Un photographe zurichois à l’honneur à Washington

Les images de Robert Frank ouvrent une exposition du musée Hirshhorn. Un autre Suisse, Beat Streuli, y figure également en bonne place.
Avec cette exposition, nommée «Open City», le Hirshhorn entreprend, dans 13 de ses salles, de retracer l’histoire de la photographie urbaine de 1950 à nos jours.
140 photos sont présentées, en noir et blanc, en couleur, sur petit format, sur format géant, imprimées sur papier d’aquarelle, en projection de diapositives et jusqu’à une projection vidéo d’un coin de rue très passant de New York filmé par Beat Streuli, né en Suisse en 1957.
«Nous voulons montrer que les distinctions entre la photo de presse, la photographie urbaine et l’art se sont effondrées», déclare à swissinfo Kerry Brougher, conservateur en chef du musée Hirshhorn qui a préparé l’exposition «Open City».
Le travail de Beat Streuli occupe à lui tout seul trois murs et une salle. Il monopolise les regards et les oreilles du visiteur puisqu’il enregistre les visages qui se succèdent au coin de la rue et les bruits de la mégalopole.
A l’instar de son aîné et compatriote Robert Frank, qui, à partir de 1966, avait délaissé la photo pour le cinéma, Beat Streuli privilégie le mouvement sur la fixation de l’instantané. Mais les points communs entre les deux Suisses ne s’arrêtent pas là.
Portraits volés au milieu de la foule
«Robert Frank et Beat Streuli partagent cette capacité à faire le portrait d’une personne, alors que cette personne est dans la rue et au milieu d’une foule», relève Kerry Brougher.
«Néanmoins, si Streuli aime se concentrer sur une personne et photographie ses sujets de la même manière, qu’ils soient à New York ou à Tokyo, Frank, lui, ne détache pas la personne qu’il photographie de son contexte urbain», ajoute le conservateur.
Robert Frank, Suisse devenu Américain, est né à Zurich en 1924. Il a une place d’honneur dans l’exposition qui s’ouvre avec huit clichés appartenant au Musée d’Art Contemporain de Los Angeles et tirés de la série que le photographe a consacré aux Etats-Unis.
Une place d’honneur qu’il doit à son rôle dans la transition qui s’est opérée dans le monde de la photographie dans les années 50.
«Nous commençons par Robert Frank parce qu’il fait partie des grands innovateurs et qu’il a joué un rôle crucial dans l’évolution qui a conduit à des gens comme Streuli», indique Kerry Brougher.
«Avant Frank, la photographie urbaine consistait à rendre compte de ce qui se passait dans la rue à l’aide de règles formelles ayant trait, notamment, à la composition», explique-t-il aussi.
L’émotion avant tout
L’apport de Frank fut, à l’instar de l’Américain William Klein, de préférer l’inachevé et l’émotion au rigorisme formel du reportage classique. A cet égard, son livre, «Les Américains», publié en 1958 avec le soutien du musée Guggenheim, jeta un pavé dans la mare avant même sa parution.
En effet, à cause de son accent étranger et de l’omniprésence de son appareil photo alors qu’il sillonnait les Etats-Unis, Robert Frank fut pris pour un espion communiste et emprisonné.
«A l’époque, beaucoup ont reproché à Robert Frank de ne pas faire de la vraie photographie, et puis, il a rompu avec l’optimisme ambiant de l’après-guerre, en montrant une image sombre et explosive de l’Amérique que les Américains ne voulaient pas voir», souligne le conservateur du Hirshhorn qui, pour son expo, a cependant choisi certaines des photos les moins violentes ou sordides de Frank.
Financée en partie par Pro Helvetia et l’ambassade de Suisse à Washington, l’exposition «Open City» est ouverte jusqu’au 8 septembre.
Les conservateurs l’ont placée, délibérément et judicieusement, à côté d’une exposition plus petite, mais tout aussi intéressante, sur la construction de la ville de New York.
swissinfo/Marie-Christine Bonzom à Washington

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