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Zep, superstar tranquille

Zep: «Un auteur qui n’est pas encore mûr»? swissinfo.ch

Des millions d’albums vendus, des timbres suisses à l’effigie de Titeuf, et, bien sûr, le Grand Prix 2004 de la Ville d’Angoulême…

Le dessinateur et scénariste genevois Zep va de succès en succès. Bernard Léchot l’a atteint par téléphone à son atelier.

Alors que le 10e tome de Titeuf sortira cette année, ainsi que trois autres livres, la – jeune – carrière de Zep vient d’être couronnée en France par le Grand Prix de la Ville d’Angoulême, le Goncourt de la BD, en quelque sorte…

swissinfo: Zep, vous gardez les pieds sur terre?

Z.: Il faudrait demander ça à mon entourage… Disons que dès qu’on rentre de ce genre de manifestation, on a vite de nouveau les pieds sur terre. C’était l’anniversaire de mon gamin, il fallait s’occuper d’une quinzaine de petits garçons qui faisaient les fous dans tous les sens, donc Prix d’Angoulême ou pas, cela ne changeait pas grand chose! On revient vite à la réalité.

swissinfo: Comment réagissent les copains de votre fils face au ‘papa’ de Titeuf?

Z.: Ils ont 7 ans… C’est-à-dire qu’ils connaissent le personnage, mais pas vraiment la notion de l’auteur. A cet âge-là, j’étais fou de Lucky Luke, mais si on m’avait proposé de rencontrer le monsieur qui dessine Lucky Luke, je pense que je n’en aurais pas eu grand chose à faire. Je ne réalisais pas encore ce que cela voulait dire.

swissinfo: Le Grand Prix de la Ville d’Angoulême est en principe un prix qui couronne l’ensemble d’une carrière…

Z.: Peut-être qu’on me pousse à la retraite! (Rires) Non, en fait, cela me fait très plaisir. Parce que ce prix est remis par les grands de la bande dessinée: le jury est constitué par les lauréats des années précédentes. Margerin, Mandryka, Gotlib, Moebius, Juillard… Des gens que j’ai rêvé de croiser un jour pour voir s’ils existaient vraiment! Alors non seulement de les voir, mais qu’ils me remettent ce prix, c’est énorme!

Au-delà de ça, la particularité d’Angoulême, c’est que le primé est président l’année suivante, et il a notamment la tâche de superviser les expositions. Ce sont de grosses expositions internationales, avec des moyens. Et ça, cela m’excite beaucoup.

swissinfo: Dans la presse, on a pu lire que vous vous réjouissiez que ce soit enfin la dimension artistique de votre travail qui soit ainsi reconnue, et non pas seulement le côté ‘recordman des ventes’.

Z.: Ce qui est sûr, c’est que le collège d’académiciens de la BD qui m’a remis ce prix ne me l’a pas remis pour mes ventes, car ce n’est pas ce qui les intéresse le plus. Cela dit, ce n’est pas désagréable qu’on parle de mon travail en termes de succès. Mais c’est vrai que depuis deux ans, il y a eu très peu d’articles ou d’interviews qui ont été axées sur autre chose que les records de vente.

swissinfo: On peut en effet avoir l’impression que vous êtes aussi fort en marketing qu’en dessin. Sans parler du magazine «Tchô» ou du merchandising, Titeuf est traduit dans 14 langues, est distribué en Chine et s’apprête à conquérir le marché russe…

Z.: D’abord, ce n’est pas tellement moi qui m’occupe de cet aspect-là des choses. Ensuite, ce n’est pas vraiment du marketing. Il n’y a pas de réelle volonté de vendre Titeuf à l’étranger: grâce à son succès, ce sont les éditeurs étrangers qui se manifestent pour l’avoir.

Mais ce succès, il s’est développé pendant des années simplement grâce au bouche à oreille. La seule promotion, c’était les séances de dédicaces dans les librairies.

D’ailleurs au début, la série n’était pas destinée à un public jeune. Elle n’était distribuée que dans les magasins spécialisés, assez modestement. On s’est rendu compte progressivement que beaucoup d’enfants connaissaient le personnage, et venaient aux dédicaces. Un phénomène a eu lieu. C’est plutôt le public qui a choisi Titeuf.

Mais pendant des années, je ne me suis pas économisé en tournées, en séances de dédicaces en librairie. C’est d’ailleurs ce que font aussi les autres auteurs.

swissinfo: Et aujourd’hui?

Z.: Je fais de moins en moins la promotion de mes albums: il n’y a plus besoin de faire la tournée des librairies. Ce serait même décalé d’y aller, car ce n’est plus adapté. Ce qui est bien pour faire connaître un livre, c’est d’attirer à chaque fois dix ou vingt personnes, d’avoir le temps d’échanger des opinions, de passer un moment ensemble.

Lors de mes dernières séances de dédicaces, ce n’était plus possible. Il fallait aller très vite, dessiner rapidement. Maintenant, je dois passer par d’autres canaux, la télévision par exemple. C’est un peu frustrant, parce que tout à coup, on ne voit plus les gens. Mais c’est la loi du genre: il faut tout à coup passer à un autre système.

swissinfo: Vous êtes tombé dans le syndrome de la rock star!

Z.: Exactement!

swissinfo: A propos de rock star, vous signerez l’affiche du Jazz Festival de Montreux, édition 2005… Le group Zep n’Greg aura-t-il l’occasion d’y jouer?

Z.: Il faudra essayer de convaincre Monsieur Nobs, mais j’ai des doutes!

swissinfo: Vous continuez d’avoir le temps de faire de la musique?

Z.: Oui. Il y a un côté magique dans la musique, en tout cas dans le rock. Si vous avez beaucoup joué avec des gens, même si on ne s’est pas vu pendant longtemps, on se retrouve, on prend les instruments, et tout de suite, quelque chose se passe. Les codes sont plus simples dans la musique que dans le dessin. Le dessin nécessite beaucoup de pratique, des codes plus longs et plus laborieux.

swissinfo: Vous aviez consacré un album au monde du rock, «L’enfer des concerts». Vous y reviendrez un jour?

Z.: Peut-être… C’est en tout cas un sujet qui me passionne. Mais parler de ce qui nous passionne, ce n’est pas toujours facile de le faire en étant passionnant!

De manière générale, j’ai l’impression d’être un auteur qui n’est pas encore mûr. Je crois que d’autres choses vont venir dans mon travail, des choses nouvelles que je ne connais pas encore. C’est pour ça que je suis plutôt confiant envers l’avenir. Ce qui ne veut pas dire que j’aurai toujours autant de succès qu’aujourd’hui. Mais je suis sûr que j’aurai toujours des choses à faire qui vont m’amuser.

Interview swissinfo: Bernard Léchot

– Zep, alias Philippe Chappuis, est né le 15 décembre 1967 à Genève. Il doit son pseudonyme à sa passion adolescente pour le groupe Led Zeppelin.

– En 1993, le premier album de Titeuf, «Dieu, le sexe et les bretelles», en noir-blanc, était tiré à 7000 exemplaires par les Editions Glénat. Le 9e tome, «La Loi du préau» (2002), a été imprimé par le même éditeur à 1,4 millions d’exemplaires.

– Aujourd’hui, la série Titeuf est traduite en 14 langues. Distribué en Chine depuis l’automne dernier, l’écolier à la mèche blonde s’attaquera prochainement au marché russe.

– Titeuf existe également en dessin animé, et fait régulièrement des apparitions dans le magazine «Tchô», créé par Zep (mensuel tiré à 70’000 exemplaires).

– Cette année, plusieurs publications sont au programme: en avril, un album en tant que scénariste («Captain Biceps», dessin de Frédéric Tébo), puis en automne, le 10e tome de Titeuf et un «art book» sur Zep (affiches, illustrations diverses) et en fin d’année un hors-collection de Titeuf (pages publiées dans le magazine Tchô).

– Parallèlement au dessin, Zep est un passionné de musique, comme en témoignent son pseudonyme, sa collection de disques de Bob Dylan, le groupe auquel il participe («Zep n’Greg»), le ‘one shot’ «L’enfer des concerts» (Ed. Dupuis, 1999), ou la pochette qu’il a dessinée pour Jean-Jacques Goldman («Chansons pour les pieds», 2001).

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