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Un 6e sens chaud et cuivré

Florence Chitacumbi et le saxophoniste Yvan Ischer swissinfo.ch

La chanteuse romande Florence Chitacumbi, qui oscille entre groove, électro et racines africaines, se confronte avec talent au jazz du Big Band de Lausanne.

Ce «6e sens revisité» a été créé jeudi soir, dans le cadre du Cully Jazz Festival.

Le Cully Jazz Festival aime le jazz. Normal, il l’affiche dans son nom. Mais il l’affectionne dans toute la variété de ses registres. Et peut-être surtout dans sa faculté à jouer du métissage et du croisement.

Une salle est même totalement dévolue aux créations, aux rencontres qui étonnent: le «Next Step». Pour deux soirs, c’est à Florence Chitacumbi que l’on doit le plaisir de la surprise.

Rêve éveillé

«C’est bien parfois de faire des rêves éveillés», dit-elle en attaquant la chanson «On rêvait». Il est vrai que ce spectacle, pour elle, doit tenir de cela.

L’artiste chaux-de-fonnière, d’origine angolaise et suisse, chante depuis une vingtaine d’années, mêlant ses racines africaines à sa passion pour le groove, son respect pour les grandes voix du jazz à son goût pour l’électro. Une quadrature du cercle difficile à réaliser, et que Cully lui permet toutefois de concrétiser.

Autour d’elle, 17 musiciens. Les neuf souffleurs du Big Band de Lausanne, mais aussi les deux piliers de ses arrangements (le bassiste Vulzor, et le batteur et manieur de samplers Christophe Calpini, qui a travaillé au dernier CD d’Alain Bashung).

Et deux invités de taille: le trompettiste et arrangeur Pierre Drevet (collaborateur de Charles Aznavour, par exemple) et le remarquable guitariste Alice Botté (ex CharlElie Couture notamment).

«Assez grisant»

Alors on écoute, bouche bée. Incroyables textures sonores. Complexité des harmonies de la section de cuivre. Rythmique oscillant entre New York et Luanda. Bruitisme des échantillonnages de Christophe Calpini. Et, traversant ces strates, le grain chaud de la voix de Florence.

A propos, quelle impression physique la présence d’une telle formation suscite-t-elle? «C’est assez grisant», répond la chanteuse peu avant de monter en scène. «Toute cette machine, ça porte, ça me porte. Et puis cela ouvre beaucoup de possibilités harmoniques pour la voix. Il y a plein d’harmoniques partout, donc on ne chante pas la même chose, avec un ensemble comme ça.»

«Comme il y a une plus grande palette de sons, cela ouvre l’aspect mélodique, cela peut me faire aller sur des chemins auxquels je n’aurais pas pensé avant. Les morceaux du ‘6e sens’, je les chante complètement différemment… ça bouge!»

Goût du risque

Le spectacle s’appelle «Le 6e sens revisité», allusion bien sûr à son dernier album, «6e sens». Mais pas uniquement: «Pour nous, c’était aussi une nouvelle façon d’écrire, à cause des arrangements de cuivres. Et pour le Big Band de Lausanne, c’est aussi une nouvelle façon de travailler. On revisite nos habitudes, et ça c’est bien».

La salle, bizarrement, a l’accueil relativement frais: trop de choses à la fois? Quoiqu’il en soit, Florence Chitacumbi n’aime pas les casiers: «En Suisse, on est trop séparés. Chacun est dans son coin, jazz, électro… Or ça, c’est un peu dépassé. Il faut juste essayer de faire de la bonne musique».

Jamais la crainte de fourvoyer le public? «J’ai mon son, ma couleur, qui est reconnaissable. Je ne pense pas que je me perde. Au contraire, c’est plutôt une évolution». Florence Chitacumbi ou la force tranquille.

La force tranquille et le goût des paris difficiles. Big band à Cully. Mais ailleurs, ces temps, on peut la voir accompagnée d’une seule guitare acoustique, celle de Laurent Poget. Un album dans cette veine est d’ailleurs prévu.

«J’aime bien les extrêmes!» dit-elle en riant. Mais toujours calme, comme si les choses coulaient de source, concédant que les rencontres, les collaborations servent d’aiguillage.

Florence Chitacumbi semble savoir où elle va. Au public de savoir la suivre…

«Le 6e sens
Venu de la planète groove
On l’a tous dans le sang
Il suffit d’aller le rencontrer»

swissinfo, Bernard Léchot à Cully

Le Cully Jazz Festival se tient jusqu’au 3 avril.
Ont participé ou participent à cette édition: Charles Lloyd, Eric Truffaz, Dee Dee Bridgewater, Thierry Lang, Dave Holland, Sally Nyolo, Eddie Palmieri, Ray Anderson…
Un hommage à Jean-François Bovard, décédé récemment, a lieu le 3 avril.

– D’origine angolaise, Florence Chitacumbi est née en 1965 à La Chaux-de-Fonds, dans le Canton de Neuchâtel.

– Dès 1984, elle se produit en scène, en Suisse et à l’étranger. A son nom, mais également avec d’autres formations («Big Band de Lausanne», «Four Roses», «La Fête à Bühler») ou comme choriste (notamment Teri Moïse, Atlantique et… Julien Clerc).

– Elle a enregistré deux albums à son nom: «Uniq» en 1993 (C.O.D. Records) et «6ème Sens» (Zed Prod / Musikvertrieb).

– Florence Chitacumbi avait déjà collaboré avec le BBL à l’occasion du centenaire de la naissance de Duke Ellington. «Le 6e Sens revisité», spectacle présenté à Cully les 1er et 2 avril, est une création.

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