Une constellation nommée «Young Gods»
Un nouvel album, un coffret audiovisuel, une tournée… et prochainement, du 9 au 12 décembre, un hommage de quatre jours, au Centre Culturel Suisse de Paris. Cette fin d’année permet aux Young Gods de mettre en avant la dimension protéiforme de leur démarche. Deuxième partie de notre entretien avec Franz Treichler.
Du 9 au 12 décembre, le Centre Culturel Suisse de Paris accueillera les Young Gods pour fêter leurs 25 ans d’existence – à eux, le groupe, et à lui, le Centre. Titre de l’événement: «Constellation Young Gods».
Au menu, la conférence d’un anthropologue aux théories pour le moins étonnantes, de la danse contemporaine, du cinéma, de l’improvisation musicale… et, reliés d’une manière ou d’une autre à chacun de ces éléments, les Young Gods, sortes de ponts électriques entre des disciplines qui n’ont à priori pas grand-chose à voir l’une avec l’autre.
En 25 années d’existence, le groupe fribourgo-genevois a en effet touché à beaucoup d’univers, au même titre que, à travers ses propres albums, il n’a pas hésité parfois à dérouter ses fans…
swissinfo.ch: Les Young Gods ont osé des écarts stylistiques surprenants au courts de leur parcours, quittant le rock industriel pour des approches planantes ou acoustiques… Ce nouvel album, «Everybody Knows», c’est un peu la réconciliation des différents pôles que vous avez abordés?
Franz Treichler: Toutes ces expériences nous influencent, c’est clair. Le projet «Woodstock» (lire «Young Gods, Woodstock sur Paléo», ndlr) nous a sans doute redonné l’envie de guitares live. Le projet acoustique nous a donné envie de mélanger ces guitares avec notre manière habituelle de faire, plus samplée, plus rock. Et le projet de Koch-Schütz-Studer, «More To Come», nous a donné envie de faire de l’impro. Mais finalement… c’est qui, de la poule ou de l’œuf? Si on mène des projets comme ça, c’est parce qu’on a envie de se faire peur, ou de casser notre formule de compo, bref, d’apprendre autrement et d’enrichir la méthode !
Je ne crois donc pas qu’il y ait une «réconciliation»: ce sont simplement différentes facettes, différentes musiques qu’on aime, mais qu’on ne peut pas toujours approfondir, parce que c’est mieux de se concentrer sur une chose. Pour moi, ce sont de petites planètes, on gravite autour, et à chaque fois, cela nous amène quelque chose.
swissinfo.ch: Illustration de ces planètes: «Constellation Young Gods», du 9 au 12 décembre, au Centre Culturel Suisse de Paris. Au programme, les Young Gods, mais aussi du cinéma avec Fredi Murer (lire ‘Ecran hallucinogène grâce aux Young Gods, ndlr), de la danse (Gilles Jobin), du jazz débridé (Koch-Schütz-Studer), un ethnologue (Jeremy Narby)…
F.T.: Non seulement on est présents quatre, cinq jours au même endroit, ce qui donne le temps de souffler alors que quand on est en tournée, on ne voit pas grand-chose, mais en plus, là, cela va permettre de développer plein de choses. Jeremy va par exemple faire une conférence sur l’art et l’activisme, parce qu’il a vu le film «Petropolis» de Peter Mettler… ce sont des ponts qui se créent entre différentes disciplines.
Ce projet du CCS, c’est quelque chose que j’aurais adoré pouvoir réaliser à plusieurs endroits, Paris, mais aussi Prague, Londres, la Suisse… Ce genre de projet est idéal pour élargir la palette, amener des gens qui ne sont pas nécessairement passionnés par l’anthropologie ou la musique contemporaine, mais qui sont fans des Young Gods, à s’ouvrir à de nouveaux horizons. Ce qui est toujours positif.
swissinfo.ch: Et faire tourner un tel multi pack n’est pas possible…
F.T.: Non. Cela fait beaucoup de gens, et il n’est pas facile de trouver les promoteurs, ni les lieux pour un projet comme ça.
swissinfo.ch: 25 ans de carrière… A une époque, les Young Gods sont apparus comme un groupe susceptible de bouffer la planète entière. Puis dans les années 90, vous vous êtes installés dans cette position de groupe respecté par la critique, mais relativement underground. Pas de regret de n’être pas devenus des rock stars planétaires?
F.T.: Le statut de rock star planétaire, tu l’as si tu fais d’énormes concessions par rapport à tes choix de vie. D’abord, tu es obligé de devenir américain! Tous les groupes, même british, qui ont réussi à «bouffer la planète» sont installés aux Etats-Unis.
Lorsqu’on a tourné pour la première fois aux Etats-Unis, en 1989, on écoutait Nine Inch nails, qui venait de sortir son premier album et tournait dans les mêmes clubs que nous. On ne s’est jamais rencontrés, mais on figurait sur les mêmes programmes. Quand on est retourné là-bas en 1991, Nine Inch Nails tournait encore le même répertoire dans les mêmes clubs. Pendant deux ans, ils n’ont fait que ça, alors que nous, on avait fait deux mois en 89, deux mois en 91. Cela pour dire l’investissement de temps, l’investissement physique que cela nécessite! Et puis c’est un choix géographique, les Etats-Unis. Nous, on ne le sentait pas comme ça. Nos racines sont en Europe, en Suisse. Est-ce qu’il y a des regrets? Non. Nos choix sont assumés.
En fait, il y a eu des périodes plus dures pour nous que les années 90. Au début des années 2000, il y avait des problèmes internes – l’entourage proche, les maisons de disque, le management. Là, il y a eu des remises en question et peut-être des regrets. Mais c’était lié à la situation.
Et puis… parfois, le succès facilite les problèmes. Notre longévité est aussi due au fait qu’on a eu un équilibre relativement stable, qu’il y a eu beaucoup de «do it yourself» dans notre carrière, et pas de «saut quantique» avec des millions de dollars et tout le monde qui pète les «boulards»!
swissinfo.ch: Aujourd’hui, les Young Gods sont-ils «blooming», selon le titre d’un morceau du dernier album? C’est-à-dire épanouis, florissants?
F.T.: Je trouve qu’il y a effectivement une bonne énergie, et qu’elle peut se développer encore – c’est la définition même du mot. En tout cas, on se réjouit tous de présenter notre nouvel album sur scène. Voir son impact sur un public qui parfois attend des Young Gods soit le truc frontal, soit le truc expérimental, soit le truc acoustique. Par la force des choses, on a un public très mélangé, maintenant; ça va donc être très intéressant de découvrir sa réaction.
Samplers. Formé en 1985 entre Genève et Fribourg, le trio prend au départ le pari de faire du rock dur sans guitare – mais avec moult samplers.
Réputation. Albums et concerts vont rapidement établir la réputation du groupe. Au début des années 90, sa tournée mondiale est un triomphe. David Bowie ou The Edge, guitariste de U2, le citent comme référence.
Nouveaux territoires. Par la suite, les Young Gods bifurquent vers une musique plus introspective et explorent de nouveaux territoires: hommage à Kurt Weill, ambiances sonores pour l’exposition nationale Expo.02 ou les conférences de l’anthropologue Jeremy Narby sur le chamanisme, alliance avec la formation classique Sinfonietta de Lausanne, et «Woodstock», une relecture musicale du célèbre film de Michael Wadleigh.
Unplugged. En 2008, désormais formé du chanteur Franz Treichler (seul membre d’origine), du clavier Al Comet, du batteur Bernard Trontin et du guitariste Vincent Hänni, le groupe qui avait banni les guitares sort Knock on Wood, un album «unplugged» rempli de cordes acoustiques.
2010. En novembre sont sortis « Everybody Knows», leur nouvel album, et une série de live (DVD et CD) inédits.
Le Centre Culturel Suisse de Paris et les Young Gods fêtent ensemble leurs 25 ans respectifs du 9 au 12 décembre. Notamment au programme:
Jeudi 9: projection du film de Peter Mettler, «Petropolis» (2009, Canada) suivie de la conférence Art et Activisme de Jeremy Narby.
Vendredi 10: La Compagnie Gilles Jobin présente des extraits de «A+B=X» sur une musique de Franz Treichler.
Samedi 11: The Young Gods Play 2069, ciné-concert sur le film de Fredi Murer «Swiss Made 2069».
Dimanche 12: Concert de Koch-Schütz-Studer & The Young Gods.
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