ancienne championne de ski devenue journaliste de choc a trouvé là un nouveau défi à relever après ses cinq ans passés comme correspondante de la TV romande à Moscou.
Et le défi était de taille: il s’agissait rien moins que d’offrir à la Radio publique du Kosovo un second programme voué à la jeunesse, au plurilinguisme et à la réconciliation entre les communautés déchirées par la guerre.
«Le recrutement n’a pas été facile, se souvient Thérèse Obrecht. Il y avait très peu de journalistes véritablement formés. Les Albanais maîtrisaient mal leur propre langue – interdite depuis 1990, mais enseignée dans des écoles clandestines – et les Serbes hésitaient fortement à venir travailler à Pristina, où nous devions les faire escorter dans la rue».
La radio qui monte…
En plus de l’Albanais et du Serbe, Radio Blue Sky a également des programmes en Turc, une langue parlée par quelque 30 000 Kosovars. Et la petite station est rapidement devenue grande, au point de devenir la radio préférée de la diaspora kosovare, qui l’écoute sur internet.
Dans la province même, en l’absence de mesure fiable des taux d’écoute, on ne peut que constater son succès, sans le mesurer. Mais il est clair que Blue Sky occupe une place tout à fait honorable dans un paysage médiatique marqué – comme en Bosnie – par des dizaines de petites stations purement locales.
…et qui réconcilie
Ses émissions sans parti pris, sa volonté de soulever et d’expliquer les problèmes là où ils surgissent ont d’ailleurs valu en décembre 2000 à RTK le Prix du média le plus «fair», délivré par l’Association des journalistes du Kosovo.
Blue Sky a naturellement joué un grand rôle durant les deux campagnes électorales qu’a connu la province. En envoyant systématiquement ses reporters dans les zones les plus chaudes, en donnant la parole aux Serbes
dans les émissions en Albanais (et vice-versa), Thérèse Obrecht a rempli pleinement la mission qui lui était assignée: contribuer à l’ouverture du débat démocratique dans le respect du pluralisme et des différentes communautés.
Au soir des élections au parlement, qui ont vu le parti serbe gagner 21 sièges, un animateur de Blue Sky a ouvert l’antenne aux auditeurs pour leur demander ce qu’ils pensaient de ce retour.
«Je lui ai dit de faire attention», raconte Thérèse Obrecht, qui craignait vraiment d’entendre des étalages de rancœur et de haine à l’antenne. Mais finalement, tout s’est bien passé.
En bonne voie
Pour la fondatrice de Blue Sky, le Kosovo est aujourd’hui sur la bonne voie. «Même s’il y a des extrémistes parmi eux, j’ai été frappé de trouver à Pristina des jeunes qui ressemblent beaucoup à ceux d’ici, explique la journaliste suisse. Ils surfent sur l’Internet, écoutent la même musique que tous les Occidentaux, parlent très bien l’anglais et font preuve d’un bel esprit d’ouverture».
Alors mission accomplie pour Radio Blue Sky? Seul l’avenir le dira. Thérèse Obrecht se rend bien compte que 99% des Kosovars albanophones sont frustrés de ne pas avoir obtenu l’indépendance. Mais l’élection d’un parlement régional est un premier pas pour la province, qui doit maintenant montrer qu’elle est capable de vivre en paix et d’atteindre un certain niveau d’autogestion.
Marc-André Miserez
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