Roger Jendly, un épicurien averti

Roger Jendly, 66 ans et autant de pièces à son actif. Mario del Curto, Vidy-L

Compagnon de route des plus grands auteurs et metteurs en scène, le comédien fribourgeois, 66 ans, reçoit un prix pour le rayonnement de son parcours théâtral.

Il joue également dans une pièce à Vidy-Lausanne. Portrait.

Il a toujours affiché son goût pour les plaisirs de la vie, Roger Jendly. On se souvient de lui après un repas pris dans un restaurant lausannois un jour férié.

Attablé devant un verre de cognac, il tire sur son cigarillo et nous confie: «Au collège Saint-Michel de Fribourg où je fis mes études, on me reprochait mes activités ludiques. Comme j’étais d’humeur badine, j’avais inscrit sur mon plumier: ‘Carpe diem’.»

La gratitude de la profession

Epicure était alors au programme et avait pris sous son aile le jeune élève. Assuré de la protection de l’auteur grec, le comédien abandonnera plus tard ses études de sciences économiques pour les joies de la scène.

Et la scène les lui rendra bien, le couronnant de succès et de prix. Comme celui qu’il recevra le 13 décembre au Théâtre du Grütli, à Genève, pour le rayonnement de son parcours théâtral.

Cette récompense marque la gratitude de la profession à l’égard de Roger Jendly, 66 ans, et autant de pièces jouées sur les planches de Suisse, de France et de Navarre.

Mais en attendant la distribution de ce prix, organisée dans le cadre de la 5e Fête du comédien, on pourra voir l’acteur dans «Lola, rien d’autre ou la madone des poubelles», tragédie-bouffe écrite et montée par Jacques Lassalle à Vidy-Lausanne.

Le rôle d’un père

Jendly y joue le rôle d’un père. Père d’une famille délurée évoluant dans le milieu interlope de Buenos Aires. Un rôle de plus donc pour enrichir cette formidable galerie de personnages qui animent le comédien depuis une quarantaine d’années.

Personnages imprenables, démesurés, tragiques ou comiques que Jendly réinvente à plaisir pour les modeler à sa mesure, les nourrir de son vécu. «Ma vie d’homme creuse le sillon des rôles que j’incarne», dit-il.

Il peut ainsi alterner, l’air de rien, un valet coquin («Don Juan»), un négociant désabusé («Il ne faut jurer de rien»), un clochard céleste («En attendant Godot»), un roi débonnaire («Gringoire»). Mais c’est dans les rôles qui lui renvoient sa propre image d’acteur qu’il séduit le plus. Dans chacun d’eux, il met du sien.

Une pochade vaudoise

Le voilà comédien potache dans «Les quatre doigts et le pouce», une pochade vaudoise de René Morax que Benno Besson créait la saison dernière à Lausanne.

Besson, Morax, Robert Pinget, Luc Bondy, François Rochaix, Charles Joris… Autant d’auteurs et de metteurs en scène suisses qui ont placé Jendly sur la voie de la réussite dans l’espace francophone.

Mais le Fribourgeois est d’abord, il ne saurait trop insister là-dessus, un artiste de ce pays. C’est avec le Théâtre populaire romand (TPR) qu’il a vécu, de 1961 à 1971, l’aventure théâtrale la plus excitante. Il fait alors partie de la troupe dirigée à l’époque par Charles Joris.

Plus tard, lorsque les utopies des années 60 auront perdu de leur vigueur, Jendly retrouvera une forme d’indépendance imposée en quelque sorte par le monde moderne.

«Je le regrette, car aujourd’hui l’expérience d’une troupe est impensable», nous affirmait-il il y a quelque temps. Avant d’ajouter: «Je suis atterré lorsque j’entends un jeune comédien dire: ‘J’ai mon diplôme, je peux pointer au chômage’».

swissinfo, Ghania Adamo

«Lola, rien d’autre ou la madone des poubelles». Lausanne, Théâtre de Vidy, jusqu’au 19 décembre. Tel: [phone]

Faits

Âgé de 66 ans, Roger Jendly reçoit un prix le 13 décembre au Théâtre du Grütli, à Genève, pour son parcours théâtral.
De 1961 à 1971, il a fait route avec le Théâtre populaire romand, dirigée à l’époque par Charles Joris
Il joue actuellement à Vidy-Lausanne une tragédie-bouffe «Lola, rien d’autre ou la madone des poubelles».