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Zouc, le rire même loin des scènes

Zouc en 1987, sur le célèbre 'Divan' de l'animateur français Henri Chapier. AFP

La maladie ne l’a jamais vraiment éloignée de son public. Incarnée il y a 4 ans par Nathalie Baye à Vidy-Lausanne, l'humoriste jurassienne réapparaît sous les traits d’«Une femme drôle». Un récit-portrait éclairé par la plume de la romancière française Maryline Desbiolles.

Une voracité à toute épreuve et un corps qui va avec. L’appétit de Zouc, comédienne ample, massive, fut énorme. Son appétit pour les mots, ceux qui font rire en vous vrillant le cœur. On l’imagine maigre, maintenant que le souffle lui manque. Une méchante maladie lui ronge les cordes vocales. «Zouc a perdu sa langue, elle ne l’a pas dans sa poche c’est entendu, mais elle l’a perdue, sa langue d’usage, du bon usage (…), elle a gardé de la langue la grimace», écrit Maryline Desbiolles dans «Une femme drôle» (Editons de l’Olivier).

Après «Zouc par Zouc» d’Hervé Guibert (que Nathalie Baye interprétait au Théâtre de Vidy-Lausanne en 2006), voici donc ce portrait-récit qui nous vient de Paris. Dans la ville lumière, l’humoriste jurassienne jadis brilla, laissant loin derrière elle la Suisse et l’asile d’aliénés où, adolescente, elle fut enfermée.

«Zouc nous avale»

De cette folie de jeunesse, son corps, gros de mille blessures et personnages, s’est toujours imprégné. C’est un ogre disaient d’elle les uns. Pas du tout leur répond aujourd’hui Maryline Desbiolles qui explique la corpulence de la comédienne par le succès de ses spectacles: «Zouc nous avale».

Le constat est chargé d’admiration à l’égard de cette «femme drôle» dont le rire fait peur à cause de ce qu’il ouvre: «le placard de Barbe-Bleue». Les fantômes surgis sont nombreux comme Zouc, comédienne multiple, unique néanmoins dans son éternelle et légendaire robe noire.

Que porte-t-elle aujourd’hui, Zouc? Des couches et des couches… du passé, que Maryline Desbiolles enlève les unes après les autres, histoire d’interroger sa mémoire de spectatrice. Dans les années 1970, elle voit l’humoriste à la télévision, pour la première fois. «Une apparition inquiétante» qu’elle retrouvera quelque temps plus tard au théâtre du Casino, à Nice, sans jamais pouvoir expliquer cette étrangeté qui accompagne la comédienne.

Imaginaire collectif et terrain intime

Cerner Zouc l’incontournable relève de l’impossible. «Le nom, par quel bout le prendre, le grand Z, le petit c?», se demande l’auteure à la première ligne de son livre. Va donc pour un portrait impressionniste qui fait sauter les verrous de la réalité, se jouant de la figure de Zouc, la faisant glisser sur la scène de l’imaginaire collectif, puis sur le terrain de l’intime.

A cause du «z qui fend l’air», Zouc est comme Zorro. Et à cause de son accent, elle est comme les parents de Maryline Desbiolles. «L’accent de Zouc. Un accent qui m’est étranger bien qu’il soit celui de ma famille, presque celui de ma famille qui n’est pas suisse comme Zouc mais savoyarde», écrit l’auteure.

Proximité géographique de l’une et de l’autre. Mais complicité spirituelle aussi qui fait de la mère et de la grand-mère de Maryline des femmes drôles, drôles comme Zouc dont le rire est «baigné de désespoir».

«Je ne parle pas du désespoir intime, mais de celui du siècle, note l’auteure. Avec Fernand Reynaud et Bourvil on rit comme avant guerre (…). Zouc est née dans la connaissance du néant, le creusement des charniers, les fosses et les tas, tas de corps et le vide encore pire de leur brûlage».

Bourvil et Reynaud sont loin. Zouc est là, même absente des scènes. Maryline Desbiolles entend toujours son rire. «Elle m’habite», nous confie-t-elle au téléphone. Bien, mais pourquoi elle? Il est rare qu’un écrivain français s’intéresse au sort d’une humoriste suisse, alors que l’Hexagone compte d’innombrables comiques! «Oui, mais ils ne lui arrivent pas à la cheville, répond notre interlocutrice. Ce sont des chansonniers, ils marquent l’actualité politique. Zouc est dans un autre registre, ses mimiques vont au plus profond de l’humain, elles ont inventé un métalangage qui fait surgir la folie. Et puis contrairement à ce que pensent beaucoup de Suisses, Zouc est très connue en France. Mon livre n’élargit pas sa notoriété. Il la confirme».

«Une femme drôle», de Maryline Desbiolles. Editions de l’Olivier, Paris. 72 pages.

Von Allmen. De son vrai nom, Isabelle von Allmen, comédienne et humoriste, née en 1950, à Saignelégier (Jura).

Conservatoire. En 1966, elle entre au Conservatoire de Neuchâtel, puis rejoint celui de Lausanne.

Hôpital psychiatrique. Elle fait durant cette période un séjour en hôpital psychiatrique où elle observe le milieu et en tire par la suite bon nombre de ses personnages.

Neuchâtel. En 1968-69, elle présente ses premiers spectacles dans les cabarets d’été du Centre culturel de Neuchâtel.

Paris. Un an plus tard, elle s’inscrit à Paris au cours d’art dramatique de Tania Balachova. Comme comédienne, elle est distribuée dans plusieurs pièces de théâtre, à Paris.

Spectacles. A partir de 1972, elle commence à écrire et monter ses propres spectacles qu’elle donne en France et en Suisse. Parmi ceux-ci citons: «L’Alboum», «R’alboum», «Zouc à l’école des femmes», «Zouc au Bataclan»…

Savoie. Romancière française né à Ugine (Savoie) en 1959.

Romans. Elle a notamment publié «La Seiche», «Anchise» (Prix Femina 1999) et «La scène».

Nice. Elle vit dans l’arrière pays niçois.

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