«Tell me Swiss», vacheries et douceurs. On déguste!
Fantaisie merveilleuse, la dernière création du Catalan Cisco Aznar sera donnée les 6 et 7 septembre à Shanghaï, dans le cadre de l’Exposition Universelle. La Suisse y est représentée avec humour et audace.
Faire danser des vaches à l’unisson, c’est un drôle d’exercice, drôlement bien réussi toutefois par Cisco Aznar. S’il se régale de vacheries concoctées à l’égard de l’Helvétie, le chorégraphe catalan se délecte aussi de douceurs, celles que la Suisse lui offre depuis qu’il y vit et y travaille.
Lorsqu’il s’est établi à Lausanne il y a plus de dix ans, Cisco Aznar a commencé par se dire, comme beaucoup d’étrangers, «qu’est-ce que je fais là?». Aujourd’hui, comme beaucoup d’étrangers, il se demande si un jour il pourra vraiment quitter ce pays.
Alors donc, ces questions viennent chatouiller sa pièce chorégraphique «Tell me Swiss». Une fantaisie merveilleuse créée le 1er septembre au Flux Laboratory, à Genève, et qui sera présentée les 6 et 7 septembre au Pavillon suisse de l’Exposition Universelle de Shanghaï, avant New-York le 14 octobre prochain.
Cornes contre cornes
«Ladies and gentlemen, welcome to the Swiss, Swiss, suicide cabaret…» (prononcez «souisaïde», à l’anglaise), chantent les vaches qui dansent à l’unisson. Trois jeunes femmes, torse nu, culottes marquées de taches noires et blanches, seins rougis par les couleurs nationales, têtes flanquées de petites cornes, mènent la sarabande. Le suicide qu’elles annoncent n’a rien de tragique. C’est juste un sacrifice de clichés que Cisco Aznar offre à son public sur une scène au plancher si verdoyant que l’on se croirait en plein mayens. Rien ne manque au décor, même les bottes de foin sont là.
Et voilà que la Suisse éternelle, reposant tranquillement au pied de ses alpages, se soulève. Le troupeau de vaches se forme et se déforme au gré des alliances. Cornes contre cornes, Alémaniques et Romands s’affrontent dans un combat d’idées, tandis que sur un grand écran, installé en fond de scène, d’autres vaches apparaissent et manifestent, pancartes à la main.
«Subventions pour les agriculteurs», réclament ces vaches qui savent tout faire, même jouer les séductrices. Car du troupeau, se détache tantôt l’une d’elle pour aller retrouver l’écran dans une robe d’apparat. Une robe rouge, longue et soyeuse, qu’elle soulève lascivement dévoilant ses fesses, rouges elles aussi, frappées d’une croix blanche.
Redoutable tentatrice
La Suisse est une redoutable tentatrice. Le grand confort qu’elle offre à ses habitants est très apprécié, surtout des travailleurs étrangers qui, même parfois malmenés, ne la lâcheraient pas pour tout l’or des banques. Tiens! En voilà un d’étranger. C’est un vacher, un peu «bronzé» comme dirait l’autre. Il bouge comme une panthère, se démène tel un diable, mais fait tache dans les verts pâturages, tout comme Conchita et autres Anouchka qui disent être là pour «une qualité de vie».
Il y a tout un jeu politique, social, historique dans ce spectacle qui reflète l’actualité. Celle que chaque Suisse regarde à la télé. Sur scène, le grand écran relaie la petite lucarne et renvoie au public des morceaux d’Histoire réécrits avec humour et audace. Tell, que l’on retrouve dans le titre de la pièce, est également présent à l’écran. Il arrache à la Suisse son côté vintage, son petit air antique, pour l’introduire dans une ère de jouvence.
Car ce cher Guillaume est un garçon d’aujourd’hui en culottes courtes. Un petit ange, on vous dit. Sa pomme est en sucre glacé. Une douceur. Pourtant, elle résiste à l’arbalète. Normal, nous sommes en Suisse. Et la Suisse est le pays de tous les paradoxes.
Avec toutes ces flèches tirées allègrement, comment gagner le cœur des Helvètes de Chine? On pose la question à Cisco Aznar, qui répond dans un rire: «Je pense que le public suisse me comprend très bien. Non, ce qui me fait peur, ce sont plutôt les Chinois. Vous savez, il y a des seins nus dans mon spectacle… Alors, si vous voyez que je tarde à revenir de là-bas, il faut aller m’y repêcher».
Ghania Adamo, swissinfo.ch
Pièce chorégraphique de Cisco Aznar.
Les 6 et 7 septembre au Pavillon suisse de l’Exposition Universelle de Shanghaï.
Le 14 octobre au Rouge Tomate, 10 East, 60e Rue, Manhattan, New York.
Les costumes des danseurs ont été réalisés par les étudiants de la Haute école d’art et de design de Genève (HEAD).
Le spectacle a vu le jour grâce à une étroite collaboration entre la HEAD et la Fondation Fluxum à Carouge (Genève), qui encourage la danse et la culture.
Catalogne. Né à Badalona en 1972, il est diplômé de l’Ecole d’art dramatique et chorégraphique de Barcelone.
Béjart. En 1992, boursier de l’Atelier Rudra de Maurice Béjart à Lausanne, il participe à la création de «Autour de Faust» et de «Mister Chaplin».
Scènes. Dès 1993, il travaille comme danseur et chorégraphe sur les grandes scènes d’Europe et d’Amérique latine.
Créations. A partir de 1998, il crée pour son propre compte de nombreux spectacles dont : «Le vilain petit canard», «Blumenkabarrett», «Adan y Pepa», «Coppélia» pour le Ballet du Grand Théâtre de Genève…
Soutiens. Il a reçu le «Contrat de Confiance» de la Ville de Lausanne, de l’Etat de Vaud et de Pro Helvetia (2007-2009).
Prix. Il est lauréat de plusieurs prix, dont le Prix Jeunes Créateurs pour la Danse de la Fondation vaudoise.
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