Tout le vertige d’une existence
Sous le titre «Elle, tant aimée», les éditions Flammarion publient une impressionnante biographie d'Annemarie Schwarzenbach, romancière, journaliste, photographe et archéologue suisse.
C’est la vie plurielle et tragique de cet «ange dévasté» qui est ici parcourue en quatre cents pages enflammées.
Elle devait être poursuivie par des furies, Annemarie Schwarzenbach, pour fuir, comme elle l’a fait une vie durant, son pays la Suisse, ses parents, son mari, ses amis, ses amantes et enfin elle-même.
Elle, «l’ange dévasté», selon Thomas Mann. Ou encore «l’ange venu de distances incommensurables» selon Melania G. Mazzucco, écrivain italienne qui consacre une impressionnante biographie à Annemarie Schwarzenbach, parue chez Flammarion sous le titre «Elle, tant aimée».
Elle, «sans temps, sans âge», comme le dit encore la biographe de son héroïne saisie ici dans son vertige existentiel heureux et meurtrier. Vertige qui finit par entraîner le lecteur dans une transe.
Quatre cents pages, donc, d’écriture enflammée et passionnée pour raconter la cavale d’Annemarie («Dame des voyages») à travers les continents et ses dangereuses descentes en elle-même. Jusqu’à cette chute finale, un accident de bicyclette qui lui coûta la vie en 1942. Elle avait 34 ans.
Mouvement tourbillonnaire
Le livre commence par des flashs-back qui reviennent en boucle et finissent par dessiner le mouvement tourbillonnaire d’une vie. Voilà pour le début.
Pour le reste, la biographie romancée de Melania Mazzucco ne fera que reprendre ce même mouvement, l’élargissant toujours un peu plus pour y inclure de plus en plus d’événements qui viennent se greffer sur le noyau d’une existence.
Le noyau, c’est Bocken, l’immense domaine des Schwarzenbach qui surplombe le lac de Zurich (et qui est aujourd’hui propriété du canton). C’est là qu’Annemarie a grandi. C’est à ce richissime domaine qu’elle voudra sans cesse échapper pour se soustraire à l’autorité castratrice de sa mère Renée et à la froideur de son père Alfred, tous deux issus de la grande bourgeoisie zurichoise.
Vers Bocken encore et toujours
Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est vers Bocken qu’elle voudra revenir toujours, comme happée par ce sanctuaire où elle chercha en vain la sérénité qui lui fit tragiquement défaut.
Bocken, c’est la Suisse dans ce qu’elle a de plus beau et de plus rigide. «Nature et volonté, c’est ça la Suisse», fait dire Melania Mazzucco à Alfred Schwarzenbach. C’est cette Suisse-là qu’Annemarie accepte et refuse au prix de très grands écarts avec la réalité qui, bien avant ses premières tentatives de suicide, lui valent la réputation de rebelle forcenée.
Le monde qu’elle parcourt en long et en large n’est jamais assez vaste pour elle. Elle multiplie les ailleurs au fil de ses romans. Elle se veut plurielle en étant à la fois écrivain, journaliste, photographe et archéologue. Son être intime explose et se scinde en deux: elle est homo et hétéro. Elle se marie mais collectionne les amantes.
Elle veut s’envoler, monter sur les cimes éthérées. Elle n’en fut pas très loin: c’est à Sils, en Engadine, qu’elle mourra au guidon de sa bicyclette, par une «lumineuse journée d’été».
swissinfo, Ghania Adamo
«Elle, tant aimée», de Melania G. Mazzucco. Editions Flammarion.
23 mai 1908: Naissance à Zurich
1928-29: Séjour à Paris
1931: Berlin, se lie d’amitié avec Klaus et Erika Mann
1933: Premier séjour en Iran
1934: Congrès des Écrivains à Moscou et séjour archéologique à Rey
1935: Cure de repos et tentative de suicide
1935: Deuxième séjour en Iran
1935: Mariage avec un diplomate français, Claude Clarac et rencontre de Barbara Hamilton-Wright
1936-1938: Séjour aux Etats-Unis
1939: Voyage avec Ella Maillart de Suisse en Afghanistan
1940-1941: Séjour aux Etats-Unis, rencontre de Carson McCullers
1941-1942: Séjour au Congo
15 novembre 1942: Hémorragie cérébrale après une chute de vélo à Sils
La vallée heureuse
Nouvelle lyrique
La mort en Perse
Loin de New York, Reportages et photographies
Orients exils
Où est la terre des promesses
Le refuge des cimes
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