Le château d’Aigle, perle encore peu connue du patrimoine suisse
S’il est amateur de châteaux forts, le pèlerin ou le voyageur cheminant sur la partie suisse de la Via Francigena, qui relie la cathédrale de Canterbury à Rome, sera comblé. La région s’étendant du Léman au col du Grand-St-Bernard compte plusieurs châteaux médiévaux. Parmi eux, celui d’Aigle, qui cultive un charme discret, aux antipodes des flots de touristes qui se déversent sur le site de Chillon, pourtant tout proche.
Après être entré en Suisse par le Jura et avoir traversé le Gros-de-VaudLien externe, le pèlerin longe le Lac Léman, puis suit la vallée du Rhône pour enfin atteindre le col du Grand-St-Bernard en direction de l’Italie. Cette dernière partie de la Via Francigena en Suisse compte plusieurs châteaux forts.
«Cette présence de châteaux est logique, commente Christian Schulé, historien et conseiller scientifique de l’Association européenne de la Via Francigena. Ce sont des verrous placés le long d’un axe de communication qui relie les îles britanniques à l’Italie depuis avant même le moyen-âge.»
Parmi les édifices de la région, le château de ChillonLien externe fait figure de star. Avec ses pieds dans les eaux du Léman, l’édifice a attiré l’an dernier plus de 400’000 visiteurs, ce qui en fait le monument le plus fréquenté de Suisse.
Situé non loin – moins d’une quinzaine de kilomètres – le château d’AigleLien externe jouit d’une atmosphère beaucoup plus calme, avec environ 20’000 visiteurs par an. Le jour de notre visite, nous y croisons juste quelques touristes ainsi qu’un groupe d’enfants présents dans le cadre du passeport-vacances. En fin de journée, un petit groupe d’adultes vient encore y faire une visite sous la direction d’un guide.
«Belle au bois dormant»
Entre les deux sites, le contraste en matière de fréquentation est donc saisissant. Pourtant, le château d’Aigle ne manque pas d’atouts. Son cadre, notamment, est exceptionnel. «Entouré de vignes, avec les Alpes en arrière-plan, c’est un vrai château de carte postale, l’archétype du paysage suisse», estime Christian Schulé.
Alors pourquoi une telle différence entre les deux sites? «Le château de Chillon a profité de grands auteurs comme Rousseau ou Lord Byron qui l’ont pris pour cadre. Il a aussi été peint une vingtaine de fois par le célèbre peintre français Gustave Courbet. Chillon est devenu assez rapidement une icône tant au niveau littéraire que pictural.»
«Cela n’a pas été le cas du château d’Aigle, poursuit l’historien, qui fait un peu figure de Belle au bois dormant. C’était encore une prison et un tribunal jusque dans les années 1970. On y avait aussi aménagé des logements pour les pauvres de la ville. Ces différentes affectations ont peut-être retardé son développement touristique, qui n’a commencé qu’avec l’ouverture du Musée de la vigne, du vin et de l’étiquetteLien externe en ses murs, dans les années 1970.»
Fort potentiel
Que ce soit en Suisse, en France ou dans d’autres pays encore, le problème est toujours le même. Un château est un véritable gouffre financier en termes de restauration, d’entretien et d’exploitation. Il faut donc multiplier les activités pour le rentabiliser.
Le château d’Aigle, propriété de la commune et géré par une association, ne fait pas exception. C’est ainsi qu’il organise notamment des expositions temporaires sur le vin, des fêtes médiévales ou encore des locations de salle pour augmenter la fréquentation, expliquaitLien externe l’an dernier son directeur et conservateur Nicolas Isoz, dans les colonnes du quotidien vaudois 24heures.
De fait, le manque de moyens se fait un peu sentir. Bon nombre de salles sont vides. Autre exemple: avec ses fausses toiles d’araignée auxquelles on ne croit pas une seconde, la salle supérieure de la tour, qui tente de mettre en scène un lieu de torture, a juste l’air d’un minuscule «London Dungeon» au rabais.
Quoi qu’il en soit, malgré des moyens limités, les choses évoluent dans la bonne direction. Le château a été restauré et le Musée du vin est sans cesse développé. «Ce lieu présente un fort potentiel», estime Christian Schulé. Entre son cadre idyllique, son architecture et son musée, le château d’Aigle a tout pour réussir. Il ne manque pas beaucoup pour que la Belle au bois dormant se réveille.
Via francigena
Le château d’Aigle se trouvent sur le tracé de la via francigenaLien externe.
Cet itinéraire culturel est un ancien chemin de pèlerinage qui, au moyen-âge, menait de Canterbury à Rome, puis à Bari pour prendre le bateau en direction de la Terre sainte.
En Suisse, cette voie d’étend sur un peu plus de 200 kilomètres, entre la région du Saint-Bernard (Alpes valaisanne) et de Sainte-Croix (Jura vaudois).
swissinfo.ch publie régulièrement des reportages sur des lieux d’intérêts situés sur la partie suisseLien externe de cette voie.
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