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Zalmaï: fausse paix, vraie guerre

«J’aurais bien voulu montrer un monde plus gai». swissinfo.ch

Après Yves Leresche et Jean-Claude Wicky, gros plan sur le photographe Zalmaï et son vaste travail intitulé «Eclipse».

Ceci en marge de la triple exposition que propose jusqu’au 26 janvier le Musée de l’Elysée à Lausanne.

27 décembre 1979. Les troupes soviétiques envahissent l’Afghanistan. A Kaboul, Zalmaï a alors quinze ans et demi. «A cet âge-là, vous n’arrivez pas à comprendre ce qui se passe autour de vous», constate-t-il aujourd’hui.

«C’est à ce moment-là que j’ai commencé à poser des questions sur le sens de la vie, de la mort, de la patrie, de la famille. J’ai dû prendre conscience de certaines choses très tôt» ajoute-t-il.

Zalmaï s’enfuit de Kaboul. Traverse l’Europe. Arrive en Suisse, où, dans la tranquillité helvétique, il fait ses études. Mais blessure et interrogation restent en lui. Son travail photographique est clairement une tentative, sinon de réponse, en tout cas de réflexion due à cette fissure.

Dix ans à parcourir le monde

Inde, Indonésie, Philippines, Egypte, Mali, Rép. Centrafricaine, Cuba, l’Afghanistan, bien sûr… C’est une quinzaine de pays au total que Zalmaï a visité entre 1989 et 2002.

«Plus de dix années passées à parcourir le monde pour essayer de comprendre un peu de quoi est faite cette planète.

L’exposition qu’il présente au Musée de l’Elysée n’a donc pas de sujet précis, Pas de réel sujet, façon Leresche (les Rroms) ou Wicky (les mineurs de Bolivie). Ou alors, son sujet est l’humanité, en particulier celle des pays en voie de développement.

«J’ai essayé de garder un regard sans préjugés, de regarder tout le monde de la même façon. Où qu’on soit, les humains restent les humains, Malgré la souffrance, malgré l’injustice l’homme garde certaines de ses qualités. C’est quelque chose qui me permet de continuer à vivre et à travailler».

Et pourtant, le monde selon Zalmaï est loin, très loin, d’être dominé par un optimisme béat.

La vraie guerre, celles que les médias ignorent

Ce n’est pas un univers nanti et rigolard que nous propose Zalmaï. Pauvreté. Misère. Violence. «J’aurais bien voulu montrer un monde plus gai, plus juste, mais malheureusement, le monde est mal fait. Deux tiers de la planète n’a pas accès ne serait-ce qu’à l’eau potable, ou à l’éducation», constate-t-il.

«Le monde que j’ai vu est un monde difficile, qui souffre, qui essaie de survivre». Le combat du quotidien. La violence de la survie. «Une guerre aux allures de paix», selon l’expression de Zalmaï.

Qui précise: «Une guerre silencieuse. Il n’y a pas beaucoup de gens qui s’intéressent à cette guerre-là, parce que ce n’est pas une guerre qui fait sensation, ce n’est pas une guerre sur laquelle les médias peuvent faire leurs grands titres».

Ses images sont dures, certaines parfois insoutenables. Car cette guerre cachée, il n’a pas voulu ni la caricaturer, ni l’aseptiser: «Je n’ai ni envie de donner dans le sensationnalisme, ni de travailler avec des lunettes roses».

Longue éclipse

L’exposition de Zalmaï, comme son livre (Umbrage Editions), s’intitule «Eclipse». Pourquoi ce titre? «Tout le monde a droit à la lumière. Mais dans les pays où je suis allé, j’ai l’impression qu’on a pris leur lumière. Or une éclipse n’est pas éternelle. La lumière va donc revenir».

Aujourd’hui, Zalmaï vit aux Etats-Unis. A propos, comment le regarde-t-on de l’autre côté de l’Atlantique? «Ils sont parfois très surpris de voir un Afghan qui a voyagé. Et puis, les Afghans qu’ils voient dans leur poste de télé et moi, cela ne correspond pas vraiment! Cela les perturbe un peu», répond-il.

Et de son côté, que lui apporte ce triple vécu – oriental, européen, américain? «Cette expérience européenne et américaine me complète un peu plus. Et me fait réaliser un peu plus combien le monde est petit… et combien les distances sont grandes».

Car à l’heure où les préjugés et les barrières se renforcent, les distances ne se comptent pas nécessairement en miles ou en kilomètres.

swissinfo/Bernard Léchot

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