Rem Koolhaas poursuit sa réflexion sur Dubaï
Comme Abou Dhabi, Dubaï veut devenir un fleuron de la culture mondiale. L'émirat a confié au Vitra Design Museum et à Rem Koolhaas une exposition sur la «construction d'une culture pour le 21e siècle».
Le monde a les yeux rivés sur Pékin et ses nouvelles réalisations architecturales pharaoniques – ou plutôt impériales. Mais un autre point du globe attire et attirera encore longtemps les bâtisseurs des temps modernes: Dubaï, un des sept émirats de la Fédération des Emirats arabes unis.
Entre Pékin et les anciens déserts du Golfe persique, la course au gigantisme semble infinie: le plus grand aéroport du monde est-il à peine terminé d’un côté (Pékin), que s’ouvre le chantier du futur plus grand de l’autre (Dubaï)…
C’est sur la construction, en cours, d’une nouvelle «culture du 21e siècle» que le Vitra Design Museum de Weil am Rhein (Allemagne) se penche jusqu’à mi-septembre. Les deux commissaires, le Palestinien Jack Persekian et surtout Rem Koolhaas, architecte et théoricien hollandais, sont des stars dans leur domaine.
Tout ou presque a déjà été écrit sur les «méga» projets des cheiks, leurs tours qui pivotent automatiquement pour suivre les rayons du soleil, leurs gratte-ciel qui n’arrêtent pas de pousser, leurs fausses îles et leurs vrais dollars. Mais on pouvait attendre de Rem Koolhaas, jamais avare de provocation, quelque nouvelle perspective.
Trop hétéroclite
Malheureusement, même si ce n’est pas rien, la liste des superlatifs d’arrête à «intéressant». Est-ce le fait du commanditaire – une organisation étatique nommée «Dubai Culture & Arts Authority» créée au début de l’année et dirigée par Michael Schindhelm, ancien directeur du théâtre de Bâle?
Ou est-ce parce que Koolhaas et son agence OMA (Office for Metropolitan Architecture, bureau pour une architecture métropolitaine fondé en 1975) ont déjà livré leur pensée sur le développement des émirats, lors de la Biennale de Venise en 2006, puis sous forme d’ouvrage «Al Manakh» en 2007?
Quoi qu’il en soit, le mélange d’éléments exposés reste trop hétéroclite pour constituer un regard nouveau. Il y a par exemple sept photographes, dont la fille de l’architecte hollandais, Charlie Koolhaas, qui remplit des salles d’images imprimées sur tissu et suspendues en rangs serrés, et trois réalisateurs présentant des courts métrages.
Cadrages assurés
Parmi ces photographies, certaines sont – pour le coup – fascinantes: la série «Held back» de Reem Al Ghaith, (née en 1985) qui se montre toujours en ombre chinoise sur ses images, allie le traditionnel arabe et la modernité extrême dans des cadrages très pertinents.
Autres images passionnantes, celles, d’archives, du bureau établi à Dubaï John R. Harris, qui montrent l’incroyable développement de ce désert construit en moins d’un siècle. L’énorme carte murale annotée par Rem Koolhaas recèle aussi quelques perles sous forme de commentaires drôles, songeurs, voire poétiques.
Quête d’identité
Mais les deux maquettes, si impressionnantes soient-elles (un centre culturel de Zaha Hadid jouant avec les formes organiques des dunes et un projet de théâtre de Koolhaas, qui dirige plusieurs chantiers sur place) ne nous en disent pas beaucoup sur la construction de l’«identité culturelle» des Emirats.
Car Dubaï abrite plus de 200 nationalités, à qui manque encore, dit-on, une identité. Cette exposition, voulue par le pouvoir, est une étape dans l’établissement de Dubaï (comme Abou Dhabi avec son île de musées Saadiyat) comme capitale culturelle.
Mais Rem Koolhaas encourage un regard décomplexé et plus réaliste. «Cessons de présenter Dubaï comme une exception, dit-il en substance, et voyons-la comme une ville ‘normale’, jeune et en train de mûrir.»
Mais la grandeur reprend le dessus: «La ville est plutôt une orchestration intelligente de besoins et d’opportunités qui ont déclenché une authentique culture à Dubaï, écrit encore l’architecte. Et si d’autres civilisations plus établies sont coincées dans des fonctionnements davantage axés sur la confrontation, peut-être Dubaï est-elle en train de découvrir, après tout, la plausibilité inattendue d’une culture vraiment globale.»
swissinfo, Ariane Gigon, Weil am Rhein (Allemagne)
Deux des sept émirats formant la Fédération des Emirats arabes unis, Abou Dhabi capitale politique et Dubaï centre économique, investissent des milliards pour se muer en destination touristico-culturelle.
Abou Dhabi est en train d’aménager l’île de Saadiyat, avec un musée Guggenheim, un Louvre et une «cité des arts».
A Dubaï, l’hôtel Burj Al Arab, en forme de voilier, fait 321 mètres et a sept étoiles. Une station couverte de ski a aussi été construite.
L’architecte néerlandais de 64 ans, Prix Pritzker 2000, développe plusieurs projets dans le Golfe, dont le «Waterfront City».
Il s’est fait connaître pour avoir refait a posteriori le plan directeur de Manhattan (New York Délire, 1978).
Sur le développement architectural et urbanistique dans les Emirats, il a présenté «Al Manakh» à la Biennale de Venise 2006.
L’architecte signe aussi le nouveau siège de la télévision chinoise à Pékin.
Construit par la famille Fehlbaum après l’incendie de la fabrique Vitra à Weil am Rhein (Allemagne), à côté de Bâle.
Un nouvel ensemble d’une dizaine de bâtiments a vu le jour depuis 1989. Cinq des architectes ont ensuite reçu le Prix Pritzker, le Nobel d’architecture.
Les bâtiments sont conçus par des Frank Gehry, Zaha Hadid, Tadao Ando, Alvaro Siza ou Nicholas Grimshaw (1981-1986). La «Maison Vitra» d’Herzog et de Meuron est en cours.
Vitra collectionne aussi des objets comme une station-service de Jean Prouvé, transformée en maisonnette.
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