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Soleure: recto sourire, «Verso» coup de poing

Carlos Leal et Stress, quand les rappeurs deviennent acteurs. SP

Les «Journées de Soleure», rendez-vous annuel du cinéma suisse se sont ouvertes jeudi soir, en présence de la Présidente de la Confédération Doris Leuthard. Au programme notamment de cette première soirée, la projection d’un très noir polar genevois, «Verso», de Xavier Ruiz.

Les films qui, jeune femme, l’ont marquée pour toujours? Gandhi et Out Of Africa, dit-elle dans un sourire, au micro de swissinfo. Qui donc? Doris Leuthard, présidente de la Confédération et ministre de l’économie.

A propos, lorsqu’on occupe cette double fonction, à l’heure de la crise mondiale, des joyeusetés signées UBS et de la Libye, a-t-on vraiment l’esprit suffisamment disponible pour s’intéresser au cinéma?

«C’est parfois difficile, parce qu’on a beaucoup de sujets politiques en tête… Alors pour moi, le cinéma, c’est vraiment un amusement, un moyen d’oublier la vie difficile d’un conseiller fédéral», répond-elle, peu avant d’aller ouvrir en public la 45ème édition des Journées de Soleure.

Entre culture et économie

Doris Leuthard, présidente, mais, on l’a dit, également ministre de l’économie… L’occasion de lui faire part de cette incongruité locale, cette impression que le cinéma, en Suisse, est souvent perçu comme un caprice d’artiste et non comme un vrai potentiel économique…

«Le fait que la Confédération soutienne le cinéma à raison de plus de 46 millions de francs par an, cela démontre que c’est un élément important de la culture suisse, mais aussi qu’on a en tête qu’il ne s’agit pas seulement de participer à la culture, mais bien à un marché», répond Doris Leuthard. Qui souligne qu’il y a bel et bien des «consommateurs»: «Cette année, plus de 550’000 Suisses sont allés voir des films helvétiques, d’où une vraie dimension économique», dit-elle.

Tout en admettant que le monde de l’économie privée n’est pas particulièrement prêt à s’engager dans le 7e Art, sinon en ce qui concerne le film de promotion ou éventuellement le documentaire.

Autre regard, celui du réalisateur genevois Xavier Ruiz, venu présenter à Soleure son nouveau film, Verso, un polar «hardcore» selon l’expression du réalisateur. «Oui, le cinéma peut rapporter gros, mais pour cela, il faut exporter. Car rapporter, en Suisse, c’est très difficile», constate-t-il.

«Malheureusement, c’est vrai, les milieux économiques suisses n’ont pas vraiment une conscience du potentiel de retour sur investissement du cinéma. Ou quand ils l’ont, ils placent directement leur argent à Hollywood! C’est un peu dommage, parce que de nombreux pays ont compris qu’ils pouvaient faire beaucoup d’argent avec leurs propres productions, que ce soit la France, l’Allemagne, l’Angleterre, l’Espagne surtout…»

Soleure, passage obligé

Xavier Ruiz est à Soleure pour y présenter Verso, sorti en Suisse allemande en novembre dernier (une sorte d’expérience marketing pas tout à fait concluante, semble-t-il), Verso qui explosera sur les écrans romands dès le 3 mars, et vient d’être vendu au Japon. Pour les autres pays… affaire à suivre.

Soleure, un passage obligé? «Comme Soleure est une vitrine du cinéma suisse, ce serait dommage de ne pas y être. Pour y montrer son film et voir le travail des autres. Ensuite, il y a ici un public très averti, pointu, et c’est intéressant de s’y confronter. Troisième raison: depuis l’année passée, Soleure est devenue l’antichambre des Oscars suisses, les ‘Quartz’, qui sont remis à Lucerne en mars. Il y a donc une attente, du suspense, c’est assez fun!»

Uppercut rap

Jeudi soir, pendant que la «Reithalle» découvre le flambant neuf Zwerge sprengen (Faire sauter les nains de jardin) de Christof Schertenleib, le «Landhaus» se prend donc un uppercut genevois dans la figure. On est très loin des projections parfois absconses auquel un certain cinéma suisse avait pu nous habituer.

Verso… D’un côté, Alex (Laurent Lucas), pilier d’une brigade d’intervention. De l’autre, Victor (remarquable Carlos Leal, ancien pilier de Sens Unik), ex-flic embastillé par son pote Alex pour une sale affaire de meurtre. Entre eux, un passé fort en émotions, une adolescente, Lou (Chloé Coulloud, joliment fissurée), et un présent qui s’emballe lorsque Victor est un beau jour libéré.

A noter aussi la présence d’un autre rappeur, Stress himself, dans la peau d’un dealer balourd et méchant. Les rappeurs, un bon terreau de comédiens? «Je viens de la scène hip-hop, qui a été ma culture de 12 à 20 ans. Je connais Carlos et Stress depuis des années, j’ai des affinités avec eux et j’ai toujours voulu bosser avec eux. Et puis, effectivement, les rappeurs ont la faculté de magnifier les mots et d’être très bons dans les performances physiques. Ils ont donc des atouts que tous les chanteurs n’ont pas nécessairement pour passer de la scène au cinéma.»

Genève recto, Genève verso

Bande-son qui déchire. Images chocs. Dope en pagaille. Groupe d’intervention tendance guérilla urbaine. Coups de feu. Mômes à la dérive. Parents largués. Truanderie à tous les étages. Los Angeles by night? Non, la cité de Calvin aujourd’hui.

En la filmant à travers une fiction, Xavier Ruiz a-t-il découvert sa ville natale avec un autre regard? «Tourner à Genève m’a permis d’enfin pouvoir montrer une facette de ma ville que très peu de gens soupçonnent. Une facette que j’ai connue un peu, mais que grâce à ce film, grâce à l’écriture, aux relations que j’ai eues pendant des mois avec les policiers, j’ai pu approfondir», analyse Xavier Ruiz.

Si le film est cinématographiquement réussi et pour le moins efficace, la réalité n’est-elle tout de même pas… surpassée? Ou en tout cas très concentrée? «La plupart des Suisses – et même des Genevois – qui voient le film ne me croient pas. Ils pensent que j’ai voulu faire un film suisse à l’américaine, et que ce qui s’y passe n’est pas la réalité», constate Xavier Ruiz.

«Alors que je peux vous l’assurer, et la police me l’a confirmé: tout est vrai. C’est effrayant, mais c’est comme ça. Ce que je propose donc au spectateur, c’est de faire un voyage dans la partie la plus obscure de la deuxième plus grande ville de Suisse. Et je vous rassure tout de suite: dans la première, Zurich, c’est la même chose!»

Merci Xavier, nous voici donc rassurés.

Bernard Léchot, Soleure, swissinfo.ch

Les Journées de Soleure sont le principal rendez-vous annuel du cinéma suisse.

Elles se tiennent cette année du 21 au 28 janvier.

Au total, 302 films de fiction, documentaires, expérimentaux et d’animation, de même que des clips musicaux, seront projetés.

Le programme spécial «Rencontre» est consacré au compositeur de musique de cinéma bâlois Niki Reiser.

Genève. Il est né en 1970 à Genève.

Formation. De 1992-94, il suit les cours de l’ESRA (Ecole supérieure de réalisation audiovisuelle) à Paris, puis en 1995, l’AVID Workshop Film, Video & Arts à New York.

Courts. Dès 1992, il réalise des courts métrages, et travaille comme monteur indépendant de 1995 à 1999.

Télé. Il travaille également pour la télévision (séries, documentaires) et réalise des clips vidéo (Sens Unik, Stress).

Longs-métrages. Ses longs-métrages de fiction: Neutre (2000) et Verso (2009).

Bouffons. C’est lui qui réalise chaque semaine «Les Bouffons de la Confédération», déclinaison helvétique des «Guignols de l’Info» sur la télévision régionale «La Télé».

Réalisation: Xavier Ruiz

Scénario: Xavier Ruiz, Nicholas Cuthbert

Musique: Stress, Aloan, Polar, Samael.

Avec notamment: Laurent Lucas, Carlos Leal, Stress, Chloé Coulloud, Barthélémy Grossman…

Sortie:Verso sortira le 10 février en Suisse romande.

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