Un Léopard toujours à l’écoute de son temps
Malaise social, écologie, littérature, mais aussi comédies et satires, l'affiche du 61ème Festival du film de Locarno est connue. Fidèle à ses mots d'ordre – diversité et qualité – le Pardo commence le 6 août.
Comme d’habitude, les étoiles ont rendez-vous en août à Locarno. Très américaines l’an dernier, elles seront européennes cette année. Car c’est actuellement là que le cinéma brille le plus fort, selon le directeur artistique du festival Frédéric Maire.
Dévoilant l’affiche du 61ème Pardo mercredi, il a relevé que la récente grève des scénaristes et la mauvaise passe du cinéma indépendant aux Etats-Unis contrastaient avec le retour en force de la production cinématographique européenne.
Sur les 17 films retenus pour la compétition, la majorité sont européens. Avec un dénominateur commun, celui de refléter un certain malaise de la société occidentale. Ne reculant pas devant la gravité, les réalisateurs filment les failles de l’individu, de la famille ou de la société.
Diversité et rigueur
März par exemple, de l’Autrichien Klaus Händl, cherche à comprendre pourquoi trois adolescents ont choisi de se suicider. Unique film français en lice, Nulle part terre promise d’Emmanuel Finkiel intercale trois histoires de voyage, d’émigration et de délocalisation économique.
Quant au seul long métrage helvétique en course pour le Léopard d’or – Un autre homme du Vaudois Lionel Baier –, il traite de l’arrivisme et de la férocité du monde professionnel, mais sur le mode satirique.
Pour Frédéric Maire, l’esprit de Locarno empreint la compétition et les autres catégories du festival. «En continuant à privilégier la découverte et en poursuivant notre effort de clarification des sections, nous avons voulu une grande diversité dans la compétition et une grande rigueur dans la sélection», a-t-il souligné.
Frissons en tous genres
Hors compétition, le festival de Locarno sera un brin plus léger, plus spectaculaire aussi, mais pas nécessairement moins authentique. Ainsi Nordwand, qui retrace la tragique tentative d’ascension de la paroi nord de l’Eiger en 1936, risque de provoquer des frissons même chez ceux qui ne sont pas amateurs de montagne.
Frissons toujours, mais dans des registres fort différents, les aliens et les vikings de Outlander de Howard McCain cohabiteront avec le déluge musical du film-opéra contemporain The Eternity Man du Britannique Julien Temple.
Cette année, l’écran géant de la Piazza Grande sera inauguré par Brideshead Revisited, avec Emma Thompson. Tiré d’un classique de la littérature britannique, ce long métrage ouvrira un Pardo d’ailleurs marqué par une forte présence littéraire.
Les écrivains seront là
Le contesté Michel Houellebecq va par exemple dévoiler son premier long métrage. Il s’agit d’une adaptation de son roman La Possibilité d’une île publié en 2005, sélectionné dans la catégorie «Play Forward» réservée aux expérimentations audiovisuelles contemporaines.
Plus classique, l’écrivain italien Alessandro Barrico sera présent avec sa première réalisation Lezione 21. Rendu célèbre dans le champ francophone par Océan Mer, traduit en français en 1998, il a mis en images une enquête autour de la monumentale Neuvième Symphonie de Beethoven.
L’Amérique aura elle aussi voix au chapitre avec Choke de Clarke Gregg, un film tiré, comme Fight Club, d’une nouvelle du sulfureux Chuck Palahniuk, qui sera présent. L’actrice principale du film, Anjelica Houston – la fille de John – se verra d’ailleurs décerner un «Excellence Award» avant la projection.
Littérature encore dans la section «Ici & Ailleurs». Pierre Léon y présentera notamment L’idiot. Inspiré d’une scène clé du roman éponyme de Dostoïveski, le film permettra de retrouver Jeanne Balibar et Sylvie Testud. Caractérisée par une dilution de la frontière entre documentaire et fictions, la section accueille une forte présence italienne.
Rétrospective Moretti
Avec la rétrospective intégrale consacrée à Nanni Moretti, les liens de Locarno avec l’Italie seront d’ailleurs honorés.
«On a eu le sentiment qu’il voulait que cette rétrospective soit un moment important de sa carrière», explique Frédéric Maire. Sollicité par le festival, le plus attachant des héritiers du néo-réalisme a commencé par expliquer qu’il était débordé pour finalement investir beaucoup de temps dans ce projet, a confié le directeur artistique.
Le Léopard d’honneur, qui a récompensé Jacques Rivette, Jean-Luc Godard, Joe Dante ou Wim Wenders, sera cette année décerné à Amos Gitai. Plusieurs films du cinéaste israélien, auteur notamment de Yom Yom ou de Kippour, seront proposés au public.
Succession Maire
A l’heure de lancer son avant-dernier festival de Locarno, Frédéric Maire, qui a été nommé à la tête de la cinémathèque suisse, n’a pas cessé de parler d’avenir. Non pas le sien, mais celui du festival, qu’il s’est efforcé d’inscrire dans la continuité qualitative qui a fait sa réputation.
Evoquée par le président du Pardo Marco Solari, la question de sa succession à la direction artistique demeure ouverte. «Cela deviendra une préoccupation après cette édition. Nous voulons nous laisser le temps de trouver la meilleure solution possible», a-t-il déclaré.
Et le Tessinois d’indiquer que Locarno disposait d’une «santé éclatante mais précaire». Un état qui sied tout particulièrement à la créativité.
swissinfo, Carole Wälti
Festival international du film de Locarno: 6-16 août 2008.
Le festival a revendiqué 186’000 entrées lors de l’édition 2007.
17 longs métrages seront en compétition cette année.
Le Léopard d’or («Pardo d’Oro») est doté de 90’000 francs.
Créée pour mettre en valeur la production cinématographique indigène, la Journée du Cinéma suisse aura lieu cette année pour la troisième fois consécutive.
Elle se tiendra le mardi 12 août.
Cette année, elle se déroulera sur le thème «Le cinéma suisse a plus d’un visage».
Les quatre genres forts du cinéma suisse – films d’auteur, commerciaux, d’animation et documentaires – seront illustrés.
Trois films helvétiques seront projetés en première mondiale dans le cadre de cette journée. Il s’agit de Marcello Marcello de Denis Rabaglia, Luftbusiness de Dominique de Rivaz et le court métrage d’animation Retouches signé Georges Schwizgebel.
De manière globale, le festival va projeter plus de 40 films suisses récents, dont une dizaine de longs métrages.
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