Un tour de Suisse au nom du plurilinguisme
Pour défendre le fédéralisme plurilingue en danger, le groupe d’étude et d’information «Coscienza svizzera» a entamé un tour de Suisse de sensibilisation.
Après le Tessin et les Grisons, il a fait halte jeudi soir sur les Jeunes-Rives, dans le canton de Neuchâtel.
«Agoramobile», la tente de la Fondation suisse Pro Regio, ne passe pas inaperçue. Après le Tessin et Coire, elle plante son chapiteau au bord du lac de Neuchâtel. Les défenseurs du plurilinguisme helvétique n’ont pas choisi cette halte par hasard.
«Neuchâtel, ville universitaire, vient de fermer sa chaire d’italien», explique à swissinfo le linguiste tessinois Alessio Petralli, coordinateur et responsable scientifique pour le groupe «Coscienza svizzera» des activités sur le plurilinguisme.
«Or, la Romandie doit aussi être consciente du fait que l’italien n’est pas seul à être menacé en Suisse. Hors de leurs régions respectives, les trois langues nationales cèdent toujours davantage le pas à l’anglais. Notre fédéralisme plurilingue qui s’est de tout temps démontré un modèle gagnant est désormais en péril.»
C’est pour tenter de sauver ce modèle que «Coscienza svizzera», groupe d’étude et d’information fondé en 1948 qui compte aujourd’hui environ 600 membres, se bat depuis quelques mois.
Chapeauté par Alessio Petralli et par le journaliste de la Télévision de la Suisse italienne, Fabrizio Fazioli, président de «Coscienza svizzera», le débat sur la sauvegarde du fédéralisme plurilingue, entamé en janvier dernier au Tessin, s’étend à toute la Suisse.
Tour de sensibilisation
«Les discussions, propositions et considérations de toutes sortes qui ont été faites durant la tournée des villes tessinoises ont été résumées dans un volume qui vient de paraître», explique M. Petralli. Par ailleurs, la publication d’un manifeste intitulé Le plurilinguisme en Suisse. Renouveau d’un modèle qui gagne a valu à «Coscienza svizzera» de nombreux messages de soutien venus des quatre coins du pays.
Un tour de sensibilisation de la Suisse s’est donc avéré indispensable. Et après Coire et sa préoccupation sur le futur de l’italien à l’école primaire – jusqu’ici première langue étrangère dans les écoles germanophones des Grisons – Neuchâtel est la première étape romande.
Le député socialiste Didier Berberat, directeur du Département de l’instruction publique de La Chaux-de-Fonds est conscient du risque que court le français en Suisse alémanique. Auteur d’une initiative parlementaire qui demandait, en 2000 déjà, que soit accordée la priorité à l’enseignement des langues nationales en Suisse, il est un des orateurs qui est amené à prendre la parole sous la tente montée sur les Jeunes-Rives.
Fervent partisan de la cohésion nationale
«Il s’agit de rappeler le contenu de mon initiative qui avait été acceptée, de justesse, par le Conseil national (Chambre du peuple) en mars 2001 lors de la session qui s’était tenue à Lugano», explique Didier Berberat. Le délai pour la présentation d’un projet a été prolongé jusqu’à la fin de cette année. Les choses ont quand même changé ces dernières années et il faudra aussi tenir compte de la nouvelle loi sur l’enseignement des langues.»
Le projet lancé par «Coscienza svizzera» plaît beaucoup à Didier Berberat. «Je suis un fervent partisan de la cohésion nationale et suis très attaché à la défense des langues nationales en Suisse», souligne-t-il.
Didier Berberat tient aussi à ce que les quatre langues nationales – «romanche y compris» – soient représentées équitablement au sein de la Confédération. «Je trouve regrettable, lance-t-il, que depuis le départ du chancelier Achille Casanova, il n’y ait plus aucun italophone dans les hautes sphères de l’administration fédérale.»
Le député neuchâtelois est co-auteur, avec le sénateur Jean Studer de la motion qui va dans ce sens et a été adoptée mardi par le Sénat (la Chambre haute).
Les Romands commencent à craindre pour le français
Quant à Alessio Petralli, il compte beaucoup sur le rôle des francophones dans la défense du fédéralisme plurilingue. «Il faut dire que les Romands commencent à avoir un peu peur de voir le français perdre du terrain en Suisse. Alors qu’ils ne sont jamais montrés solidaires, jusqu’ici, de la minorité italophone menacée dans son expression, ils deviennent sensibles à ce problème.»
Et la présence, mardi à Coire, du journaliste vaudois Jean-Marie Vodoz, président de la «Fondation défense du français» en est la preuve. Jean-Marie Vodoz a débattu de la position de l’anglais face au plurilinguisme suisse.
C’est sous le mot d’ordre «Pas de Suisse, sans plurilinguisme!» que «Coscienza svizzera» entend poursuivre son tour de Suisse à Saint-Gall, Bâle, Zurich, Genève, Lausanne et Berne.
Vers une initiative populaire
«Nous devrions boucler la boucle d’ici cet automne» précise Alessio Petralli. En fait, il s’agit aussi pour les partisans du fédéralisme plurilingue de préparer le terrain au lancement d’une initiative populaire.
«Ce parcours suisse conclu, nous déciderons s’il y a lieu de lancer cette initiative qui demande le renouvellement du modèle gagnant qu’est le fédéralisme plurilingue en Suisse.»
Un comité de soutien vient de se créer pour appuyer la démarche de «Coscienza svizzera». Il est notamment formé de Flavio Cotti, ex-président de la Confédération et de Fulvio Pelli, député et président du Parti radical suisse.
«Le comité va œuvrer pour récolter des appuis financiers et pour établir des contacts au niveau national. Il va se battre pour une juste cause qui est fondamentale pour l’avenir de notre Confédération», conclut le linguiste tessinois.
swissinfo, Gemma d’Urso, Lugano
«Coscienza svizzera», groupe d’étude et d’information fondé en 1948 compte 600 membres.
Avec son tour de Suisse en faveur de la défense du fédéralisme plurilingue, «Coscienza svizzera» veut contribuer à la défense des identités et des langues nationales. Elle demande le «renouvellement d’un modèle gagnant» dans la continuité.
Les discussions qui se sont déjà tenues à Lugano, Bellinzone et San Vittore (GR) ont donné lieu à une publication qui vient de sortir en italien sous le titre «Agonie d’un modèle gagnant».
– La tente d’Agoramobile a fait halte jeudi 16 juin sur les Jeunes-Rives de Neuchâtel. Avec au programme un débat animé par plusieurs orateurs.
– Après Neuchâtel, le tour de Suisse fera halte à St-Gall, Bâle, Zurich, Berne, Lausanne et Genève.
– «Coscienza svizzera» prévoit de lancer, dès fin 2005 ou début 2006, une initiative populaire qui demande que soit donnée la priorité à l’enseignement d’une deuxième langue nationale à l’école obligatoire.
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