Des perspectives suisses en 10 langues

Zurich, le retour du «bon allemand» à l’école

La ministre socialiste zurichoise Regine Aeppli a tenu sa conférence de presse des 100 jours. Keystone Archive

Après avoir promu l'apprentissage précoce de l’anglais, le gouvernement du canton de Zurich défend le retour du «bon allemand» à l’école.

La ministre socialiste de l’Education Regine Aeppli est favorable à l’utilisation du «Hochdeutsch» dès les classes enfantines.

Première mardi à Zurich, la ministre (conseillère d’Etat) socialiste Regine Aeppli a tenu sa conférence de presse des 100 jours en deux langues.

La responsable de l’éducation a tiré son premier bilan d’activités d’abord en français. Puis, après une pause café-croissant offerte aux journalistes francophones et aux confrères zurichois qui avaient fait le déplacement, elle a recommencé en «bon allemand».

Députée (conseillère nationale) au Parlement fédéral depuis 1995, élue en avril au gouvernement zurichois, la nouvelle ministre zurichoise de l’Education tenait-elle à rassurer les francophones sur l’importance de la langue de Molière dans le plus canton le plus peuplé de Suisse?

Corriger les idées fausses

Suzanne Sorg-Keller, porte-parole du gouvernement (Conseil d’Etat) zurichois, met en avant des questions d’organisation. «Nous avons reçu plusieurs demandes de médias romands, répond-elle, et nous avons pensé qu’une conférence de presse répondrait aux besoins de tous.»

Il ne s’agit pas non plus, précise la porte-parole, d’une nouvelle «offensive de charme», après le déplacement du responsable des finances Christian Huber en Suisse romande avant les vacances.

Quant à Regine Aeppli, elle explique son choix par la nécessité de «nous parler davantage pour corriger les images faussées que nous avons des uns et des autres.»

L’anglais précoce à l’école

La question de l’apprentissage des langues étrangères a néanmoins surgi pendant la conférence de presse. Comme son prédécesseur Ernst Buschor, Regine Aeppli est favorable à l’anglais précoce.

La décision de l’introduire lors de la rentrée 2005 comme langue d’enseignement pour les sciences naturelles dès la 2e année d’école a certes été officiellement prise, mais la conseillère d’Etat veut en revoir le concept.

«Les enseignants concernés sont très inquiets, ce que je comprends, dit-elle. Nous voulons les rassurer en préparant une nouvelle mouture du projet.»

Mais, si elle résiste à son premier face-à-face avec les enseignants à propos du programme d’assainissement drastique qu’elle doit mettre en œuvre, Regine Aeppli pourrait se démarquer de son prédécesseur en devenant la ministre du «retour au bon allemand».

Des recommendations cantonales

La conseillère d’Etat en a fait une de ses priorités, à l’instar de la Conférence des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) et de nombreux autres cantons alémaniques.

«Outre Zurich, Schwyz, Uri et d’autres viennent de publier des recommandations visant à favoriser la «Standardsprache», ou allemand standard, à l’école», précise Olivier Maradan, secrétaire général-adjoint de la CDIP.

Selon lui, les cantons alémaniques préciseront leurs méthodes durant cette année scolaire. «Tout le monde est acquis à l’idée, mais les modalités peuvent être différentes, par exemple concernant l’obligation ou non de l’allemand standard durant l’enseignement des branches secondaires.»

Le problème est lié à l’immigration

Olivier Maradan rappelle encore que la discussion n’est pas récente, qu’elle est liée à la nécessité d’intégrer les migrants et qu’elle a cours également en Allemagne et en Autriche.

Dans le canton de Zurich, un quart environ des élèves ont une autre langue maternelle que l’allemand. Le «bon allemand», ou «allemand écrit», comme disent les Alémaniques, est déjà, théoriquement, obligatoire, au moins pour les branches principales.

Cet été, après les recommandations de la CDIP, les journaux zurichois se sont remplis de lettres de lecteurs craignant que leurs chères têtes blondes ne doivent commencer à lire avec Goethe ou Schiller et demandant qu’on admette au moins le dialecte à la gymnastique et aux cours de dessin.

Préjugés et craintes

«Il y a un réflexe identitaire par rapport à l’Allemagne, explique Regine Aeppli à swissinfo, mais je crois surtout que beaucoup de gens voient le bon allemand comme une langue compliquée et intellectuelle.»

«Il faut faire de l’allemand la langue qu’elle est déjà pour les enfants, grâce à la télévision: une langue de la vie quotidienne.»

La conseillère d’Etat est du reste favorable à l’utilisation du bon allemand à l’école enfantine, sur le modèle appliqué actuellement en phase pilote dans deux classes d’école enfantine bâloise.

swissinfo, Ariane Gigon Bormann, Zurich

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