Villa Maraini ou la douceur de la vie culturelle
Véritable joyau architectural, la Villa Maraini de Rome est aujourd'hui un lieu de promotion et d'échange entre les cultures suisse et italienne. On doit sa construction à l'extraordinaire esprit d'entreprise d'Emilio Maraini, devenu à la fin du 19ème siècle le roi du sucre en Italie.
Superbe demeure de maître et centre culturel sis au coeur de Rome, la Villa Maraini est aussi le point d’observation le plus haut et spectaculaire de la capitale italienne. De la terrasse de la tour qui culmine à 26 mètres au-dessus du toit, la vue plonge à 360 degrés. «Seule la coupole de Saint-Pierre nous surpasse de trois mètres», souligne fièrement Christoph Riedweg, directeur de l’Institut suisse de Rome.
«Travailler ici est un privilège. Nulle part ailleurs dans le monde, la Suisse ne dispose d’un édifice comme celui-ci», ajoute Christoph Riedweg. La villa a été offerte en 1946 à la Confédération par la comtesse Carolina Maraini-Sommaruga, afin qu’elle soit «constamment au service de la culture, sous le signe de la collaboration entre la Suisse et l’Italie.» Depuis lors, elle abrite l’Institut suisse chargé de remplir ce mandat.
La construction de Villa Maraini n’a toutefois rien à voir avec la culture de l’esprit mais avec l’introduction d’une autre culture, celle de la betterave et de la production du sucre en Italie, initiatives dues au Luganais Emilio Maraini. L’industriel tessinois a écrit une page importante de l’histoire du développement économique et industriel de la jeune Italie, vers la fin du 19ème siècle.
Un empire industriel
Né en 1853 à Lugano, troisième d’une famille de dix enfants, après avoir fréquenté une école commerciale dans le canton d’Argovie, Emilio Maraini a 20 ans lorsqu’il part tenter sa chance à Rotterdam dans une entreprise d’importation de produits coloniaux, dont la canne qui à cette époque-là dominait la production de sucre. Nommé chef du secteur des sucres, le jeune Tessinois est envoyé à Prague pour y étudier la fabrication de sucre de betterave en Bohème.
Emilio Maraini apprend vite et, en peu de temps, il ouvre sa propre fabrique de sucre. Le succès ne se fait pas attendre et le jeune entrepreneur décide alors de transférer son activité en Italie, pays encore en retard dans le domaine industriel et qui dépend presque uniquement du sucre d’importation. Les premiers essais locaux, lancés par Camillo Benso, comte de Cavour, avaient échoué. En 1886, Emilio Maraini s’établit à Rieti (Latium, près de Rome) où il ouvre sans tarder sa première fabrique de sucre.
Quelques années seulement suffisent à l’entreprenant Tessinois pour devenir roi du sucre en Italie, propriétaire d’une industrie sucrière qui s’étend du nord au centre de l’Italie. Décoré par l’Etat pour ses mérites économiques et devenu entretemps citoyen italien, Emilio Maraini est élu en 1900 membre du Parlement du Règne d’Italie.
Cette fonction ne lui sert pas uniquement à mieux défendre les intérêts de son groupe industriel: l’expatrié tessinois s’occupe aussi de relations internationales et de tâches humanitaires. Il devient vice-président de la Croix-Rouge italienne et président de la Commission nationale des prisonniers de guerre, durant le premier conflit mondial.
Une montagne de débris
Afin de suivre de près sa nouvelle activité politique, l’industriel quitte Rieti pour Rome. La jeune capitale de l’Etat italien vit alors une phase de profonde transformation de son tissu urbain à cause de l’arrivée massive de nouveaux fonctionnaires mais aussi de politiciens, commerçants et hommes d’affaires. Cette expansion démographique va de pair avec la vente au rabais du patrimoine séculaire de l’Eglise et avec la destruction de nombreux édifices médiévaux et de la Renaissance.
Le lieu choisi par Emilio Maraini pour y construire sa nouvelle demeure se trouve sur la colline du Pincio, là même où les antiques Romains avaient bâti leurs résidences qui surplombaient la capitale du grand Empire. Le terrain choisi servait de décharge depuis des années. Mais au lieu de déblayer les matériaux déposés, le nouveau propriétaire préfère utiliser cette montagne de ruines et débris qui devient un promontoire sur lequel sa villa va s’élever au-dessus des demeures alentour et jouir ainsi d’une vue imprenable sur toute la ville.
L’architecte choisi par Emilio Maraini n’est autre que son frère cadet Otto qui, après ses études à Milan, se distingue dans les projets et la construction de villas princières et de palais de style néo-Renaissance en Italie et au Tessin. Citons notamment la splendide Villa Helios de Castagnola au-dessus de Lugano, l’Hôtel Excelsior de Rome et le Palazzo degli studi de Lugano. D’autre œuvres par contre n’ont pas survécu à la spéculation immobilière tessinoise.
Un lieu d’inspiration idéal
Influencé par l’architecture de la Renaissance et du Baroque, Otto Maraini réalise entre 1903 et 1905 une imposante demeure de maître de style éclectique qui se détache des rangées de maisons sorties de terre ces années-là dans le quartier Ludovisi habité par la nouvelle classe bourgeoise de fonctionnaires.
Le résultat est une oeuvre monumentale sur trois étages – un véritable mastodonte si l’on tient compte des dimensions du terrain – aux façades flanquées de colonnes, reliefs et autres formes destinés à conférer un aspect élégant et seigneurial à la demeure, peut-être excessive pour ses premiers propriétaires qui n’avaient pas d’enfants.
L’intérieur de la villa dénote davantage encore cette volonté d’offrir un cadre aristocratique au nouveau roi du sucre. Les parois, les plafonds, les escaliers abondent en effet de décorations, plâtres, colonnes, fresques et tapisseries. La volumétrie de l’édifice, la recherche de style, les références historiques, la richesse des ornements et des matériaux dont de précieux marbres impressionnent le visiteur aujourd’hui encore.
«Dans un tel endroit, on se sent encore plus motivé à bien travailler pour encourager la connaissance et les échanges culturels et scientifiques entre la Suisse et l’Italie» nous dit l’actuel locataire de Villa Maraini, Christoph Riedweg. En février 2013, il cédera sa place à la tête de l’Institut à Michele Luminati, professeur de l’histoire du droit à l’Université de Lucerne.
Construite entre 1903 et 1905 sur mandat d’Emilio Maraini, la villa du même nom se trouve dans le quartier Ludovisi de Rome, entre la Via Veneto et la Place d’Espagne.
En 1947 la résidence a été cédée à la Confédération par la comtesse Carolina Maraini-Sommaruga. En 1949 elle est devenue le siège de l’Institut suisse de Rome qui chaque année accueille une dizaine de jeunes artistes et chercheurs suisses.
Le but de l’institut est celui de faire connaître la culture et la science suisses en Italie et de favoriser les échanges culturels entre les deux pays par le biais d’expositions, conférences, spectacles et autres évènements culturels.
La Villa est ouverte au public à raison de quelques heures par semaine.
Né le 27 novembre 1853 à Lugano, troisième d’une famille de dix enfants, Emilio Maraini fréquente une école de commerce à Zofingue, dans le canton d’Argovie. En 1873 il émigre en Hollande pour travailler dans une entreprise d’importation de produits coloniaux.
Après un séjour à Prague pour y étudier la fabrication du sucre de betterave en Bohème, le Tessinois s’installe en 1886 à Rieti (Italie centrale) où il ouvre sa première usine de sucre.
En 1889, il épouse la Luganaise Carolina Sommaruga de 16 ans sa cadette et en 1905 il s’établit à Rome pour mieux se consacrer à sa nouvelle activité de député du parlement italien.
Il meurt à Rome le 5 décembre 1916.
Né à Lugano le 8 novembre 1863, Otto Maraini étudie l’architecture à l’Académie de Brera à Milan.
Vainqueur en 1900 du concours pour le Palais des études de Lugano, Otto Maraini figure parmi les architectes tessinois de renom des premières décennies du 20ème siècle. On lui doit plusieurs demeures de maître en Italie et au Tessin où il a notamment dessiné les plans de Villa Helios à Lugano-Castagnola. De 1903 à 1905, il a réalisé Villa Maraini de Rome.
Dans les années 20, Otto Maraini s’est engagé en faveur de la protection du patrimoine architectural en tant que membre de différentes commissions et jurys au niveau cantonal et national. Il meurt à Rome en 1944.
(Traduction de l’italien: Gemma d’Urso)
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