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Ramadan plutôt laïc pour les couples libano-suisses

La chrétienne Dominique Fayad et le sunnite Hussni Ajlani vont être parents. Leurs enfants seront musulmans et... baptisés. (Pierre Vaudan)

Parmi les 800 Helvètes installés au Pays du Cèdre, une majorité sont des binationaux. En cette période de jeûne pour les musulmans, les couples mixtes que nous avons rencontrés vivent leur religion sans contrainte.

La mosaïque libanaise est constituée d’une majorité de musulmans sunnites et chiites. Depuis le début septembre, le Pays du Cèdre vit donc au rythme du mois de ramadan, durant lequel la plupart des croyants observe le jeûne, l’un des cinq piliers de l’Islam. Qu’en est-il alors des couples mixtes dans un Liban où malgré les crispations communautaires, les mariages entre chrétiens et musulmans ne sont pas si rares ? Rencontres.

Verdun, dans l’ouest de Beyrouth, quartier à majorité musulmane. L’atelier de haute couture de la styliste Dominique Fayad est installé dans les vastes locaux d’une ancienne banque. Sous le balcon, la circulation est intense en ce début d’après-midi mais les rues se videront à partir de 18 heures, la plupart des musulmans rejoignant leur famille pour la rupture du jeûne.

Chrétienne libanaise et «très croyante», Dominique a épousé en 2006 Hussni Ajlani, Suisse par sa mère neuchâteloise, mais Syrien sunnite par son père. Si le couple s’est marié civilement à Chypre après avoir été évacué du Liban par l’ambassade suisse lors des 33 jours de guerre entre le Hezbollah et Israël, leur union a aussi été consacrée à leur retour par un cheikh.

Entre islam et chrétienté

Restaurateur installé au Liban depuis une dizaine d’années, Hussni ne se définit pas pour autant comme un musulman pratiquant, même s’il a effectué un pèlerinage à la Mecque, autre pilier de l’islam, et qu’il lui est arrivé par le passé d’observer le jeûne. Il faut dire que, né à Genève en 1972, il a été élevé à mi-chemin entre islam et chrétienté.

«La semaine j’allais à l’école chez les Jésuites et le jeudi j’avais cours à la Fondation islamique, raconte-t-il. Sans jamais rien m’imposer, mon père tenait pourtant à ce que je partage sa religion et je priais donc avec lui non pas le vendredi… mais le dimanche par commodité. J’ai donc été imprégné des deux religions et cela m’a ouvert l’esprit.»

Désormais, le couple attend la naissance d’un petit garçon et les questions liées à sa future identité religieuse sont débattues sereinement. «Nos enfants seront musulmans puisque c’est ma religion, explique Hussni. Mais mon épouse tient à ce que nous les baptisions et personnellement je n’y vois aucun inconvénient.»

Une ouverture d’esprit que partage Dominique: «Ma meilleure amie est musulmane et depuis toujours dans la famille nous avons des amis musulmans. Ma grand-mère a même allaité un sunnite et un druze, alors…»

Même si Dominique revendique une foi chrétienne profonde et témoigne même volontiers avoir vécu des expériences religieuses particulièrement intenses, elle partage les vues de son époux sur la nécessité de faire découvrir les deux mondes aux enfants, sans rien imposer. «Après tout, tranche-t-elle, c’est le bon dieu que l’on prie et ce qui m’importe au final, c’est que nos enfants soient croyants.»

L’identité arabe d’abord

Achrafieh, dans l’est de Beyrouth, quartier à majorité chrétienne. C’est là que vit Christophe Brugger et sa femme Tyma, une syro-palestinienne de confession sunnite, au dixième étage d’un immeuble de standing avec une vue imprenable sur le littoral.

Installé depuis 2002 à Beyrouth pour le compte de l’UBS, Christophe avoue ne pas être particulièrement sensible aux questions religieuses même s’il ne rejette pas toute forme de spiritualité. Elevé à Genève, chrétien non confirmé et libre penseur, il constate qu’au Liban «beaucoup de gens ont un rapport à la religion qui relève d’avantage du clanique que du religieux».

Tyma, quant à elle, a grandi entre Bruxelles, Damas et Genève au gré des affectations de son père diplomate. «Je ne fais pas le ramadan mais nous fêtons quand même l’aid al-Fitr (n.d.l.r.: fête qui marque la fin du mois de jeûne de ramadan) et Noël, souligne Tyma en souriant. Et je récite parfois la Fatiha (n.d.l.r.: première sourate du Coran) le soir à nos deux enfant».

«Mais de même que mon père, très tolérant, n’a jamais voulu me forcer à endosser la religion musulmane, nos enfants choisiront librement leur chemin lorsque ces questions les préoccuperont, poursuit Tyma. En fait, ce qui m’importe davantage en tant que Palestinienne dont la mère a été chassée de chez elle par les Israéliens en 1948, c’est notre identité arabe.»

Droit religieux

Tous les mariages mixtes ne se vivent toutefois pas aussi sereinement et la question religieuse peut devenir source de graves problèmes en cas d’éclatement du couple. Car comme le confirme Karim Khoury, à l’ambassade suisse, «les mariages civils n’existent pas ici et c’est donc la loi religieuse qui s’applique. Dans ce cadre, les droits de la mère sur les enfants par exemple sont parfois inexistants».

swissinfo, Pierre Vaudan, Beyrouth

Un pilier. Le ramadan, l’un des cinq piliers de l’islam, est un mois de jeûne et de prière qui commémore la révélation divine reçue par le prophète Muhammad.
Il se déroule le neuvième mois d’un calendrier de l’Hégire basé sur le cycle lunaire et divisé en douze périodes de 29 ou 30 jours.
Lune. Le mois de ramadan recule ainsi tous les ans d’une dizaine de jours et a commencé cette année le 1er septembre, le 2 dans certains pays. C’est l’observation fine de l’état de la lune, validée par les autorités religieuses de l’Université cairote d’Al Azhar, qui tranche la question au dernier moment.
Bataille. Historiquement, ramadan a été fixé au mois de la bataille de Badr, qui vit en 624 l’armée du prophète triompher des Mecquois à 1 contre 3 grâce à une série de miracles.

Durant le ramadan, les musulmans ont l’interdiction manger, de boire, de fumer ou d’avoir des rapports intimes après le premier appel à la prière (Adan al fajr), qui survient à l’aube vers 4h30, et ce jusqu’à l’avant-dernier appel (Adan al maghreb), vers 18h30. C’est alors le moment où les musulmans se réunissent en famille pour rompre le jeûne.
Après quelques heures de sommeil, ils se lèveront ensuite en pleine nuit pour avaler encore quelque chose avant le début de la journée de jeûne suivante

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