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Débris spatiaux: avertissement suisse au monde

Débris spatiaux
Sur cette image générée par ordinateur, les satellites et les débris ont été nettement agrandis pour les rendre bien visibles. Il n'empêche: les environs immédiats de la Terre sont très encombrés. Keystone

Les débris spatiaux sont un vrai risque pour la navigation orbitale, mais il existe des moyens de le réduire, affirme un rapport suisse adressé aux parties concernées. Sera-t-il suffisant pour dissuader les militaires de faire de l’espace leur terrain de jeu?

15 novembre 2021. À 480 kilomètres au-dessus de l’immense steppe russe, le satellite Kosmos-1408 explose en silence, dans une gerbe de débris de toutes tailles. À la retraite depuis près de 40 ans, l’engin vient d’être frappé par un missile antibalistique A-235, tiré du cosmodrome de Plesetsk.

480 kilomètres, c’est dangereusement près de l’orbite de la Station spatiale internationale (ISS). Les sept membres d’équipage sont immédiatement priés de revêtir leurs combinaisons et de se réfugier dans les capsules de secours qui leur permettraient de rentrer sur Terre en cas de collision.

Au Pentagone, qui dénonce un acte «inconscient et dangereux», Moscou réplique que tout a été fait dans le respect des règles de sécurité. D’autant qu’il y a deux cosmonautes russes à bord de l’ISS – dont l’un en est le commandant.

Collisions en tous genres

Ce haut fait d’armes n’est pas une première. La Chine en 2007, les États-Unis en 2008, puis l’Inde en 2019 s’étaient déjà livrés à ce genre de démonstration de force – à chaque fois sur l’un de leurs propres satellites.

Il y a aussi les collisions accidentelles. Le 22 mars 2021, le satellite météorologique chinois Yunhai 1-02 percute un morceau d’un étage de fusée russe Zenit-2, lancée dans les années 1990. C’est alors la pire collision orbitale confirmée depuis février 2009, quand le satellite russe (militaire lui aussi) Kosmos-2251 avait heurté Iridium 33, un satellite de communications américain.

Chacun de ces événements, volontaire ou non, fait augmenter de quelques centaines le nombre de débris qui encombrent l’orbite basse (jusqu’à 2000 km d’altitude). Or, il y en a déjà 34’000, en ne comptant que ceux que les radars au sol sont capables de détecter. Il y a aussi près de 130 millions de débris de petite taille, qui tournent à 20 fois la vitesse d’une balle de fusil, et sont aussi capables de causer de gros dégâts.

Sonnette d’alarme

Aujourd’hui, les agences spatiales, les lanceurs de satellites privés et le milieu académique sont très conscients du problème. À l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), on s’en occupe depuis au moins 2012, date de naissance du projet ClearSpace, qui devrait être le premier satellite ramasseur de déchets.

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Mais les décideurs ne sont pas encore totalement convaincus de l’utilité d’investir dans les solutions de nettoyage des déchets. À l’EPFL, Marie-Valentine Florin, directrice de l’International Risk Governance Center (IRGCLien externe), fait remarquer à Muriel Richard-Noca, co-fondatrice de ClearSparce, qu’il n’existe pas d’étude comparative des différentes solutions et des coûts qu’elles impliquent. La tâche de mener cette étude sera confiée à Romain Buchs, jeune physicien qui vient de faire sa thèse de Master sur la gestion des débris spatiaux. Un premier rapportLien externe sort au printemps 2021, complété à fin novembre par des options pour les politiques et les industriels.

«Nous l’avons envoyé de manière ciblée à environ 400 personnes des agences spatiales et du secteur privé,», explique l’auteur, tout en admettant qu’il est «difficile d’atteindre les Chinois et les Russes» et que les états-majors ne sont pas sur la liste.

«Normalement, poursuit Romain Buchs, les satellites devraient rentrer dans l’atmosphère [et donc y brûler] au maximum 25 ans après la fin de leur vie opérationnelle. Mais la règle n’est pas contraignante, et donc pas suffisamment appliquée. 60% environ des satellites s’y plient, alors que l’on devrait arriver au moins à 90%».

Poids plume vs. mastodontes

Or des satellites, il y en a de plus en plus. Depuis quelques années, les États n’ont plus le monopole de l’accès à l’espace. La tendance est aux constellations en orbite basse. Cela a commencé à la toute fin du 20e siècle avec Iridium et Globalstar, pour le téléphone satellite. Mais ces engins étaient à peine plus d’une centaine.

Avec OneWeb, puis Starlink (SpaceX) et Kuiper (Amazon), on passe à des milliers de satellites, censés apporter l’internet rapide à la Terre entière. Leurs opérateurs ont assuré prendre toutes les précautions nécessaires, soit en volant assez bas pour que la désorbitation s’opère automatiquement après quelques années, soit en équipant leurs engins de dispositifs destinés à faciliter leur capture par de futurs remorqueurs spatiaux.

Pour Romain Buchs, ces nuées de petits satellites ne sont donc pas vraiment le problème. «À la base, ce sont les États qui ont créé le problème. Les nouvelles constellations en sont plutôt les victimes. Ce sont de petits satellites, qui ne pèsent guère plus de 150 kilos. Les vrais problèmes viennent plutôt d’étages entiers de fusées – surtout russes – qui peuvent peser jusqu’à neuf tonnes et qui ont été largués entre 1980 et 2005», précise l’expert.

Contenu externe

Gérer le chaos

Pour autant, Romain Buchs ne croit pas aux scénarios apocalyptiques, comme le Syndrome de KesslerLien externe, qui verrait l’espace proche tellement encombré que tout vol y deviendrait impossible.

«On ne pourra jamais aller chercher les petits débris, on va se concentrer sur les plus gros, qui risquent de se heurter et de créer des milliers de petits morceaux supplémentaires. Ils sont environ 2000 en orbite basse. Il suffirait d’aller en chercher trois ou quatre par année pour réduire déjà considérablement le risque», explique le physicien.

C’est l’objectif du projet ClearSpace, né à l’EPFL et qui porte désormais les couleurs de l’Agence spatiale européenne (ESALien externe). Les Japonais ont également un projet similaire (AstroscaleLien externe). Et il y en aura d’autres.

Quant à ceux qui clament qu’il suffit d’arrêter les lancements en orbite, ils oublient à quel point notre monde est dépendant des satellites. «Pour prendre un seul exemple, 26 des 55 paramètres que l’on utilise pour mesurer le changement climatique ne peuvent être mesurés que de l’espace», rappelle Romain Buchs.

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